Construire, reconstruire. Par Monique Busquet

Psychomotricienne

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enfant fier de sa construction
Les jeux de construction tiennent une grande place dans la vie des enfants. Ils construisent avec toutes sortes de matériaux : des cubes, des morceaux de bois, de la pâte à modeler, des legos, des cailloux.
Il s’agit aussi de construction lorsque les enfants font des traces sur le sable, sur une feuille, dans la terre, lorsqu’ils « font des installations » avec des voitures, des animaux, des personnages, lorsqu’ils déplacent des objets, lorsqu’ils font une cachette, un train avec des chaises….  
Ce plaisir de construire est sans doute une particularité de l’humain. Les animaux aussi construisent mais uniquement pour se nourrir et protéger eux et leurs petits :  des nids, des abris, parfois des outils. Les hommes construisent également pour se protéger et se nourrir. Mais ils construisent aussi pour le plaisir faire plus haut, plus beau, plus solide, le plaisir de créer. Ils inventent du nouveau, ils créent des machines, des outils, et des oeuvres d’art.  
Que se passe-t-il pour les enfants lorsqu’ils jouent à construire ? Lorsque les enfants construisent, ils exercent leur motricité, ils apprennent à coordonner des gestes précis pour empiler, encastrer, faire tenir en équilibre. Ils manipulent, ils transforment une boule de pate à modeler en l’aplatissant, ils fabriquent une montagne avec du sable. Ils voient les effets de leurs actions, ils sont créateurs.

Mais construire, c’est aussi voir ses constructions se défaire. Parfois la construction en cours n’est pas solide. Elle se casse, se défait. L’enfant ressent de la frustration, de la rage, de la déception. Nous avons tous en tête des situations dans lesquelles certains enfants réagissent très fortement. Il peut s’agir d’un vrai effondrement. L’enfant s’écroule lui-même quand sa construction s’écroule. Il y avait mis toute son énergie, tout son cœur. Il est entièrement dedans.  
Parfois c’est un autre enfant qui vient démolir, défaire. La colère est encore plus forte. Parfois c’est nous-mêmes qui leur défaisons, quand nous rangeons, par exemple. Le ressenti de l’enfant peut aussi être fort. Il s’agit de leur construction, de leur création, même si cela peut nous paraître insignifiant, accessoire, avec nos yeux d’adultes.Il me semble que nous pouvons comprendre la force de ce sentiment d’impuissance, de cette rage. En effet cela nous arrive aussi à nous adultes, de vivre ce genre de situations.

Quelle que soit la cause de « la démolition », l’enfant a alors besoin que nous reconnaissions leurs sentiments de colère et de tristesse, sans les minimiser. Il a besoin de nous pour supporter ce moment, puis pour le dépasser et pouvoir recommencer, avoir l'énergie de reconstruire. L’adulte par sa présence, par ses paroles, aide l’enfant à dépasser son découragement, à ne pas rester dans cette impuissance. L’enfant peut alors expérimenter qu’il est possible de refaire, de reconstruire, pareil ou autrement et souvent mieux et plus solide. L’adulte ajuste alors son aide à ce dont a besoin l’enfant pour reconstruire. L’adulte le soutient pour trouver l’énergie de recommencer.

Une situation de jeu particulière me questionne. Il existe une situation de jeu, fréquemment proposée aux enfants mais qui m’a toujours dérangée et interrogée : lorsque des adultes construisent une tour ou des pâtés de sable et incitent les enfants à la démolir. Les enfants, comme les adultes semblent y prendre du plaisir ensemble. Mais de quel plaisir s’agit-il ?
Est-ce vraiment du jeu ? Quels messages l’enfant perçoit-il alors ?
- Est-ce que cela permet à l’enfant de jouer à être plus fort que l’adulte qui a construit ?
- Est-ce un jeu qui permet à l’enfant de faire ce qu’il n’a pas le droit de faire « en vrai », c’est-à-dire défaire ce qu’un autre fait ?
Certes le jeu sert à pouvoir éprouver et faire des choses interdites dans la réalité, le jeu sert a à faire semblant. Mais que peut comprendre l’enfant lorsque démolir fait rire l’adulte ? Je ne connais pas de situation où quelqu’un peut trouver du plaisir à défaire ou voir défaire ce qu’il a lui-même construit. Parfois, oui, nous défaisons pour mieux refaire (un tricot, un dessin, un bricolage) mais il me semble que c’est en général à contre-cœur, et pour refaire mieux ensuite. Ou est-ce simplement un jeu qui permet à l’enfant d’expérimenter cette alternance faire/défaire/refaire, et ainsi d’avoir toujours l’envie et l’énergie nécessaire pour reconstruire ?

Et nous adultes comment réagissons-nous, quand dans notre quotidien, nous devons reconstruire ?
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 05 mai 2019
Mis à jour le 06 mai 2019