Le dialogue tonico-émotionnel : mode de communication privilégié. Par Monique Busquet

Psychomotricienne

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femme avec bébé dans les bras
Les émotions voyagent et se transmettent entre les uns et les autres. Cette transmission est particulièrement forte entre les bébés et leurs parents mais aussi entre les tout-petits et les adultes qui en prennent soin.  C’est une communication qui passe par le corps, par le tonus des muscles. C’est un dialogue tonique ou tonico-émotionnel.

Un peu de physiologie :  le tonus, c’est l’état de tension ou contraction de nos muscles.  Ceux-ci sont en permanence plus ou moins tendus. Et ce tonus musculaire varie selon trois facteurs. D’abord selon notre physiologie de base : nous avons une constitution plus ou moins tonique (entre hypo ou hypertonique). Ensuite selon notre posture ou le mouvement que nous faisons ou allons faire : assis ou allongé tranquillement, ou prêt à se lever, voire à bondir….  Enfin et surtout selon notre état émotionnel. Chacune de nos émotions est une modification plus ou moins consciente de notre état tonique.  Nous reconnaissons facilement les extrêmes chez nous comme chez l’autre : être détendu, être énervé… Nous expérimentons souvent que ces extrêmes sont contagieux. Mais de fait, toutes les variations se communiquent, de façon plus ou moins consciente. Et les bébés et jeunes enfants ont des antennes particulièrement sensibles.

Le bébé découvre le monde à travers les émotions des adultes. Il les perçoit et les fait siennes. Il a peur, il se réjouit, il est triste, selon ce qu’il capte chez son parent ou autre adulte proche. Cela ne se contrôle pas. On peut dire que son corps repère les changements de tonus chez l’autre, et le bébé les vit alors à son tour. Il est branché sur notre état émotionnel à travers ce dialogue tonique, si puissant. C’est pour cela qu’en présence d’adultes énervés, anxieux, crispés, les jeunes enfants ont plus de risque de s’agiter et d’exploser.
L’enfant perçoit les émotions, à travers cette communication tonique, bien avant les mots. Les messages corporels gardent plus d’impact que les mots. Ainsi un enfant percevra surtout notre inquiétude même si nous lui disons que tout va bien.
Ce dialogue tonique fonctionne dans les 2 sens, comme des vases communicants. L’adulte aussi reçoit et absorbe les émotions des enfants, souvent sans en avoir conscience.  Des enfants énervés, angoissés, insécurisés peuvent amener les adultes à être dans le même état. Tous sont alors « au même diapason ».
Mais l’enfant a besoin que l’adulte lui serve de filtre et de « transformateur ».  Et c’est toute la complexité et la difficulté du travail du professionnel :
  Être comme un réceptacle :  recevoir et accueillir les émotions des enfants en restant suffisamment sensible, en gardant ses antennes ouvertes. En effet, il y a toujours un risque de se fermer, de se blinder, se verrouiller quand cela est trop fort, trop dur ou par peur d’être trop touché par les émotions vécues par les enfants.   
• Prendre conscience de ce que son corps perçoit : être attentif à ce qui se passe en soi,
être à l’écoute de soi, de ses tensions, de ses émotions.
Essayer de faire le tri entre ce qui se passe pour l’enfant et les propres résonnances et échos en soi, pour ne pas projeter ou renvoyer à l’enfant ce qui nous appartient.
•  Ne pas rester dans le même état émotionnel que l’enfant : le risque est grand de renvoyer à son tour et en miroir de la colère à sa colère, de la peur à sa peur, de la tristesse face à sa tristesse.
• Pouvoir absorber et surtout « transformer » :  accompagner l’enfant grâce à notre propre état tonico-émotionnel. L’enfant perçoit et reçoit l’état de l’adulte. Celui-ci, par son propre calme peut alors aider l’enfant à s’apaiser lors d’une colère, d’un chagrin, d’une peur, sans rien nier de ce que vit l’enfant.  L’enfant bénéficie de notre présence, de notre disponibilité, de notre propre détente, confiance et sécurité. L’émotion ainsi accueillie et accompagnée, devient plus légère.

C’est notre propre réceptivité mais aussi la stabilité de notre propre état émotionnel qui est utile à l’enfant. Cela se fait le plus souvent spontanément et en qualité. Mais cela demande un vrai engagement et travail pour les professionnels. Trop souvent, ils gardent en eux et subissent ces mouvements émotionnels trop fort, trop intenses, sans pouvoir les transformer, par manque de soutien, d’accompagnements, de temps et d’espaces pour trouver les chemins de la détente.  
(Peut être le sujet d’une prochaine chronique !)


 
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 01 mars 2020
Mis à jour le 01 mars 2020