Les vœux vains ne vous valent rien. Par Pierre Moisset

Sociologue, consultant petite enfance

David ADEMAS
petite fille joue avec bulles
C’est encore la période des vœux et, pour le coup, des vœux, on en a. Ne serait- ce que les vœux, sous forme de la volonté affichée, du président de la République lors de son intervention au congrès de la fédération des acteurs de la solidarité le 6 janvier dernier. Pour exemple : « Nous devons donc concevoir un nouveau système plus clair, plus centré sur la réponse directe aux besoins des parents, notamment ceux qui ont des besoins spécifiques, que j’évoquais à l’instant. En somme, mettre en place un véritable droit à la garde d’enfant qui devrait se traduire par un mode d’accueil individuel ou collectif accessible pour tous les parents, avec une indemnisation en cas d’absence de solution. Ce nouveau système devra permettre de répondre de façon progressive au besoin d’ouverture de 200 000 nouvelles places d’accueil collectives ou individuelles, alors qu'aujourd'hui personne ne se sent réellement responsable. » (Emmanuel Macron cité dans la lettre hebdo n°30 des Pros de la Petite Enfance). C’est beau, ça ne coûte pas cher (d’ailleurs, ce n’est pas chiffré) et ça tombe bien, il va falloir faire rêver à l’approche de la présidentielle.  
   
Nous avons donc un bilan très maussade. Ainsi l’objectif de création de 30 000 places sur la COG qui arrive à échéance ces mois ci - déjà issu d’une révision à la baisse au regard des précédents échecs - n’a été atteint qu’à 50%. Un climat tendu dans lequel les professionnels de la petite enfance se sentent, pour changer, peu considérés et mis en première ligne face à la pandémie (que ce soit pour les professionnels de l’accueil collectif qui peuvent s’estimer insuffisamment accompagnés et équipés pour cela ou pour les assistants maternels qui ont subi une gestion calamiteuse des différentes situations pandémiques).
  Et un avenir plus qu’incertain, puisque les grandes décisions restent suspendues à l’échéance d’une présidentielle prochaine et que les rapports férocement intéressants et pertinents (les 1000 premiers jours, la synthèse des séminaires Premiers Pas, le rapport du HCFEA sur le pilotage de la qualité d’accueil) s’accumulent.  

 Et là-dessus des vœux… des souhaits, des ambitions… Et ce qui est désespérant c’est que, tant ces vœux creux opportunément placés d’une part que tous ces rapports, commissions, qui se succèdent et qui font part de propositions précises, techniques, d’analyses poussées d’autre part, finissent par s'intégrer dans un même « gouvernement par le verbe » que j’avais eu l’occasion d’évoquer il y a quelques temps.
Une façon de faire vivre des ambitions sociétales irrésistibles uniquement (ou principalement) dans les analyses prospectives d’une part et les vœux pieux d’autre part, tout en maintenant une politique à l’économie voire ras du front dans le réel (voire à ce propos le court historique que propose le site Localtis de la notion de service public de la petite enfance . Et ce qui est agaçant là-dedans, c’est une sorte de confiscation du rêve et de la colère. On nous propose de rêver de mieux à travers des promesses vagues et de calmer notre colère en se nourrissant d’analyses.
Bref, je nous souhaite de garder nos rêves et notre colère. Les écrits restent et donc tous ces rapports pourront nourrir des exigences, des attentes et donc des colères revendicatives. Quant au rêve, celui d’une grande petite enfance, continuons à le dessiner patiemment et avec exigence. Bonne année quoi…
 
Article rédigé par : Pierre Moisset
Publié le 11 janvier 2022
Mis à jour le 11 janvier 2022