Motricité et exploration actives, libres, initiées par l’enfant et soutenues par les adultes ! Par Monique Busquet

Psychomotricienne

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petite fille au pied d
Récemment, un papa d’un enfant de 10 mois me disait « c’est fou les progrès qu’il fait alors que nous ne faisons rien de spécial ! »  Il s’émerveillait, à juste titre, devant son bébé et sa capacité à grandir. Alors je choisis de revenir aujourd’hui sur cette parole, d’autant plus que je suis fréquemment interpellée sur ces questions du développement psychomoteur. Ce papa constate donc, avec une certaine surprise, que son enfant développe ses capacités de mouvement, d’exploration et de pensée, sans qu’il soit utile de lui faire faire, de lui montrer, de devancer les étapes ou de le stimuler directement. Et en effet l’enfant peut initier explorations et mouvements, sous l’impulsion de processus de maturation qui lui sont intérieures (maturation cérébrale, physiologique, psychique), et aussi de son appétence pour la relation, de sa curiosité, de son envie d’expérimenter le nouveau.   

Pour autant, ce papa, les parents de cet enfant ne font pas rien auprès de lui, loin de là !
Au quotidien, ils donnent à leur enfant suffisamment de leur attention, de leur présence et disponibilité, bases de la sécurité affective de leur enfant.  Ils sont en relation et interactions respectueuses avec lui. Ils lui donnent à vivre suffisamment de sensations corporelles, dans des temps de portage, de toucher, de corps à corps de qualité. Ils lui proposent un environnement qui permet à cet enfant d’évoluer librement au sol, de découvrir ses possibilités de mouvement, à son rythme, à son initiative. Et c’est l’ensemble de ces facteurs qui contribuent à la richesse de la motricité libre, active et initiée par l’enfant. Les explorations faites par l’enfant lui-même, à son initiative, sont nourries par la qualité de son environnement humain et matériel, de sa « niche écologique » comme le nomme Boris Cyrulnik.

Ainsi l’enfant peut alterner lui-même entre base de sécurité et nouveau, entre temps de proximité corporelle, de réconfort, de ressourcement nécessaire pour faire le plein de sécurité affective et moments d’exploration et découverte du nouveau. Il est ainsi acteur de, acteur dans son développement. Il trouve les appuis nécessaires, à la fois sur un plan relationnel et physique, qui soutiennent ses élans de vie et lui permettent de grandir.

L’enfant a tout à gagner, à être ainsi soutenu et accompagné dans son développement. Il apprend à être attentif à ses propres ressentis sensoriels, émotionnels et corporels, et à les prendre en compte.  Il apprend à se connaitre.  Il peut développer des coordinations motrices fluides et harmonieuses.  Il apprend à être prudent et peut avoir confiance en lui.  Il expérimente ce dont il est capable, il apprend à chercher, à trouver, à apprendre, à inventer, créer, à avoir des initiatives adaptées. Ce sont des compétences qui lui seront tellement utiles tout au long de sa scolarité et de sa vie.

Parfois, certains enfants présentent des difficultés, des blocages dans leur développement, passagers ou durables. Cela peut être pour des raisons neurophysiologiques (parfois de réelles déficiences sources de handicap).  Ce peut être pour des raisons de stress, d’insécurité, de conditions de vie. Ce peut être aussi des enfants en manque de vécu sensorimoteur et/ou limités dans leurs possibilités d’explorations.

Quelles que soient les raisons de leurs difficultés, tous les enfants ont bénéfice d’être accompagnés dans une motricité libre et active. Quelles que  soient leurs difficultés, ils ont d’autant plus besoin d’être soutenus dans la sécurité affective, dans la qualité des échanges, dans l’adaptation de leur environnement, dans une suffisante proximité et engagement corporel et émotionnel de la part des adultes qui les entourent.
Ils ont également d’autant plus besoin de pouvoir se remplir de sensations corporelles, d’être nourris de mouvements suffisamment « justes et ajustés à leurs besoins et possibles ».  J’appelle ici « mouvements justes », les mouvements inscrits dans le développement neuromoteur des bébés humains (soutien de la base, regroupement, enroulements, rotations, croisement de l’axe). Ce sont des mouvements qui permettent à l’enfant d’être « participant actif ». Ces vécus sensorimoteurs et leur mémoire corporelle sont essentiels pour ses propres explorations. Ainsi ils peuvent développer connaissance d’eux-mêmes, et vivre ces ressentis de confiance, plaisir, curiosité, appétence …

Alors, j’ai envie de finir cette chronique en rappelant combien cette place donnée à la liberté d’action, d’exploration et d’expérimentation, cette possibilité d’initiatives est importante pour tous, et à tout âge : enfants, adultes, parents comme professionnels.
Elle est source d’apprentissages, de bien-être, d’adaptabilité et d’inventivité et créativité. Comme ce papa, nous pouvons nous en émerveiller ! Et comme professionnels (et citoyens), nous pouvons, nous devons, il me semble, l’entretenir !


 
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 01 mai 2021
Mis à jour le 17 août 2021