Les Cercles de parents essaiment leur action de soutien à la parentalité dans 17 départements

Depuis 2022, les Cercles de parents accompagnent et guident les familles pendant les trois premières années de vie de leurs enfants. Une initiative généreuse de soutien à la parentalité, portée à bout de bras par Elodie Emo, le Collectif Je suis Infirmière Puéricultrice et l'UNAF, dans le cadre de la politique des 1000 premiers jours. En 2024, les Cercles de parents seront présents dans 17 départements mais cherchent encore des soutiens pour pérenniser leur action. On fait le point avec Elodie Emo sur ce nouveau concept qui semble avoir fait ses preuves.
L’histoire des Cercles de parents commence il y a quelques années avec Elodie Emo, infirmière-puéricultrice en PMI. Titulaire d’un DU en psychopathologie du bébé et de la famille, et d’un second en psychisme et périnatalité, elle est particulièrement au fait des problématiques liées à la parentalité. Devenue formatrice en école d’infirmière puis jeune maman, elle prend conscience de la sur-responsabilisation parentale, du manque de relais et du besoin de réassurance psychosociale des jeunes parents. Pour elle, il manque un lieu et un temps donnés pour répondre aux questions des jeunes parents souvent livrés à eux-mêmes, au-delà des consultations périnatales avec une sage-femme et des rendez-vous de pédiatre où le temps et généralement compté et le regard tourné vers la santé de l’enfant. La problématique est là, insiste Elodie Emo « on a besoin des infirmières-puéricultrices, c’est une évidence. Dans le rapport de l’IGAS, un parent sur deux se sent lâché dans les premiers mois qui suivent la naissance ». Mais aujourd’hui, la consultation d’une infirmière-puéricultrice n’est aujourd’hui ni valorisée, ni remboursée, et donc peu accessible aux parents.

Un appel à projet de la politique des 1000 premiers jours 
Par l’intermédiaire des réseaux sociaux, Elodie Emo entre en contact avec des infirmières-puéricultrices qui, comme elle, ont le souhait de faire évoluer la prise en soin des enfants et le soutien des parents. En 2021, elle devient co-fondatrice du Collectif Je Suis Infirmière Puéricultrice qui fait rapidement le buzz sur le web avec son action « Qualifiées mais évincées », alors que les premières mesures de la politique des 1000 premiers jours de l’enfant, consécutive à la sortie du rapport du même nom, commencent à être déployées. Elles obtiennent une rencontre avec Philippe Romac, alors conseiller au cabinet du Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Famille Adrien Taquet, qui les incite à s’investir dans les appels à projets 1000 premiers jours / Petite enfance lancés par l’ARS et la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) dans le cadre de la campagne de financement de la politique des 1000 premiers jours de l’enfant. Pendant l’été 2021, en s’appuyant sur le référentiel de l’infirmière puéricultrice et le cahier des charges de l’appel à projet, Elodie Emo définit les contours des Cercles de parents. 

Une action concrète de soutien à la parentalité 
Les Cercles de parents permettent à chaque parent d’enfants, de la naissance à 3 ans, de bénéficier d’un temps d’échange de deux heures en tout petit groupe, animé par une infirmière-puéricultrice, jusqu’à trois fois par an, selon leurs besoins. Pendant ces 9 séances, les parents venus seuls ou en couple, avec ou sans leur enfant, pourront aborder les nombreux sujets qui les préoccupent : les difficultés de sommeil, la gestion des émotions, la diversification alimentaire, l’accompagnement de l’allaitement, les difficultés relationnelles et éducatives, etc. Les Cercles de parents sont accueillis au sein d’un RPE, d’un cabinet de sage-femme, d’une maison de santé, d’un LAEP, d’une maternité…

C’est un véritable outil de soutien à la parentalité qui permet de rompre l’isolement des jeunes parents, de mieux intégrer le co-parent dès le départ, de faire de l’éducation et de la prévention en santé, d’offrir des ressources aux jeunes parents et de les orienter vers l’offre de soin existante pour renforcer un maillage existant mais défaillant. Ces échanges sont l’occasion de faire une prévention accrue autour de la dépression post-partum, de la mort inattendue du nourrisson et du syndrome du bébé secoué. Par sa posture, l’infirmière-puéricultrice est garante de ce climat de bienveillance et de non jugement, de l’intimité favorable aux échanges, de la convivialité du moment partagé mais également de la qualité des échanges, dans une idée de co-construction avec les parents. « Nous avons ce rôle de modération, par l’écoute active et la reformulation, en étant très attentives à toutes les réactions verbales et non verbales, pour veiller à ce que personne ne soit laissé de côté, ou n’occupe trop l’espace de parole », précise Elodie Emo. 

Le soutien de la première heure de l’UDAF 21
Par son statut associatif, l’Union Départementale des Associations Familiales de Côte d’Or (UDAF 21) sera porteur du dossier, avec l’appui du Collectif de puéricultrices qui déploiera son énergie à tisser des liens avec le réseau de professionnels de santé local (pédiatres, maternité, réseau de périnatalité) et avec les députés. Banco ! Les Cercles de parents remportent l’appel à projet, et démarrent en janvier 2022 dans les trois départements de la région Bourgogne-Franche-Comté. Il ne leur reste plus qu’à se faire connaitre et démocratiser le concept pour toucher plus largement les parents, y compris ceux qui pensent ne pas avoir besoin de soutien... Elodie Emo tient à le préciser : un Cercle de parents, ce n’est pas un simple café des parents ! « On a aussi un rôle très important au niveau paramédical, de prévention, de promotion et d’éducation à la santé, ajoute-t-elle. La puéricultrice connait bien l’offre de soin, elle est en mesure d’orienter la famille vers un professionnel adapté selon ses besoins. »  

17 départements engagés en 2024
Les parents sont au rendez-vous, les retours sont positifs, il faut maintenant essaimer et développer les Cercles de parents au-delà de la région Bourgogne-Franche-Comté pour toucher un maximum de familles. Elodie Emo, qui n’a pas l’âme d’une entrepreneuse, donne son projet clé en main à son réseau de puéricultrices, afin qu’elles s’en emparent et répondent à leur tour à des appels à projets régionaux. Cinq dossiers sont déposés, un seul sera élu, dans la région Grand-Est. Le projet se heurte parfois à des questions de volonté, de pouvoirs et de priorités… « Il semblerait que dans certaines régions, la PMI voie d’un mauvais œil ces projets, déplore Elodie Emo. Mais ce qu’il faut entendre, c’est que la PMI ne touche que 15% des familles (…) Il y a nécessité à développer une médecine préventive de ville. Il n’y a pas de concurrence à craindre ! »

Cependant, à Caen, une maternité vient de signer pour la mise en place de Cercles de parents au sein de la maternité. L’Union nationale des Associations Familiales (UNAF) reste également un fort soutien de la première heure, en relayant le projet auprès de son réseau national. Ainsi l’UDAF de la Sarthe, des Alpes-Maritimes, du Puy-de-Dôme, adhèrent au projet et démarrent les Cercles de parents sur leurs fonds propres. Côté financements, la CAF, l’ARS, certaines DREETS et Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) soutiennent également les projets, parfois même en co-financement. En 2024, 17 départements (le Grand-Est, la Seine-Maritime, l’Ille-et-Vilaine, la Sarthe, le Puy-de-Dôme, les Alpes-Maritimes, l’Oise…) seront engagés pour les Cercles de parents ! 

Des financements encore trop fragiles 
Malgré l’enthousiasme autour du projet, les Cercles de parents restent dépendants de financements fragiles. Il n’y a pas de modèle financier et le projet est porté par l’intelligence collective de ces puéricultrices engagées, qui admettent qu’elles auraient bien besoin d’aide. « On bénéficie d’argent public mais cela reste une action non pérenne, rappelle Elodie EmoIl faut une coordination nationale (Ndlr. qu’elle assume bénévolement) de nombreuses actions de communication pour se faire connaitre, mais on cherche encore des partenaires qui pourraient nous aider à développer ce projet de manière plus pérenne. Un mécène, une fondation peut-être ?  interroge-t-elle. (…) On nous a expliqué qu’il fallait attendre les Assises de la pédiatrie pour bénéficier d’un soutien plus marqué. Mais lorsque j’ai été auditionnée, j’ai compris que l’on aurait au mieux des recommandations mais pas de soutien financier pour porter cette action. Il nous faudrait notamment des mesures d’impact pour avoir de l’argent et les mesures d’impact coûtent de l’argent, c’est un peu le chat qui se mord la queue (…) A mon sens, il manque une volonté réelle de se donner les moyens de faire de la prévention en France ». Aujourd’hui, les Cercles de parents veulent s’inscrire dans l’offre de soin pour faciliter le début d’une longue histoire et favoriser ces précieuses relations d’attachement. Un projet humain et ambitieux à suivre de près. 
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 14 décembre 2023
Mis à jour le 21 janvier 2024