Crèches : quelle répartition du travail entre gestion et direction ? Par Laurence Rameau

Puéricultrice, formatrice, auteure

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bébés à la crèche
Les directrices et référentes techniques des crèches sont souvent perçues par les équipes comme des professionnels qui restent la plupart du temps dans leur bureau pour effectuer un travail administratif toujours plus prenant, sans l’aide ni de secrétaire, ni de comptable. La désertion du terrain les conduirait alors à mal mesurer les difficultés rencontrées par les équipes et à ne pas prendre les bonnes décisions.
Cette rengaine est très présente dans les équipes et les directrices s’en plaignent aussi.  A tel point qu’il est possible de se demander si cette situation n’est pas un des facteurs contribuant à la difficulté actuelle de recrutement des professionnels de direction ? Les éducateurs de jeunes enfants semblent fuir la crèche et refuser les postes dits : « à responsabilité ». 
En effet, à quoi bon remplir l’obligation règlementaire de posséder des diplômes spécifiques en lien avec l’enfance et la petite enfance pour exercer un poste de responsable qui ne permet pas d’effectuer son « vrai travail »auprès des enfants, des parents et des professionnels, et requiert des compétences non acquises ? Quelles différences existe-t-il entre le travail dit « administratif » d’une responsable opérationnelle et celui d’un gérant ?

Cette répartition des tâches entre le gestionnaire de la crèche et la directrice, ou la référente technique, n’est pas claire.  Les services de PMI s’embrouillent parfois à ce sujet et peuvent avoir des positions différentes. Certains départements relèguent le gérant de la crèche à une place de financier (particulièrement lorsque ce dernier n’est pas lui-même professionnel de la petite enfance), occupé uniquement à l’établissement d’un dossier de demande d’ouverture de crèche. Or, dans cette vision où la directrice doit tout prendre en charge, elle se trouve vite submergée par les tâches administratives. Les responsables départementaux craignent que les gestionnaires outrepassent leurs fonctions en prenant des décisions pédagogiques et managériales en lieu et place des directrices, mettant ces dernières en difficultés. Pour eux il existe un véritable choc des valeurs entre l’objectif du gestionnaire tendant vers l’équilibre financier du fonctionnement, et celui de la directrice orienté vers la qualité de l’accueil.  Si ce conflit existe,  il n’est pourtant pas opportun de radicaliser la position en faisant porter l’entièreté de la responsabilité de la structure à la directrice, ou à la référente technique, même si c’est son nom qui apparait dans l’autorisation d’ouverture de la crèche.  En laissant de côté le gérant, on diminue aussi la qualité de l’accueil, puisque l’accompagnement pédagogique de l’équipe devient secondaire pour la directrice, au vue de sa charge de travail administratif.  

Séparer la technique pédagogique et opérationnelle de la gestion administrative et financière présente de l’intérêt pour tous. En effet, lorsque le gestionnaire assure la charge du travail administratif et financier de l’établissement, sans outrepasser ses fonctions et sans le déléguer au responsable technique de la crèche, on constate alors l’installation d’un équilibre favorable aux équipes et donc aux enfants.
Mais où se situe la frontière entre la gestion et l’opérationnel ?

Les tâches de gestion d’une crèche comportent l’ensemble des aspects administratifs, financiers et commerciaux d’un établissement. C’est-à-dire la mise en place des contrats des familles et des professionnels, la facturation, les bulletins de paies, la réservation des berceaux (quand il y en a), les relations financières avec les CAF et les autres partenaires, les commandes aux fournisseurs, les budgets et la comptabilité, le management de sa direction et le suivi de la qualité de son établissement en fonction du projet éducatif de la crèche.   
Les tâches de direction ou de référence technique relèvent du domaine du pédagogique et de l’opérationnel. Il s’agit de recevoir les familles et les professionnels, de créer des partenariats éducatifs avec les parents et des projets pédagogiques avec les équipes, de veiller à l’environnement, à la qualité de l’accueil des enfants et à la qualité de vie au travail des professionnels, d’établir les plannings de roulement de travail et une organisation pédagogique de la crèche, de commander auprès de son gestionnaire les denrées, les équipements et les travaux d’aménagement nécessaires, de manager son équipe.

Quelques situations particulières peuvent être rencontrer et peuvent modifier ponctuellement cette frontière. Par exemple dans l’urgence et selon les disponibilités de la crèche, la directrice ou la référente technique peut accueillir des enfants et établir un contrat occasionnel avec les parents... Cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble du processus de contractualisation avec les parents lui incombe. Dans l’urgence du besoin, elle peut aussi établir des commandes. Cela ne signifie pas que l’ensemble des commandes doivent  être passées par elle. Un réel travail de répartition du travail et de coordination entre le gérant de la crèche et sa direction s’impose. Il doit se faire dans le respect de la place de chacun. Le gestionnaire est le plus souvent l’employeur. Pour autant il n’est pas omniscient et a besoin d’une expertise apportée par des professionnels pouvant occuper les places de direction et de référence technique des crèches. Pour le reste, c’est-à-dire les ressources humaines, la gestion, la comptabilité, il peut embaucher ou cumuler ces postes lui-même.
 Mais rien n’indique qu’il doit le faire dans la crèche…Séparer les locaux administratifs des établissements d’accueil du jeune enfant présente aussi des avantages, le bureau de la directrice ou de la référente technique étant un lieu d’accueil des parents pour parler de leur enfant et non du paiement de la crèche…
La directrice est en quelque sorte le pilote de l’avion. Elle se trouve embarquée avec son équipage pour le faire décoller. Pour autant, elle a besoin du soutien de la tour de contrôle : c’est à son gestionnaire de lui donner les moyens de bien faire son travail et uniquement celui qui lui revient.  

 
Article rédigé par : Laurence Rameau
Publié le 11 juillet 2022
Mis à jour le 11 juillet 2022