Vous dites : « Un travail peu intense » ? Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteur

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femme lit un livre à enfant
C’est un sentiment étrange d’apprendre par les médias que le métier que l’on exerce est peu intense. Sincèrement, on croit tout d’abord à une plaisanterie ! Certains l’ont vu à la télé, d’autres l’ont entendu à la radio ou lu dans un magazine ou sur un site internet : une info bien réelle donc, garantie, officielle. « Le métier d’assistante maternelle fait partie des 15 métiers les plus favorables au bien-être psychologique ». Et c’est vrai ! C’est vrai que notre métier est merveilleux : voir grandir et s’épanouir de petits bébés, cela rend tout simplement heureux. Tenir dans ses bras ces quelques kilos de chair palpitante et si vulnérable, capter le regard, déclencher les premiers sourires, c’est un bonheur sans cesse renouvelé. C’est valorisant de participer à l’éveil des enfants, jour après jour de les voir acquérir l’autonomie, la marche, le langage et de se dire qu’on y est pour beaucoup. C’est gratifiant de faire un métier que l’on sait délicat, utile et enrichissant.

Gratifiant certes, mais pour autant, peu intense ? Qu’est-ce donc qu’un métier intense ? Celui qui apporte des sensations fortes, qui est stressant, dangereux, angoissant ? Il est vrai que nous ne sommes pas démineurs (quoi que notre métier s’exerce parfois aussi en terrain miné), ni pompiers (même s’il nous arrive aussi de devoir éteindre quelques incendies et autres explosions de colère) ni même chirurgiens (alors que l’on a, nous aussi, des vies entre les mains). Les assistantes maternelles sont confrontées parfois à des situations de crise, lorsqu’un adulte est seul responsable de trois voire quatre enfants en bas âge. La crainte de l’accident où l’on engage sa responsabilité est constamment présente dans note tête et notre obligation de résultat en matière de sécurité pèse lourd sur nos épaules. Certains contrats, certains parents-employeurs peuvent être stressants, et la précarité de notre métier est parfois angoissante. Si notre métier n’est pas intense, pourquoi sommes-nous donc souvent si épuisées ?

J’ai déjà écrit sur l’épuisement professionnel dont souffrent nombre d’assistantes maternelles et l’on parle même de burn out dans certains cas. Épuisement physique après des années à porter de lourdes charges, les enfants, mais aussi les poussettes et autres matériels de puériculture, des lombalgies et des tendinites, toutes ces souffrances non reconnues par une médecine du travail inexistante pour nous. Épuisement mental et psychologique aussi, dû à des tâches répétitives, au bruit incessant, à l’isolement et à l’absence d’échanges et d’évolution professionnels, de perspectives d’avenir. Épuisement tout court, lorsqu’on travaille 50 heures par semaines, voire plus. Lorsqu’on ne peut se permettre de tomber malade et qu’on n’a pas vraiment le temps d’aller voir le médecin. Lorsqu’on doit sans cesse prouver que l’on est une bonne professionnelle, lorsqu’on doute de ses compétences après une journée particulièrement difficile.

Pourtant selon cette étude très sérieuse, notre métier est décrit non seulement comme peu intense, mais encore « avec un rare sentiment d’insécurité et peu de conflits éthiques ». Encore une fois, par rapport à qui ? La précarité de notre métier au salaire si instable participe grandement à un sentiment global d’insécurité : à tout moment, nous pouvons voir nos revenus divisés par deux, par trois. A tout moment, nous pouvons perdre notre agrément. Nous devons tous les ans rechercher du travail, faire à nouveau nos preuves et regagner la confiance de nouveaux parents-employeurs. Aucune chance de s’asseoir sur nos lauriers ! Nous travaillons entièrement seules (sauf nos collègues en MAM bien sûr) et assurons plusieurs métiers en une seule journée. Nous apprécions cette autonomie, en général, mais elle n’est pas exempte d’insécurité, loin de là. Confrontées à des familles dont les cultures, les habitudes et les priorités sont différentes des nôtres, les conflits éthiques, moraux, déontologiques sont au contraire quotidiens. Il nous faut sans cesse remettre en question nos propres croyances.

Diffusés largement dans les médias, les résultats de cette étude résumés ainsi en quelques lignes, donnent une impression totalement fausse de notre profession : sur un public non averti, cela ne fait qu’aggraver notre cas, alors que notre profession souffre déjà de nombreux a priori négatifs. En l’absence de données plus précises (publics ciblés, questionnaire, contexte global de l’étude) les résultats de l’enquête Conditions de travail - Risques psychosociaux de 2016 sèment encore davantage le trouble et minimisent les problèmes pourtant bien réels de notre profession.
Cool, les nounous ! Pas stressées, pas inquiètes, pas fatiguées. Payées à jouer toute la journée avec des petits, à gazouiller gaîment avec eux, à se promener au parc. Et comme nous l’entendons malheureusement encore trop souvent : payées à ne rien faire !
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 03 avril 2018
Mis à jour le 03 avril 2018
Merci pour cet article très réel. J'ai été assistante maternelle puis assistante familiale ASE et éducatrice dans mon lieu de vie et c'est vrai que notre métier est très mal connu. C'est la raison pour laquelle depuis que je suis à la retraite j'ai écrit un livre : De famille à tribu Edition l'Harmattan Zorah Viola pour partager mon expérience d'accueil durant 30 ans. Raconter notre quotidien, nous difficultés comme nos bonheurs et no joies, nos erreurs comme nos réussites pour faire garndir des enfants et les aider à devenir des adultes responsbles. www.de-famille-a-tribu.com