Toutes dans l’même sac ! Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteur

Enfant et son assistante maternelle
« La plupart d’entre elles aiment leur travail, font de leur mieux et donnent satisfaction aux parents qui les emploient » (1). Lorsque c’est une spécialiste de la Petite Enfance en général, et des assistantes maternelles en particulier, qui l’affirme, on serait tenté de le croire ! Lorsque cet article fait partie d’une parution intitulée « N’oubliez pas les bébés, Monsieur le Président ! », sorte de grande lettre ouverte à nos dirigeants, on s’attend avec impatience à voir développer en quoi consiste notre travail, pourquoi nous le faisons au mieux de nos capacités et comment nous donnons satisfaction à nos parents-employeurs. Naïvement, nous espérons que seront expliqués les atouts et les spécificités de l’accueil individuel, qu’enfin notre place et notre rôle au sein des métiers de la Petite Enfance seront reconnus à leur juste valeur. Très vite, malheureusement, nous déchantons… Car si la plupart d’entre nous proposent une bonne qualité d’accueil, aux dires de l’auteure, voire parfois même un « accueil reconnu pourtant comme particulièrement riche et précieux pour de nombreux parents et de nombreux enfants, dans certaines conditions », c’est donc plutôt à la minorité que l’on préfère s’attacher : ces collègues indélicates qui jettent l’opprobre sur toute une profession. Comme tous les métiers, le nôtre a malheureusement aussi ses brebis galeuses, inutile de le nier ! La situation serait même devenue inquiétante dans certains secteurs, où les professionnelles de Pmi, de Ram et autres formateurs constateraient « trop d’abus de pouvoir de la part d’assistantes maternelles sur les parents, des triches sur leurs salaires, le type d’accueil des enfants et les déclarations officielles. » Toutes des fripouilles, des voleuses, des arnaqueuses ? C’est à l’aune des agissements d’une triste minorité d’entre nous que nous sommes finalement jugées ? En conclusion, puisque notre  professionnalisation « est en grande partie un échec compte tenu des exigences et des enjeux de ce travail », il est donc urgent que nous soyons toutes mieux surveillées, encadrées, et contrôlées.

D’autres experts, d’autres savants spécialistes se penchent sur notre cas. L’accueil individuel interpelle, dérange. Beaucoup s’interrogent. On se tourne vers des rapports qui étudient, qui comparent et dissèquent les différents mode d’accueil.  Le rapport Giampino a certes laissé une place à l’accueil individuel, bien que très peu d’assistantes maternelles de terrain n’aient été auditionnées (2), et certaines préconisations vont dans le sens d’une amélioration de nos conditions de travail et donc du bien-être des tout-petits. Mais pourquoi imaginer que « l’accueil collectif est le vaisseau amiral de l’évolution de l’accueil du jeune enfant. La crèche doit prendre par la main les assistantes maternelles [...] » (3). On passe encore et toujours à côté d’une vérité essentielle : notre profession dispose d’une élite propre à elle-même auprès de laquelle nous pourrions toutes trouver l’inspiration. Notre profession dans son ensemble, ne souffre pas d’un manque de compétences, elle souffre d’un manque de visibilité. On doit absolument la découvrir et la faire connaître, mettre en lumière « comment des personnes - au sein de leur domicile, au gré de leurs rythmes familiaux - parviennent à produire un accueil professionnel de jeunes enfants » (4). Et souvent, un accueil professionnel de très grande qualité. Or la dévalorisation systématique des assistantes maternelles qui n’éprouvent aucun besoin d’être menées par la main mais qui, par contre, souhaiteraient être mieux formées pour répondre aux enjeux de leur métier, atteint encore un niveau supérieur quand on peut lire que les auteurs du Rapport Terra Nova «  partant du constat que les familles pauvres n’ont pas les moyens de recourir à la garde individuelle, centrent leur approche sur les crèches. Ils ont raison sur le fond : celles-ci assurent une qualité d’accueil et de développement (socialisation, langage, éveil, confiance en soi, découvertes…) bien supérieur au mode de garde individuel. Mais celui-ci n’est pas près de disparaître, tant les besoins sont grands. » (5)

Soyons donc rassurées : on a encore besoin de nous, malgré notre soi-disant incompétence ! Sur quelles statistiques, sur quelles études se basent donc les auteurs de ces remarques insultantes pour les assistantes maternelles qui, tous les jours, donnent le meilleur d’elles-mêmes aux enfants qu’elles accueillent et à leur famille ? « Cette allégation, pour le moins à charge contre les assistantes maternelles, ne repose pourtant sur aucun travail scientifique stable » (6) Des on-dit, des opinions personnelles, des critères subjectifs, des analyses sans fondement imposés comme des diktats qui vont se transformer en faits avérés et se retrouver mentionnés, repris, cités dans tous les écrits sur les modes d’accueil ! Écrits sur lesquels nos dirigeants se baseront pour prendre les décisions nous concernant. Décisions qui pèseront lourd sur notre quotidien et sur celui des tout-petits que nous accueillons.



(1) Suzon Bosse-Platière, dans le n°82 de la revue Spirale, Juin 2017, page 149
(2) 4 assistants maternels ont participé à la commission, aux groupes de travail et aux auditions, dont une collègue travaillant en crèche familiale, mais aucun en Mam
(3) interview de Sylviane Giampino « La formation de vrais professionnels des métiers de la petite enfance est un enjeu de taille » par Catherine Lelièvre, Les Pros de la Petite Enfance, Juillet 2017
(4) Pierre Moisset « Les assistants maternels à la croisée des chemins », Les Pros de la Petite Enfance, septembre 2017
(5) Denis Clerc et Michel Dollé, économistes, dans le rapport « investissons dans la petite enfance »
(6) Laetitia Delhon, L’assmat octobre 2017
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 15 octobre 2017
Mis à jour le 28 août 2019