Assistante maternelle : la question de la garde ! Par Nadège R

Assistante maternelle

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femme avec deux enfants
Il y a 3 ans j'ai écrit une chronique sur le fait de garder ou non son enfant avec soi lorsqu'on est assistante maternelle. Aujourd'hui, j'ai moi-même du recul face à cela, et j'avais envie de recueillir le témoignage d'autres professionnels.
Ont-ils eu des regrets ou des remords ? Ont-ils choisi de les garder et pour quelles raisons ?
Ou bien si choix d'une garde par quelqu'un d'autre a été fait, ont-ils l'impression d'être passé à côté de la petite enfance de leur chérubin ? Ou au contraire cette distance leur a permis de s'épanouir plus librement ?

Dans la grande majorité, les assistantes maternelles ont répondu avoir fait le choix de garder leurs enfants avec elles. Parmi ces personnes, la majorité l'a fait par choix, l'autre par contrainte (financière, sous pression de la famille ou par peur de l'organisation). Mais dans les deux cas, ce fut vécu sans regret. A la question referiez- vous pareil ? Les assistantes maternelles ont répondu oui.

Pourquoi ? Plusieurs avantages ont été mis en avant : moins de contraintes dans l'emploi du temps, possibilité de voir évoluer son propre enfant tout en lui apportant des petits copains de jeux, continuité de la relation parent/enfant.
Sont avancés aussi la peur de regretter, de passer à côté de quelque chose si l'enfant avait été mis à la crèche ou chez une autre assistante maternelle.
La pression sociale est aussi à mettre en avant : qu'on le veuille ou non il paraît évident pour certains qu'une assistante maternelle doit garder son enfant près d'elle (pas mal de professionnels ont d'ailleurs débuté ce métier dans le but de pouvoir garder leur enfant). A contrario, cette même pression sociale peut se retourner contre le parent-nounou en l'accusant de ne pas couper le cordon !

D'où le questionnement souvent mis en avant : la séparation est-elle nécessaire ? Ce serait un autre débat pour lequel je n'ai pas vraiment de réponse. Je pense qu'il y a dû pour et du contre des deux côtés.  Mais contrairement à d'autres professions, nous, nous pouvons faire ce choix. Et c'est là que ça se complique, car vu que l'on peut, on réalise que oui, on en a envie. Car si on le laisse, on ne sait pas comment cela va évoluer. On peut plus facilement le regretter.

Une assistante maternelle m'a confié qu'avoir gardé son enfant avait rendu ce dernier plus patient, plus tolérant. C'est un des bénéfices de travailler avec son enfant : il doit apprendre à partager alors qu'il est sur son lieu de vie. Et chez lui ou en Mam dans les deux cas il doit partager son parent.
Une autre, au contraire m’a dit avoir a subi beaucoup la jalousie de son petit, et elle est vite arrivée à saturation… certains soirs, elle n’en pouvait plus de son enfant ! Cela montre bien que même s'il y a des avantages, l'enfant par son comportement va grandement déterminer si cela va bien se passer ou non.

D'autres m'ont révélé avoir choisi l'option de faire garder leur bébé ailleurs (crèche, MAL, ou collègue ass mat) pour ne pas mélanger travail et rôle de parent, pour laisser à l'enfant un espace rien que pour lui : chacun son environnement pour plus de sérénité.
« J'ai fait ce choix pour créer cette séparation que je juge importante » m'a confié une assistante maternelle.
Le détachement est un des arguments premiers que j'ai pu lire pour celles et ceux qui ont choisi de travailler sans leurs enfants à leur côté.

Lorsqu’on garde aussi son propre enfant, il y a forcément des craintes qui nous traversent l'esprit : vais-je faire une différence entre lui et les accueillis ? Les parents vont- ils croire que je ne fais ce métier que pour m'occuper de mes enfants ? Si le mien est difficile (colères, pleurs, morsures ou disputes) comment les parents vont réagir ?
Notre enfant devient le reflet de notre façon de travailler : en effet un parent peut se dire « son enfant est capricieux, il fait plein de colères, elle lui laisse tout passer » ou à contrario « elle est très dure avec son enfant, elle n'est pas assez douce » ...Or son propre enfant et les accueillis sont malgré tout deux choses bien distinctes dans l'esprit d'une assistante maternelle.
En effet même si l'enfant paraît difficile il ne faut pas oublier qu'il a la présence de son parent. Il ne se comporterait sûrement pas de la même façon chez une autre nounou, à la crèche ou à l'école. On ne peut pas juger la- dessus. Combien de parents arrivent le matin en nous disant « Oh, qu'il est difficile en ce moment je n'en peux plus ! » et nous, professionnels, nous sommes surpris car l'enfant est un vrai petit ange chez nous ! Les parents comprennent bien que le comportement de l'enfant est différent car ils ne sont pas avec lui sur ce lieu de jeu. Il en est de même pour l'enfant du professionnel : lui se comporte "sans filtre" car son parent est là, il est chez lui mais est sûrement un vrai petit ange ailleurs. Ce regard porté sur notre éducation peut être très dur à gérer en tant que professionnel, et souvent c'est ce regard, cette peur du jugement sur notre travail, qui nous poussent à faire garder notre enfant au lieu de le garder avec nous.

Ce que j'ai surtout remarqué lors des témoignages de parents-assistants maternels, hommes et femmes confondus, ce n’est qu’aucun ne m'a dit avoir regretté son choix (qu'il fut de garder ou faire garder son enfant). Le choix a été à chaque fois pleinement vécu et assumé.  Avec son lot de difficultés mais dans l'ensemble la séparation ou la garde a été vécue admirablement bien.
L'important est donc bel et bien de réfléchir à ce que l'on souhaite et de suivre son désir, et non celui d'une pression sociale ou familiale. Si le parent-assistant maternel vit bien sa décision, l'enfant sera heureux : les deux solutions apportent des choses différentes à l'enfant et sont tout aussi bénéfiques. C'est au parent-professionnel de trouver l'organisation dans son travail pour y inclure sa décision de garder ou non, son enfant.

Pour la plupart, le fait de les garder près de soi a été vécu, je cite, comme « une chance ». Ce terme est revenu très souvent lors des témoignages car nous avons bien conscience, nous, professionnels qui accompagnons la séparation parent/enfant dans notre quotidien, que c'est un choix souvent difficile pour les parents. Pouvoir ne pas avoir à se séparer de son enfant mais travailler tout de même est alors vécu comme une opportunité à saisir.
Certains par contre ont vu leurs craintes se réaliser . Une maman assistante maternelle m'a dit avoir souvent culpabilisé :  soit d'avoir été trop dure avec lui, soit de devoir le délaisser pour s'occuper d'un accueilli. D’autres ont eu le sentiment d'avoir été parfois plus « dures » avec le leur, comme s'il devait être l'exemple du groupe.
 
Article rédigé par : Nadège R
Publié le 03 septembre 2020
Mis à jour le 03 septembre 2020