Choix des jouets : réponses de pro aux questions des parents

À l’approche de Noël plus que tout le reste de l’année, les parents s’intéressent aux jouets qui font partie de l’environnement de leur tout-petit, dans son mode d’accueil. Sont-ils nombreux ? Ressemblent-ils à ceux de la maison ? Sont-ils originaux ? En cette fin d’année, vous risquez donc d’être assaillis de questions : quel est le jouet qui plait le plus à mon enfant ? Où le commander ? Connaissez-vous un jouet à la fois amusant et intelligent ?  Les conseils de Fabienne-Agnès Levine, psychopédagogue pour argumenter vos réponses.
La sécurité d’abord
Votre rôle est de rappeler quelques règles de sécurité à retrouver sur les emballages de jouets : NF est la norme actuellement la plus fiable du point de vue de l’analyse des risques ; CE est le strict minimum mais toujours mieux que sans aucune indication ; le pictogramme 0 - 3 ans ou "ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois" en toutes lettres est un avertissement à prendre en compte. Et enfin, lorsqu’un jouet est de seconde main, même s’il est « comme neuf », mieux vaut redoubler d’attention en examinant la solidité des éléments fixés ou collés.

La qualité avant la quantité et le format
Ce n’est pas à vous de faire la morale aux parents (ni à leur entourage) sur les méfaits de la consommation et sur les conséquences éducatives des enfants trop gâtés. Ce que vous pouvez induire habilement, c’est que pour un tout-petit, se retrouver face à une montagne de paquets, plus ou moins volumineux, n’est pas forcément une partie de plaisir du début à la fin. Bien sûr, déchirer l’emballage l’amusera mais seulement jusqu’au moment où il jettera son dévolu sur un jouet, au détriment des autres. Il faudra alors le motiver, devant la famille, pour reprendre la découverte. Et puis, plus de 4 ou 5 surprises, à moins de 2 ans, ça commence à faire beaucoup ! Alors, si c’est possible d’éviter la surenchère de cadeaux, c’est mieux. Sinon, ne pas culpabiliser d’en mettre de côté pour les ressortir au fil des mois.

Quant au choix lui-même, plus les jouets sont simples, plus l’enfant est actif avec. Mais ce n’est pas votre rôle de faire des reproches aux parents s’ils sont tentés par des jouets sophistiqués, avec des effets sons et lumières grâce à des fonctions électroniques, alors qu’un bébé a besoin de découvrir le monde avec ses sens, sa bouche, ses mains, son corps. Votre seul devoir d’information concerne la mise en garde des dangers de l’exposition précoce aux écrans, sous forme d’affiche, de réunion ou d’échanges informels autour des jouets.    
            
Le petit clin d’oeil écologique et éthique
Que ce soit pour préserver la santé des enfants ou par souci de protection de la planète, s’intéresser aux matériaux qui entrent dans la composition des jouets est une démarche laborieuse et sans limites. D’ailleurs, ce n’est pas facile de donner des conseils sans pouvoir aussi donner l’exemple dans l’équipement de son lieu d’accueil ! Mais, si un dialogue s’engage sur l’impact environnemental des jouets et sur le respect de valeurs citoyennes, vous pouvez encourager les parents à repérer les labels écologiques (exemple pour le bois, FCS et PEFC) et à s’informer sur les engagements de l’entreprise. Des sites spécialisés (parmi eux, Jeujouethique et Ekobutiks) aident à se repérer dans les tout premiers pas vers un monde meilleur !

Tenir compte ou pas de l’âge indiqué sur la boîte ?
Même si un classement par catégories et par âges peut sembler réducteur, il donne des repères intéressants sur les stades de développement. Avec toutes les nuances liées au tempérament de l’enfant et aux stimulations de l’environnement, les habiletés mentales et motrices se succèdent dans le même ordre. Tous les bébés du monde ont d’abord besoin d’agir pour découvrir, de répéter pour mémoriser, d’enchainer les actions pour comprendre : ils expérimentent une diversité d’actions sur les objets (mettre à la bouche, taper, appuyer, tirer, etc.) pendant le stade sensori-moteur, avant de faire semblant et raconter pendant le stade représentatif. Or, les parents se montrent souvent impatients d’offrir des accessoires de jeu symbolique (cuisine compète, mallette du docteur, établi de bricolage, etc.) avant même que l’imitation différée (en l’absence du modèle, vers 15 mois) témoigne de la capacité à rejouer des situations observées dans la vie quotidienne grâce à la pensée représentative (mémorisation sous forme d’images mentales).

Comme toute norme, l’indication de l’âge est une moyenne, donc un jeu convient aussi à des enfants ayant quelques mois de moins ou de plus (et pendant la petite enfance, ça compte !) que celui imprimé. Remarque pas inutile à rappeler : l’inscription « + 12 mois » ou « + 3 ans » signifie le début et non pas qu’il faut l’offrir uniquement à cet âge là. Pour exemple, un jeu de société « + 5 ans », comme le mikado, peut plaire à des joueurs adultes. Les grandes marques s’entourent de psychologues et d’autres spécialistes pour concevoir les jouets mais aussi pour analyser leur intérêt au moment de la mise sur le marché. Les indications d’âge sur les boîtes de jeux sont donc souvent assez justes. Moins intéressants sont les messages courts avec des mots-clés, annonciateurs de prouesses motrices et d’exploits intellectuels, comme si le jouet avait des vertus magiques. Les progrès viennent toujours de l’enfant et de son action sur les objets, et non pas de l’objet lui-même. Donc, ce qui compte, parallèlement à l’âge, est de penser à un enfant nominativement, en se demandant : tel que je le connais, et là où il en est actuellement de son évolution, que ferait-il avec ?

Ne pas sacrifier le sensori-moteur dès l’avènement du symbolique
De la naissance à 5 ans, les 2 grandes périodes sont celles de l’intelligence sensori-motrice et de l’intelligence représentative, l’une ne chassant pas l’autre. Avant 18 mois, insistez sur les jouets d’éveil sensoriel, d’empilage, avec des rapports de cause à effet et les jouets moteurs. Après 18 mois, incitez les parents à choisir des jouets de faire semblant diversifiés mais simples à manipuler : dînette, poupons, voitures, figurines, etc. Et pour les univers complets autour d’un thème (château-fort, monde marin, pirates, etc.), rien ne presse avant l’approche des 3 ans. Conseillez d’introduire de nouveaux jouets d’imitation progressivement car le jeu symbolique dure longtemps, bien au-delà de l’âge de la crèche et de l’école maternelle. Enfin, n’oubliez pas de souffler aux parents que, dès 6 mois, le livre est un support de découvertes manuelles, visuelles et surtout d’interactions langagières, tout en étant source de plaisir.

Suivre les goûts de son enfant... mais pas que
Les jouets sont assez diversifiés pour satisfaire tous les goûts. Les parents se tournent spontanément vers les jouets qu’ils ont repérés entre les mains de leur enfant, lorsqu’ils le retrouvent en fin de journée. Ils renforcent, ainsi, sans le vouloir, ce que l’enfant aime et sait déjà faire. À vous de les orienter vers des jouets qui ne sont pas ceux vers lesquels leur enfant va d’emblée, en vue de trouver un équilibre entre facilité et efforts, entre repères et nouveauté. Les fêtes de fin d’année, avec la multiplication des cadeaux, sont une bonne occasion de faire découvrir un jeu d’observation (comme un maxi imagier) à un enfant d’habitude très moteur, un jouet symbolique (comme un déguisement) à un enfant qui enchaine les jeux calmes (puzzles, abaques, etc.), des jouets avec des roues à un enfant surtout dans le verbal et le questionnement.

Préparez-vous aussi à répondre à des parents bien intentionnés, qui veulent absolument acheter un jouet identique à celui que leur enfant retrouve avec plaisir tous les jours, en dehors de sa maison. Ce jouet sur lequel il se précipite quand il arrive chez l’assistante maternelle ou à la crèche fait partie de ses repères affectifs, dans ce contexte -là. Sans décourager les parents de réaliser leur projet en achetant le même jouet, même modèle et même couleur, vous pouvez leur expliquer qu’il n’est pas sûr du tout que ce jouet « jumeau » ait le même attrait dans le milieu familial. Selon la personnalité de l’enfant et la valeur symbolique qu’il attribue inconsciemment à ce jouet, le résultat est quitte ou double.

Un dernier conseil aux pros, valable avant et après Noël
Un bon professionnel connait bien ses outils, or le jouet faisant partie du matériel pédagogique, les professionnels sont censés bien les connaître. Alors, surtout en cette période de « l’Avent », pendant les pauses ou en réunion d’équipe, consultez les catalogues de jouets grand public et/ou de collectivité, feuilletez les pages, lisez les commentaires et observez les caractéristiques de plusieurs jouets. Vous serez de mieux en mieux armé, non pas pour devenir prescripteur d’un jouet, d’une marque, d’un distributeur, mais juste pour être à l’écoute des parents, quand ils vous sollicitent. Et à tous ceux qui vous disent « Encore en train de regarder les jouets, tu t’amuses bien ?! », vous pourrez leur répondre : « Non, non, je travaille. ».
 
Article rédigé par : Fabienne-Agnès Levine
Publié le 07 décembre 2018
Mis à jour le 02 janvier 2019