Se défouler ou simplement bouger. Par Monique Busquet

Psychomotricienne

enfant qui bouge sur blocs de mousse dans lieu d
Il est souvent dit que les enfants ont besoin de se défouler. Mais que mettons-nous derrière ce mot ? Le dictionnaire le définit comme « se libérer des contraintes et des tensions ». De quelles contraintes les enfants auraient-ils à se libérer ?
En premier lieu, rappelons que bouger est  un besoin fondamental de l’humain. C’est un besoin physiologique de base comme se nourrir, boire, dormir. Nos cellules, nos muscles, nos articulations, ont besoin d’être en mouvement, de pouvoir alterner pause et mobilité.
Les enfants ont un vrai et intense besoin de bouger librement, de sentir leur corps vivant, de faire des expériences sensorimotrices, d’apprendre ainsi à se connaître. Etre en mouvement est essentiel chaque jour, dès que l’enfant est bébé comme lorsqu’il grandit : remuer ses bras et ses jambes, changer de position, se déplacer, grimper, courir, sauter, danser, faire des mouvements à la fois amples et plus fins. Et pas seulement une ou deux heures par semaine. 

Si l’enfant peut suffisamment bouger lui-même, à son rythme et librement, il n’aura plus besoin de « se défouler ». Mais s’il est empêché de bouger, s’il est privé de cette possibilité, s’il est trop immobilisé, trop freiné, alors on peut parler de défoulement. Comme nous adultes, quand nous devons rester immobilisés, par exemple lors d’un voyage en voiture ou assis toute une journée en formation, nous pouvons avoir besoin de nous défouler.
Certes, permettre aux enfants de bouger comme ils en ont besoin n’est pas toujours facile, surtout à domicile. Cela demande de s’organiser un peu, d’inventer des installations. Elles peuvent être simples, il est facile de créer des obstacles pas très hauts,  avec des sacs ou cartons remplis, des petits matelas, à franchir, à enjamber, sur lesquels grimper, sauter sans risque. Nous rappelons que plus les bébés et les jeunes enfants sont libres de leurs mouvements, plus ils sont prudents. Ils risquent  plus de se faire mal, de tomber et de se cogner, s’ils ne peuvent pas bouger librement et lorsqu’alors ils explosent et « se défoulent ».

Il est également intéressant de laisser les enfants bouger pendant les temps de chansons, ou d’histoires. L’enfant écoute parfois plus facilement tout en bougeant. De même dans certaines écoles comme en entreprise, commence à être introduit du mobilier comme des sièges-vélo ou ballon, qui permettent de bouger et travailler en même temps.

Mais parfois, il est vrai que les enfants s’agitent et s’excitent. Il est alors plus juste de dire qu’ils sont agités, qu’ils sont excités puisque ce n’est pas une action volontaire de leur part. Il peut y avoir plusieurs raisons à cette agitation.
Il peut s’agir de fatigue. En effet nous avons des cycles de vigilance et de vitalité qui augmente et diminue au cours de la journée.  Par exemple après le repas, l’énergie baisse, l’organisme a besoin de repos. Si l’environnement ne le permet pas, l’enfant comme l’adulte, lutte pour rester éveillé, il compense et se remet en route. Le cerveau force son activité, il se met en sur-régime, un peu comme un moteur qui s’emballe.
Il peut aussi s’agir d’une réaction à un environnement « agité ». S’il y a trop de bruits, trop de mouvements, trop d’allées et venues, l’enfant ne peut rester lui-même centré sur ses propres actions et intérêts. Il suit les allées et venues des adultes, il n’a pas assez de stabilité et de contenance, il n’a  pas assez de repères, il ne peut anticiper ce qui va se passer. L’enfant est alors agité par l’agitation qui l’entoure. Il est en résonnance. Il peut aussi être inquiet, tendu. Toute inquiétude risque d’amener de l’agitation.
Donc quand un enfant ou plusieurs enfants manifestent de l’agitation, il est utile d’observer, de prendre du recul, de réfléchir à ce que ces enfants ont vécu depuis le début de leur journée, à ce dont ils  ont vraiment besoin. Ont-ils pu suffisamment bougé ? Ou sont-ils fatigués ? Ont-ils été agités par l’environnement ? Sont-ils inquiets ? Ont-ils besoin d’être rassurés, contenus, apaisés ?

Nous pourrions aussi rêver : que notre société puisse donner aux enfants une suffisante liberté de mouvements pour qu’ils n’aient alors plus  besoin de se « défouler », de s‘agiter. Ils pourraient bouger tranquillement, trouveraient les espaces pour expérimenter leur vitalité motrice en toute sérénité. Comme tout rêve, c’est une direction vers laquelle chacun de nous pouvons simplement essayer de tendre.
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 03 mars 2019
Mis à jour le 04 mars 2019