Téo Champion : « Le plus dur ce n’est pas de trouver sa place, mais de quitter la structure. »

A 19 ans, Téo Champion vient de terminer sa première année à l’école APRADIS d’Amiens. En formation pour devenir Éducateurs de Jeunes Enfants (EJE), il a déjà effectué trois stages. Des périodes parfois difficiles pour un homme qui tente de faire sa place dans un monde de la petite enfance constitué majoritairement de femmes.
Avez-vous déjà eu des difficultés d’intégration ?
 
On a souvent tendance à dire que l’intégration est quelque chose de compliqué pour un stagiaire mais pour moi, tout dépend de la structure. J’ai toujours reçu un accueil de qualité, avec un professionnel qui me faisait découvrir la structure et m’aidait à m’intégrer dans l’équipe et le projet pédagogique. 
Une fois mon intégration dans l’équipe réussie, je peux commencer à travailler plus en lien avec les enfants. En général, je fais deux semaines d’observation où je suis tout le temps au sol, à leur hauteur : cela leur permet de venir vers moi tranquillement s’ils le souhaitent. Si je vois qu’un enfant est assez timide, je vais essayer de me rapprocher de lui en passant par le jeu. Je préfère procéder de cette façon et ne jamais forcer le contact pour éviter de les effrayer, d’autant que je suis grand avec une voix assez grave.

Comment fait-on pour prendre des initiatives tout en restant à sa place de stagiaire ?
 
En général, plus on est intégré au sein d’une équipe et mis en confiance, moins on aura peur d’imposer nos idées et de prendre des initiatives. Dans les trois structures où j’ai travaillé, on m’a laissé faire beaucoup de pratique, c’est donc tout naturellement que j’ai su prendre des initiatives. Ça montre que les professionnels me font confiance. J’essaye aussi de leur partager mes idées pour qu’ils m’aident à me remettre en question. Une manière aussi de compléter mes connaissances théoriques et les travaux que je dois rédiger pour ma formation. 

Et avec les parents, comment ça se passe ?
 
J’ai remarqué que s’ils nous acceptent, l’enfant a tendance à faire de même. Et inversement, si ça se passe bien avec l’enfant, les parents sont plus ouverts au dialogue. C’est pour cela que je vais souvent les voir pour discuter et essayer de créer des relations avec eux. C’est d’ailleurs la partie que je préfère dans l’accueil des enfants, et je n’ai même jamais rencontré de parents que ma présence dérange. On me dit souvent que « grâce à moi », les papas viennent plus chercher les enfants à la crèche. C’est vrai qu’ils se permettent plus de poser des questions qu’ils n’osent pas forcément poser à mes collègues féminines.

Cela a des avantages d’être un homme dans ce milieu ?
 
Tout dépend de la structure qui nous accueille. Mon premier stage, par exemple, reste un mauvais souvenir. Dès les premières semaines je ressentais une gêne face à l’EJE qui était très voire trop observatrice. En plus elle refusait que je m’occupe du change ou que j’accompagne les enfants aux toilettes, notamment les petites filles. Elle confiait ces missions à l’autre stagiaire, qui elle refusait tout simplement de me parler et de travailler avec moi. Je n’ai appris que plus tard qu’elles agissaient de la sorte parce que j’étais un homme. J’ai eu peur que cela recommence lors de mon stage suivant mais c’était plutôt le contraire. Cette fois-ci j’étais « victime » de discrimination positive. On m’encensait avant même que j’aie fait quoi que ce soit, juste parce que j’étais un homme. C’était compliqué car je ne savais pas si on me jugeait sur mes compétences ou sur mon genre. Bien souvent, les professionnelles pensent qu’être un homme est une qualité alors que pour moi c’est juste un genre.
 
Qu'apprenez-vous de ce travail au milieu des tout-petits ?
 
Travailler avec des tout-petits est éprouvant. On doit toujours donner le meilleur de nous-mêmes tout en faisant attention aux besoins de l’enfant et aux attentes des parents. Avant j’étais en BAC professionnel électronique et les enjeux lors des cas pratiques ne sont pas comparables. Lorsqu’on accueille des enfants, notre marge d’erreur est bien plus réduite. Mais ce n’est pas pour ça qu’il faut avoir peur de participer à la vie et aux activités de la structure. Finalement quand ça se passe bien, le plus dur ce n’est pas de trouver sa place, mais de quitter la structure après y avoir passé plusieurs mois. Il faut trouver une manière de dire au revoir aux enfants, aux professionnels mais aussi aux parents que l’on a côtoyés chaque jour... 
Article rédigé par : Julia Dumoulin
Publié le 04 septembre 2018
Mis à jour le 12 septembre 2018