Oser parler et dépasser les « lois du silence ». Par Monique Busquet
Psychomotricienne, formatrice petite enfance
Lors de la même journée, ces responsables ont également partagé leurs propres scrupules à faire remonter à leurs hiérarchies les « dysfonctionnements » de leurs propres collègues. Et ceci pour les mêmes raisons « louables » : « ne pas vouloir faire de mal, peur des conséquences pour celle-ci ».
Cette « loi du silence » existe partout, dans tous les domaines de notre société. Parfois ce sont des raisons moins « louables » qui font « taire et cacher » : peur des conséquences pour soi, peur d’être soi-même jugé, peur pour l’image et la réputation de « l’institution ».
Pourtant l’expérience montre que les non-dits et les silences augmentent les risques de dérapages, qui restent heureusement largement minoritaires dans nos lieux d’accueil. La parole est indispensable pour stopper les engrenages de dysfonctionnements qui semblent souvent bénins dans un premier temps, et qui peuvent conduire à des « manquements et violences insidieuses » de moins en moins anodins ….
Cette parole ne peut s’exprimer que si les professionnels ont les moyens, le temps, la protection nécessaires pour penser ensemble.
Voici quelques pistes de réflexion qu’il me semble intéressant de mettre régulièrement au travail :
- Faire la différence entre la personne et ses actions, distinguer ce qu’elle est et ce qu’elle fait.
- Se rappeler que notre responsabilité est de protéger les enfants avant de protéger les collègues.
- Comprendre que protéger la personne, en ne disant rien, ne la protège pas, au contraire car elle reste seule avec ses difficultés et dysfonctionnements.
- Savoir comment parler ? Que dire ? A qui ? A la personne concernée mais pas seulement
- Oser et savoir proposer les aides et accompagnements nécessaires
- Travailler sur la posture professionnelle et les obligations qui y sont liées
- Avoir conscience des « mouvements de violences » tapis au fond de chaque humain, heureusement contrôlés par nos éducations, l’intériorisation des interdits et nos consciences professionnelles.
- Continuer à transformer les anciennes croyances éducatives faites « d’autoritarismes », encore présentes dans les mémoires individuelles et collectives, et parfois dans les pratiques.
- Savoir et se rappeler que les jeunes enfants ne cherchent jamais à embêter ou provoquer les adultes, sans raison…
- Se rappeler que la colère (des enfants comme des adultes) est toujours le signe d’impuissance, de besoins non satisfaits, d’incompréhension, de souffrance….
Chacun sait que le stress, l’épuisement, l’insécurité, les ratios nombre d’enfants/nombre d’adultes, la surcharge de travail, l’isolement, les désorganisations multiples, le manque de formation initiale et continue, majorent les risques de dysfonctionnements et de silence.
Les espaces d’expression, d’écoute, de réflexion, de prise de recul, d’analyses de pratiques, de formation et une vraie reconnaissance des difficultés de ces métiers, sont d’autant plus nécessaires, dans notre période si chaotique. La parole peut alors et doit être entendue, prise en compte et permettre de penser des actions pour protéger enfants et adultes.
Ce focus sur la circulation de la parole, n’a de sens bien évidement qu’accompagné des combats pour une amélioration concrète des conditions d’accueil des jeunes enfants.
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