Entre MAM et crèche familiale, une UFAC est en expérimentation à Pau

La crèche familiale de Pau a ouvert, il y a huit mois, une Unité Familiale d’Accueil Collectif (UFAC) : un lieu d’accueil expérimental qui associe les atouts de la crèche familiale et de la MAM. Une initiative intéressante, soutenue par la CAF des Pyrénées-Atlantiques et les acteurs locaux, qui vient d’être retenue pour bénéficier du Fonds d’innovation pour la Petite Enfance. Un soutien qui va lui permettre d’essaimer et prolonger son évaluation, tandis que sur le territoire, les crèches familiales sont à la peine et les MAM souvent critiquées. 

Dans le quartier du Hédas dans le centre-ville de Pau, un nouveau mode d’accueil a ouvert ses portes il y a huit mois, dont l’acronyme vous est encore inconnu : l’Unité Familiale d’Accueil Collectif (UFAC) est une initiative portée par l’association à but non lucratif Au Service de l’Enfance (ASE) qui gère la Crèche Familiale de la ville depuis plus de 50 ans. Un projet hybride qui se réclame de l’accueil individuel (comme ne le montre pas son nom) et offre aux assistantes maternelles du territoire une autre manière d’exercer leur métier en dehors de leur domicile, déchargées de toute charge administrative ou logistique, avec pour seule préoccupation l’enfant. Une expérimentation ardemment soutenue par la CAF des Pyrénées-Atlantiques et les membres du Schéma Départemental des Services aux Familles (SDSF) à savoir le Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, les communautés de communes et la MSA, pour maintenir une profession dont les effectifs étaient en baisse ces dernières années. 

Un mode d’accueil hybride, entre MAM et crèche familiale 
 « Les MAM du territoire rencontraient certaines difficultés, explique Elisabeth Sebie, puéricultrice et directrice de la Crèche Familiale de Pau. Nous avons donc fait une étude pour identifier les avantages du modèle de la crèche familiale et les avantages du modèle de la MAM. Et nous avons imaginé un projet qui alliait les bénéfices de l’une et de l’autre. L’UFAC est donc une sorte de MAM qui bénéficie des avantages de la crèche familiale », résume-t-elle clairement. Si le projet était en réflexion depuis près de dix ans, les assistantes maternelles de l’UFAC n’ont accueilli leurs premiers enfants qu’en février dernier. Un vrai parcours du combattant pour faire reconnaitre l’intérêt et le bien-fondé de ce nouveau mode d’accueil. « Nous avons présenté notre projet au ministère en 2019 et nous avons eu de très bons retours. Ça pouvait tout à fait être un modèle qui pouvait être mis en place ! raconte Elisabeth Sebie. Et puis il a eu la crise des gilets jaunes, le COVID et ce projet est un peu passé à la trappe… » Ce sont donc les acteurs locaux qui ont finalement décidé de se lancer dans une expérimentation. La CAF et le Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, la Communauté d’Agglomération Pau-Béarn-Pyrénées ont donné leur autorisation pour ouvrir une première structure. Alors, depuis le 15 février dernier, l’UFAC accueille 3 assistantes maternelles et 9 enfants. Une quatrième professionnelle devrait bientôt les rejoindre avec les 3 enfants dont elle a la charge. 

Un temps entièrement consacré aux enfants 
Marithé, Camille et Linda travaillent ensemble dans un local qui leur est propre - une maison dans le centre-ville - mais elles bénéficient de tous les avantages de la crèche familiale qui les emploie, notamment pour ce qui relève de la charge administrative. Elles adhèrent au projet éducatif de la crèche familiale, participent aux rencontres jeux, sont accompagnées de professionnels qualifiés. Le comptable de la crèche prend en charge toutes les formalités administratives et les repas sont également gérés par la crèche familiale. « Elles ont leur temps consacré aux enfants », affirme Nicole Durand, présidente de l’ASE.
Marithé a été assistante maternelle à domicile pendant 23 ans. « Lorsqu’on travaille à la maison, explique-t-elle, on ne sait pas toujours vers qui se tourner lorsqu’on rencontre des difficultés ne serait-ce qu’administratives, ou avec les enfants. Avec l’UFAC je m’épanouis beaucoup : il y a une véritable continuité avec mon travail et ce système me permet d’évoluer professionnellement. J’apprends à travailler en collectivité, à me remettre en question. Etre salariée et chaperonnée par l’ASE est bien plus agréable : je n’ai plus qu’à m’occuper des enfants ! J’y trouve un confort aussi bien professionnel que matériel. » Camille, elle, était assistante maternelle à la crèche familiale. Elle s’est portée volontaire pour intégrer l’UFAC, convaincue par son mode de fonctionnement qui lui permet de dissocier sa vie personnelle (avec de jeunes enfants) de sa vie professionnelle, et ne plus impacter sa vie familiale (avec le rangement, le ménage de son logement en vue de l’accueil des enfants). Elle se réjouit « d’avoir maintenant des collègues avec qui confronter ses points de vue et sortir de l’isolement ».

Offrir la qualité d’accueil aux parents, enfants et pros  
Pour Delphine Laurent, responsable du Pôle petite enfance et parentalité de la CAF, toutes les parties y trouvent leur compte : « Sous l’angle des professionnels, la crèche familiale assure aux assistantes maternelles qu’elle emploie tout un service autour de la qualité de l’accueil : des temps de réunion, de formation, de coordination. Ce que la MAM ne fait pas. (…) Les parents passent un contrat avec la crèche familiale, tandis qu’en MAM ils sont employeurs de l’assistante maternelle directement.  Il n’y a pas ce rapport individuel employeur-employé qui enlève beaucoup de sources de conflits. » Elle ajoute enfin que l’UFAC permet d’accueillir les enfants en tout petit groupe, pour une meilleure qualité d’accueil.  « Cet équilibre à mi-chemin entre le collectif et l’individuel me plait beaucoup, explique Linda, assistante maternelle qui a exercé auparavant 17 ans en crèche collective. J’étais un peu saturée du travail en crèche collective. Je trouvais qu’on ne respectait plus le rythme et les besoins de l’enfant. A l’UFAC, je m’y retrouve vraiment. Les enfants sont bien plus calmes et apaisés. Ici on n’est jamais pris par le temps ! On n’a pas le rythme intense et la logistique complexe de la crèche. Je revis ! » avoue-t-elle, enthousiaste. 

La référence mais pas encore de délégation d’accueil
A l’UFAC, chaque assistante maternelle est responsable et référente des enfants qu’elle accueille. « La PMI y tient tout particulièrement, pour que nous ne « devenions pas une crèche » ! » souligne Linda. Nous sommes vraiment référentes de nos enfants, concernant l’accueil du matin, le repas, les changes et l’accompagnement au sommeil. C’est très clair pour les enfants tout comme pour nous. » Et Elisabeth Sebie de préciser : « A terme, la délégation d’accueil est prévue, mais pour l’instant elle est encore très limitée ». Elle ne concerne que de très courts moments, comme le temps d’un atelier ou pour un remplacement en cas de maladie. 

Une mixité sociale assurée par des tarifs (très) accessibles 
A la crèche familiale comme pour les assistantes maternelles de l’UFAC, le tarif horaire est établi en fonction des ressources et de la composition de la famille. « Nous avons donc des tarifs horaires qui vont de 20 cts à 3,48 € complétés par le cmg, précise Elisabeth Sebie, ce qui nous permet d’être un mode d’accueil accessible à toutes les familles et de garantir une certaine mixité sociale. » Un point sur lequel insiste tout particulièrement la CAF, pour qui la mixité sociale est un critère essentiel que l’on retrouve également dans la PSU. « Nous sommes garants, dans le projet de fonctionnement de l’UFAC, qu’il y ait une tarification modulée en fonction des ressources des familles. Et cela l’ASE l’a tout à fait compris et joue le jeu », insiste Delphine Laurent. Cette année, à la demande des parents, tous les enfants sont accueillis à temps plein. Mais, admet Linda, « c’est ainsi beaucoup plus facile pour eux comme pour nous ! »

Un coaching de proximité pour les assistantes maternelles  
Les assistantes maternelles de l’UFAC sont accompagnées par les professionnelles qualifiées de la crèche familiale : une puéricultrice, trois éducatrices de jeunes enfants et une psychologue sont présentes à leurs côtés. Elles assurent le suivi hebdomadaire, la formation continue, et l’analyse de pratique dont elles ont besoin.
Camille, assistante maternelle à l’UFAC détaille le programme : 
-    Une visite de la référente, EJE de la crèche familiale, à minima une fois par semaine (1/2 journée).
-    Une réunion de fonctionnement, avec la directrice de la crèche familiale, la référente et les assistantes maternelles, une fois par mois. 
-    Une séance d’analyse de la pratique professionnelle avec la psychologue, une fois par trimestre. 
-    Les rencontres jeux, à la crèche familiale, une fois par mois.  
« La direction est toujours là pour nous épauler, nous faire réfléchir sur nos pratiques, notre fonctionnement et l’adapter en fonction des besoins de l’enfant. C’est très riche parce que nous ne sommes pas seules et toujours accompagnées », explique Linda.    

La CAF également suit de près le projet afin de le soutenir et l’évaluer « avec des comités techniques et de pilotage assez réguliers pour bien mesurer l’impact et les difficultés éventuelles que l’on peut repérer vis-à-vis de la structure, des professionnels, du coût... » explique Delphine Laurent. Jusqu’alors, le seul frein identifié serait le coût pour les assistantes maternelles, moins bien rémunérées que si elles exerçaient indépendantes à domicile. 

Un mode d’accueil complémentaire sur le territoire 
Aujourd’hui, l’UFAC vient enrichir l’offre d’accueil présente sur le territoire et se veut complémentaire des modes d’accueil déjà présents. Elle n’a pas vocation à remplacer les MAM qui comptent déjà plus de 70 structures. « Nous le voyons comme une expérimentation qui vient en complément de ce qui existe, sans remettre en question les MAM », tient à préciser Thibault Roulin, attaché de direction à la CAF des Pyrénées-Atlantiques. Un projet qui intrigue, intéresse, suscite de nombreuses réactions et pourrait faire des émules. « Nous avons été sollicitées par de nombreuses structures qui ont eu vent de notre projet », rapporte Elisabeth Sebie. Une expérimentation qui revalorise également le métier d’assistante maternelle. Marithé le confirme : « je trouve que j’ai une nouvelle reconnaissance professionnelle lorsque je dis que je suis assistante maternelle à l’UFAC. On souffre encore des clichés liés à nos métiers… »

Appel à projet FIPE : 5 nouvelles structures d’ici 2025 
Bien que la première évaluation ne soit pas encore achevée, après seulement quelques mois d’existence, le projet d’UFAC vient d’être retenu par un jury régional dans le cadre de l’appel à projets du Fonds d’innovation pour la Petite Enfance, lancé le 9 juin dernier. Les collectivités étaient invitées à présenter des projets pour « accélérer » le déploiement du service public de la petite enfance. Avec notamment, dans les critères, le soutien aux assistantes maternelles. « En lien avec le SDSF, nous avons choisi le projet UFAC, explique Thibault Roulin. Nous allons donc continuer à les suivre. (…) Si le système marche, on va pouvoir évaluer et voir si l’on répond bien à l’ensemble des besoins des enfants, professionnels et parents. » Pour l’UFAC, c’est une bonne nouvelle et cela signifie concrètement de nouveaux financements permettant de développer, d’essaimer et d’évaluer ce mode d’accueil à plus grande échelle, dans le département. Ce sont donc 5 nouvelles UFAC de 4 assistantes maternelles pour 15 places, portées l’ASE, qui ouvriront d’ici 2025.  

Une initiative qui n’est pas sans rappeler l’expérimentation du nid maternel, un temps évoquée pour faire partie de la dernière réforme mais qui avait finalement été abandonnée. Le nid maternel, notamment mis en place par la crèche familiale de Montluçon en 2022, permettait à des assistantes maternelles de venir passer deux à trois journées par semaine dans une sorte de MAM mise en place à cet effet, sous la direction d’une puéricultrice, leur permettant de passer moins de temps chez elles, de sortir de l’isolement et d’expérimenter un accueil collectif. L’UFAC saura-t-elle se montrer plus concluante ? Un projet qualitatif à suivre de près.  
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 09 novembre 2023
Mis à jour le 17 novembre 2023