Les principales missions des professionnels des crèches. Par Laurence Rameau

Puéricultrice, formatrice, auteure

Qu’est-ce qu’un établissement d’accueil du jeune enfant ? A quoi cet établissement est-il sensé servir ? Quelles missions se doit-il de déployer ? […] En d’autres termes qui attend quoi des professionnels que nous sommes ?
Lorsque l’on interroge des professionnels de crèches à ce sujet, (ce qu’a fait Fanny Covelli dans le cadre de son mémoire de Master en Sciences de l’éducation), on est surpris de constater leurs difficultés à identifier les missions qui sont les leurs. En général, les professionnels estiment que les demandes et modalités d’organisation et de pratiques d’accueil demandées par leur hiérarchie, correspondent à leurs missions, sans savoir si l’ensemble est en lien avec des programmes, chartes ou textes réglementaires, définissant ces missions.
 Et, lorsque l’on demande aux professionnels de définir ce qu’ils font réellement, ils mettent en avant la mission sanitaire de leur travail (veiller au bon développement et à la bonne santé de l’enfant), en ajoutant plus ou moins des axes éducatifs et, au mieux, créer la représentation d’un prendre soin éducatif qui donne une cohérence à leur travail.
En fait,  le constat est que les missions d’accueil, d’accompagnement et d’éducation restent floues pour une grande partie des professionnels dont le travail est justement d’accueillir, d’accompagner et d’éduquer les jeunes enfants. De ce fait il convient ici de proposer une définition qui pourrait aider ces professionnels à comprendre les orientations actuelles de leur travail auprès des tout-petits.

La première mission des professionnels des crèches est celle de l’accueil. Alors que la garde consistait à surveiller les enfants ou à veiller sur eux, l’accueil représente un travail plus anticipé et plus réfléchi, et aussi plus dynamique. Il s’agit de recevoir à la fois l’enfant et ses parents dans des conditions spécifiques qui indiquent que les hôtes attendus sont des personnes importantes. Il y a donc rencontre, présentation et préparation de l’arrivée de la famille à la crèche.
 Au niveau terminologique l’accueil correspond au fait de cueillir délicatement une personne pour l’amener vers soi en lui montrant que tout est fait pour qu’elle se sente bien. Il y a donc d’une part un travail à effectuer sur l’architecture, l’aménagement des locaux, la décoration et l’ambiance afin de rendre l’espace accueillant et d’autre part un autre travail sur les positionnements et comportements professionnels pour être dans une démarche d’accueil et montrer la réalité du plaisir ressenti à recevoir les personnes et la place qui leur est donnée.

La seconde mission est celle de l’accompagnement. Cela comprend l’accompagnement des enfants et celui des parents. Le terme accompagnement signifie l’acte de partager le pain. C’est-à-dire de cheminer ensemble ou de prendre le même chemin. Il ne s’agit donc pas de guider ou de conseiller, mais de comprendre comment la personne fonctionne, quelles sont ses demandes, ses attentes, ou ses recherches, ce dont elle a besoin et souhaite partager. Ceci afin d’être en capacité de faire le chemin avec elle, en lui donnant suffisamment de confiance pour qu’elle se sente assurée et puisse être indépendante et autonome.
C’est donc une position à côté, et non devant comme serait celle d’un guide, ou au-dessus comme serait celle d’un conseiller. Les parents, comme les enfants sont considérés comme « sachant » avec pour les enfants des compétences correspondant à leur développement et pour les parents celles liées de leurs responsabilités éducatives. Parents et enfants doivent pouvoir s’appuyer sur des professionnels qui les accompagnent avec envie et goût et les incitent à poursuivre leur chemin d’apprentissage mutuel.  
Les professionnels ne peuvent donc pas être des donneurs de leçon, ils doivent être dans l’acceptation inconditionnelle des familles qu’ils accueillent quelles que soient leur origine, leur situation ou leur choix de pratiques éducatives, à partir du moment où ces dernières n’entrent pas dans les critères spécifiques de la maltraitance à enfant ou ceux des violences éducatives.  
Pour les enfants l’accompagnement ne doit pas être un jugement de valeur (en bien ou en mal) mais un intérêt réel porté à leurs actions. Souvent nous pensons les encourager en leur disant : « c’est bien, bravo ! ». Or nous les félicitons. Ce qui les encourage et les satisfait sur le moment mais peut aussi créer de l’anxiété. Car un jugement peut aussi s’inverser ou créer une dépendance par la recherche sans cesse de cet assentiment adulte sur leurs actions. Une attitude bienveillante de soutien est plus bénéfique pour les enfants qu’un commentaire jugeant leurs actions, même s’il est positif.

La mission d’éducation est la troisième de leur mission. Éduquer signifie élever, conduire haut. Ce qui veut dire que l’éducation est le fait de porter plus haut les enfants, de les élever. Toute éducation a pour but l’émancipation, c’est-à-dire le fait de devenir à la fois autonome (pouvoir faire ses propres choix dans la vie), et aussi indépendant (ne dépendre de personne pour assurer ses besoins). Les professionnels des crèches participent à l’émancipation future de l’enfant puisqu’ils l’aident à devenir moins dépendant de l’adulte et lui offrent la possibilité d’apprendre à faire des choix.
 Au début de sa vie, le petit est très dépendant de l’adulte pour l’ensemble de ses besoins primaires. Petit à petit, il devient de moins en moins dépendant. Il commence à manger seul, puis à se déshabiller et à s’habiller seul, puis il va aux toilettes seul et commence à se laver seul, etc. Toute sa vie d’enfant lui permettra d’apprendre à être de plus en plus indépendant, pour, au final, s’assumer entièrement lorsqu’il sera adulte.  Permettre aux enfants de pouvoir faire des essais pour apprendre les gestes qui les concernent, comme manger avec leur cuillère, participe à cette éducation par le fait de laisser l’enfant devenir moins dépendant de l’adulte.
 
Mais pour ce qui concerne l’autonomie, cela nécessite à la fois une organisation pédagogique spécifique qui offre aux enfants la possibilité de faire des choix, et aussi de la part des adultes professionnels, une représentation des jeunes enfants comme des êtres capables de faire ces choix en correspondance avec leur développement. Or très souvent le choix n’est pas réellement donné aux enfants. Leur accord n’est pas requis pour mettre la serviette autour du cou, pour aller s’asseoir à table ou changer la couche. C’est le plus souvent l’adulte qui décide pour l’enfant et, au mieux l’informe de sa décision, mais en demandant rarement son avis.  Il nous est souvent difficile d’imaginer que des enfants très petits puissent avoir un avis et qu’il convient de le leur demander. Or, pour tout ce qui les concerne les enfants doivent avoir la parole, même si cette dernière n’est pas encore donnée par le langage, mais grâce au mouvement de leur corps : « es-tu d’accord pour que je te mette ton bavoir ? » : un bébé ne répond que par la position détendue de son corps et parfois sa manière de tendre le cou…Mais il répond toujours…
Dans une organisation pédagogique où les enfants peuvent soit aller jouer avec des poupées, soit faire des constructions, ils doivent choisir, même s’ils modifient leurs choix et font des allers-retours entre les deux propositions. Cela leur permet d’expérimenter ces notions en étant accompagnés par des adultes bienveillants. Il n’y a donc pas de mauvais choix mais différentes possibilités à explorer et un apprentissage orienté sur des gains de confiance en eux. L’éducation d’un tout petit correspond surtout à organiser l’environnement lui permettant de faire ses choix et ses expériences d’apprentissages en tenant compte de ce qu’il nous montre et non de ce que nous pensons qu’il est bien pour lui….

En conclusion, ces missions d’accueil, d’accompagnement et d’éducation sont devenues les missions principales des professionnels des crèches, mais elles nécessitent encore des éclaircissements et un travail de réflexion.
Article rédigé par : Laurence Rameau
Publié le 12 janvier 2020
Mis à jour le 12 janvier 2020