Etienne Dreuilhe, EJE reconverti et musicien passionné

Etienne Dreuilhe a eu plusieurs vies qui ont toujours fait rimer petite enfance et musique. Ingénieur du son de formation, ce mélomane est devenu EJE sur le tard, à plus de 40 ans ! Après une expérience forte dans la protection de l’enfance, il revient à la musique par les ateliers d’éveil musical auprès des tout-petits. Intervenant dans les lieux d’accueil de la petite enfance, il allie sa qualité d’écoute et d’observation à sa passion pour les musiques du monde pour éveiller chez les plus petits le plaisir de jouer avec les sons. Rencontre. 
Etienne aurait pu passer à côté de sa vocation. Ingénieur du son formé à l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière plutôt réputée dans son domaine, il traverse les années 90 travaillant sur de nombreux projets dans les salles de concert les plus prestigieuses. Lui-même percussionniste et batteur, passionné de musique et attiré par les musiques ethniques, il découvre l’Afrique, l’Asie, et ramène de ses voyages de nombreux instruments. En voyage en Inde, il choisit de tout quitter pour se consacrer à un projet d’aide humanitaire en soutien à une école qui l’a touché en plein cœur. « Accueilli par une famille d’intouchables, je me suis pris d’amour pour ce village et cette école, avoue Etienne. Et c’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec les enfants. » Il donne quatre années de sa vie pour ce projet. « Il y avait quelque chose à vivre là-bas, raconte-t-il. Je me suis rendu compte que j’avais un super contact avec les enfants et que j’adorais ça ! » 

Reprendre ses études à plus de 40 ans 
A son retour en France, ses priorités ont changé. En devenant papa, il découvre les joies de la petite enfance avec son fils qu’il élèvera seul avant de se remarier, s’installe en Ardèche, réfléchit à un nouveau projet de vie… C’est là qu’il découvre le métier d’éducateur de jeunes enfants. « Au départ je voulais être instituteur mais j’ai réalisé qu’il fallait faire des maths et du français ! Moi, ce n’était pas ce qui m’intéressait, c’était plutôt la psychologie et le développement de l’enfant ! ». A quarante ans passés, Etienne reprend donc ses études, convaincu que s’il veut travailler auprès des enfants il faut qu’il ait un bagage solide. 

 « Restaurer une image positive du masculin » 
Il passe son concours à Grenoble, fait deux ans et demi d’études qui le passionnent, effectue un premier stage en pouponnière et centre maternel de la protection de l’enfance. Diplômé EJE, il exerce en crèche, en halte-garderie, dans une structure passerelle avant de choisir de revenir à la protection de l’enfance. Homme dans un milieu féminin, profil recherché, il se sent assez privilégié d’être très demandé et de pouvoir choisir de travailler là où il le souhaite. « J’ai parfois eu droit à quelques railleries, à des mamans inquiètes de confier leur enfant à un homme surtout en protection de l’enfance, mais dans l’ensemble c’était plutôt un plus : j’amenais quelque chose de différent dans les équipes et c’était plutôt apprécié. En protection de l’enfance, avec des enfants placés, ça avait d’autant plus de sens, souligne-t-il. Certaines mamans avaient des parcours compliqués voire violents avec des hommes. C’était important de restaurer une image positive du masculin. » 

Faire ses armes dans la protection de l’enfance 
En protection de l’enfance, il travaille dans une unité de jour qui accueille les enfants de la pouponnière ou du centre maternel. « C’était difficile mais passionnant, se rappelle-t-il. Nous étions 10 EJE, dont un autre homme, pour une capacité d’accueil de 30 enfants. Des enfants qui avaient des traumatismes tels qu’il y avait énormément d’agressivité. (…) Et puis il y a eu un changement de direction, les conditions de travail se sont dégradées, nous n’arrivions plus à remplir nos missions, à faire nos rapports d’observation. J’ai senti que mon travail perdait de son sens. » 

Et choisir l’éveil musical 
Pendant toutes ces années, la musique n’était jamais bien loin. « A peine diplômé, on me demandait déjà d’intervenir pour des ateliers d’éveil musical, se souvient Etienne. Naturellement j’utilisais beaucoup la musique, même lorsque je n’étais encore que stagiaire. » Lorsqu’il comprend qu’il y a un vrai potentiel autour de l’éveil musical, que nombreuses sont les structures qui recherchent des intervenants en musique, il développe son activité tout en réduisant petit à petit son temps de travail, avant de quitter pour de bon la protection de l’enfance en 2016. Après sept années de service et malgré le confort de sa titularisation, Etienne prend une disponibilité. Il partage alors son temps entre les ateliers d’éveil musical et les temps de formation qu’il dispense pour l’ACEPP. A l’heure du COVID, il fera son choix, ce sera l’éveil musical pour garder ce contact vivant avec les enfants ! 

Un intervenant à double casquette 
Professionnel à la double compétence, EJE et musicien, Etienne propose une approche intéressante aux équipes, des crèches, micro-crèches, RPE et structures spécialisées (pouponnière, hôpital en néonatalogie, CAMSP)dans lesquelles il intervient, qui va bien au-delà de l’éveil artistique. « Quand j’interviens en éveil musical, j’ai un regard extérieur sur les enfants ; souvent j’échange avec la directrice à la fin de la séance sur leur comportement, la socialisation, les soucis psychomoteurs des uns ou des autres… » Etienne découvre les enfants, les observe, scrute leurs interactions, ceux qui ont déjà du mal avec les quelques limites posées, ceux qui sont très à l’écoute ou qui au contraire ont du mal à rester attentifs à ce qu’il peut proposer…  « Il y a parfois des enfants en difficulté, sur lesquels mon regard extérieur va accrocher. Mon expérience en protection de l’enfance me permet aussi de reconnaitre certains comportements significatifs. Bien souvent, admet Etienne, les professionnelles l’ont repéré aussi mais parfois dans le quotidien, c’est moins évident pour elles que pour moi. Ca m’a parfois permis de les mettre en garde, de mettre le focus sur certains enfants et souvent de conforter les équipes dans ce qu’elles avaient pu observer. » 

Un cycle d’ateliers comme un voyage musical 
Etienne intervient dans les structures pour des cycles de minimum six ateliers d’éveil musical. Cela permet de voir les choses évoluer. « Certains enfants qui peuvent avoir une appréhension lors de la première séance, m’apprivoisent et se laissent prendre au jeu au fil des séances » raconte l’artiste. Chaque atelier est différent, avec de nouveaux instruments. « Ce sont de vrais voyages musicaux, avec des instruments et des chants du monde entier car c’est ce que j’aime ! » explique-t-il, enthousiaste. Etienne instaure des rituels de début et des rituels de fin. Un atelier finit toujours par un rituel d’écoute, tous allongés « en mode relaxation, en écoutant de la musique ». Il alterne les moments où il présente un instrument en chantant, et les enfants sont invités à écouter. Ensuite les enfants manipulent l’instrument qui passe de mains en mains. « Au départ les instruments sont tous cachés, et lorsque j’en sors un, je commence par le présenter et jouer avec. Alors ça leur donne envie ! Et ensuite seulement, précise Etienne, je leur donne pour qu’ils puissent jouer ou viennent faire un concert face aux autres... » 

Expérimenter le plaisir de jouer avec les sons 
Etienne aime à proposer des séances thématiques pour permettre aux enfants de jouer tous ensemble de façon harmonieuse : les instruments à graines, les tambours, les instruments métalliques, les instruments en bambou, une batterie de cuisine, le monde minéral (pierre, nacre, argile, coquillages…), les rythmes sur son corps et même les sons de la montagne avec les cloches de vache et les boites à meuh ! Parfois, avec les plus grands, une petite histoire se glisse dans la séance mais il estime que ce n’est pas toujours nécessaire : « les enfants sont tellement dans le sensoriel que souvent la musique et le toucher se suffisent à eux mêmes. » Mais chaque année, il imagine de nouveaux ateliers pour faire voyager les enfants. L’artiste propose également un spectacle musical et interactif plus élaboré - Graines de Renard, inspiré de l’histoire du Petit Prince - qui permet aux parents, enfants et professionnels de partager de joyeux moments en jouant tous ensemble ! De son premier métier, Etienne a gardé un grand sens de l’écoute et le plaisir de jouer avec les sons qu’il essaie aujourd’hui de transmettre aux plus petits. « Les enfants ont ça assez naturellement ! s’émerveille-t-il encore. Avec mes ateliers, je n’ai qu’un objectif, qu’ils prennent du plaisir avec les sons et qu’ils développent ce plaisir là pour avoir un jour envie d’aller au-delà, devenir musiciens ! » 

Pour plus d’informations sur les activités d’Etienne Dreuilhe http://unocrescendo.com
 
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 22 août 2023
Mis à jour le 09 octobre 2023