Assistantes maternelles : gardons notre calme ! Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

Istock
assistante maternelle et bébé disent au revoir à la maman
« On compte sur nous pour sauver la France ! » ironise un collègue, « on se souvient tout à coup qu’on existe ! » note une autre avec un brin d’amertume. Nous vivons une situation inédite et tout à fait exceptionnelle depuis quelques semaines, avec une accélération depuis quelques jours : concernant les assistantes maternelles, les consignes ont tardé à venir et ont parfois été contradictoires, créant un véritable sentiment d’abandon.

Que dire à nos parents-employeurs ? Comment communiquer avec eux, trouver les bons mots en gardant sérénité et bienveillance ? Comment faire montre d’une posture professionnelle alors que nous n’avions que très peu d’informations ni éléments de langage ? Nous avons pu nous sentir démunies, nous agacer de tant de légèreté envers nous, premier mode d’accueil en France. « En situation de crise, l’être humain a surtout besoin de se sentir protégé et rassuré. L’isolement et la rupture des liens ne peuvent qu’être une source d’insécurité. Ce qui explique sans doute l’importance prise par les réseaux sociaux pour échanger sur les émotions au sujet du coronavirus, mais avec pour effets délétères toutes les rumeurs possibles et inimaginables. » (1)

Et enfin, les consignes sont arrivées, tout du moins pour le lundi 16 mars. Au-delà, personne ne sait bien sûr puisque nous faisons face à l’inconnu et que la situation change d’heure en heure. Une pandémie mondiale, des dispositions nationales différentes suivant les pays et les continents, des décisions politiques agréées ou dénoncées par les spécialistes de tous bords, des décisions administratives qui peuvent nous laisser perplexes. Les établissements d’accueil de jeunes enfants (ainsi que les Mam) au-dessus de 10 berceaux ferment leurs portes et les assistantes maternelles peuvent accueillir en urgence plus d’enfants que ne le prévoit leur agrément, conformément à la loi (2). Accueillir jusqu’à 6 enfants de moins de 3 ans à notre domicile, pour une durée indéterminée ? Mais que de reconnaissance pour nos compétences, tout à coup ! Plus de soucis avec les rosiers du jardin, avec l’espacement des barreaux de la rambarde, avec le nombre de lits dans les chambres. Plus d’inquiétude concernant les poussettes, les sièges-auto (puisque plus de sorties), plus d’exigences justifiées ou abracadabrantesques : situation d’urgence oblige, on fait appel à notre sens de la solidarité.

Les assistantes maternelles sont solidaires et ont l’esprit civique. Mais nous avons aussi des familles ! A notre domicile vivent peut-être des grands-parents âgés, des conjoints fragiles, des enfants malades. Les fameux gestes barrière sont notre quotidien : bien avant que cela ne devienne le leitmotiv gouvernemental, nous nous lavions les mains des dizaines de fois par jours ! Accueillir plus d’enfants que ne le prévoit notre agrément peut être une évidence pour certaines d’entre nous qui vont rendre spontanément service à leurs voisins, à leur famille, à des amis.
Pour d’autres, c’est mission impossible car nous allons devoir nous occuper de nos propres enfants privés d’école mais pas en congés, et veiller à leurs devoirs tout en assurant la sécurité des tout-petits accueillis. Devoirs qu’ils pourront difficilement faire dans leur chambre réquisitionnée pour l’accueil des bébés. Nous savons trouver, en temps normal, un juste milieu entre vie privée et vie professionnelle, mais en ces temps extraordinaires, la plupart des assistantes maternelles seront mises à rude épreuve, avouons-le. « Le sentiment d’impuissance, le vécu d’arbitraire, sont ici majorés par l’effet grossissant donné par les médias, véritable caisse de résonance à nos angoisses archaïques. » (1)

Mais ne cédons pas à la panique, gardons notre calme. Il est indispensable que les adultes prennent sur eux face aux enfants. Encore plus lorsque ces adultes sont responsables de la sécurité affective et émotionnelle des tout-petits qui leur sont confiés. Les assistantes maternelles représentent, pour beaucoup de jeunes parents, des personnes ressources. Ils nous confient souvent leurs petits et leurs grands soucis : peut-être vont-ils être eux-mêmes très angoissés à l’idée de devoir aller travailler et d’être en contact avec un public potentiellement contagieux. Réagissons avec calme, rassurons-les tant que possible, veillons avec notre savoir-faire habituel sur leurs enfants. Ceux-ci sont actuellement aussi soumis à un gros stress : ce n’est pas la contagion face à la maladie qui les inquiète, c’est la contagion face à l’affolement des adultes. On peut facilement imaginer l'angoisse des tout-petits, véritables éponges émotionnelles, face à la panique des adultes ! « Les enfants surtout les plus petits n’ont pas les ressources suffisantes au niveau cognitif et affectif pour comprendre et intégrer tout ce qui se passe autour d’eux. Ils sont bien davantage bouleversés par les réactions de leur entourage que par le coronavirus en tant que tel. » (1) Il est grand temps de nous ressaisir et de nous montrer à la hauteur du challenge, chacune selon nos possibilités avec discernement et bienveillance, comme nous savons le faire. Bon courage à tous dans cette épreuve !

(1) Hélène Romano, psychologue
(2) Article D.421-17 du CASF

 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 15 mars 2020
Mis à jour le 16 mars 2020
Bonjour, Je suis assistante maternelle et mon mari présente un certain nombre de comorbidités pouvant aggraver une infection au coronavirus .Que dois faire pour la garde des enfants ? Qui va me payer si je ne peux les accueillir ? Merci de me guider