A Vannes, une MAM à vocation d’insertion socio-professionnelle ravive le métier d’assistante maternelle
Après plus de deux ans de travail et de travaux, la MAM Laouen Mowma vient d’ouvrir ses portes à Vannes, grâce au soutien de nombreux partenaires. Une MAM à vocation d’insertion socio-professionnelle qui soutient les parents dans leur démarche de retour à l’emploi, exige des assistantes maternelles plus d’adaptabilité, mais donne une toute autre richesse à leur métier…

En 2022, nous avions déjà consacré un article à ce projet de MAM à vocation d’insertion socio-professionnelle déjà très innovant. Deux ans plus tard, ce 2 mai 2024, la MAM Laouen Mowma vient seulement d’ouvrir ses portes dans un quartier prioritaire de Vannes, dans le Morbihan. C’est dire le parcours du combattant qu’il aura fallu mener pour y parvenir. Le concept est toujours novateur et n’a pas encore essaimé, mais attire, questionne et intéresse…

Le manque de modes d’accueil freine la réinsertion professionnelle
À l’initiative de ce projet, une association. Non pas une association dédiée à la petite enfance, comme on aurait pu le croire, mais une association d’insertion par l’activité professionnelle, Vannes Relais. Quel rapport avec une maison d’assistantes maternelles ? Tout part d’un constat simple, fait par Morgane Le Roux, aujourd’hui vice-présidente de la MAM et directrice de Vannes Relais : « Trop souvent, l’absence d’un mode d’accueil est un frein à l’emploi, notamment chez les plus précaires ou chez les femmes en situation de monoparentalité », explique-t-elle.
Ce constat, Morgane Le Roux ne le sort pas de son chapeau. En 2021, l’association mène une enquête auprès des 140 salariés qu’elle accompagne pour faire un état des lieux de leurs besoins en matière d’accueil. Verdict : 22 salariés ont dû renoncer à accepter une mission de travail et trois personnes ont même dû refuser un CDI, faute d’avoir une place en accueil collectif ou individuel. « Pour nous, ce type de refus est un échec, car ces personnes, qui étaient en voie d’insertion, doivent repartir dans le circuit. Il était essentiel d’agir pour trouver une solution à cette problématique d’accueil », souligne-t-elle.
Evaluer l’offre et les besoins des familles
Tout commence alors par un diagnostic de l’offre locale et par l’évaluation des besoins des familles. Dans la ville de Vannes en général, peu de surprise : « Il y a de moins en moins d’assistantes maternelles et moins de cinq MAM dans toute la municipalité » étaye Morgane Le Roux, tout en rappelant que dans certains cas, les familles doivent attendre entre 18 et 24 mois pour avoir une place… Et de préciser : « A Vannes, nous sommes dans un bassin d’emploi tertiaire, avec peu de demande d’horaires atypiques. Notre objectif était donc d’ouvrir un accueil individuel en horaires de journée, en complémentarité avec l’offre déjà existante dans le quartier de Kercado. Une halte-garderie proposait déjà un accueil occasionnel. Pour la MAM, nous avons décidé de proposer de l’accueil régulier ».
Une MAM en quartier prioritaire
Dès lors le projet prend forme, via les premiers partenariats avec la Ville de Vannes et le bailleur social de la municipalité. Un local de 160 m2 en rez-de-chaussée d’un immeuble de Kercado, un quartier politique de la ville (QPV), est mis à disposition de l’association, les travaux sont programmés (et dureront plus longtemps que prévu), le matériel nécessaire est financé, avec le soutien de la CAF, de la PMI et de la municipalité.
Quatre assistantes maternelles complémentaires
Puis, rapidement l’équipe de professionnelles est constituée, grâce à un appel à candidatures. Une étape que Morgane Le Roux a voulu très précoce. « Il était essentiel que les assistantes maternelles puissent penser leur propre projet pédagogique, se l’approprier, avoir une réflexion en phase avec leur cœur de métier. Certes, la MAM nait d’un projet d’insertion, mais la qualité de l’accueil reste prioritaire », précise-t-elle, en rappelant que cette MAM est vouée à devenir « une MAM de quartier » et non pas « la MAM de Vannes Relais ».
Quatre assistantes maternelles rejoignent donc ce projet pour ce qu’il est, riches de leurs parcours atypiques et complémentaires : deux ont déjà été salariées en insertion au cours de leur vie professionnelle. L’une exerçait dans un multi-accueil et regrettait de ne pas pouvoir prendre plus de temps avec les familles. Après 15 ans d’expérience, elle a choisi de redonner du sens à son métier. Une autre faisait de la garde à domicile, une autre dans les écoles, une troisième exerçait en multi-accueil…. Mais notons qu’aucune n’avait encore son agrément et n’aurait fait le choix de s’installer à domicile !
« Les enfants heureux »
Avec quatre agréments, la MAM prévoit d’accueillir d’abord 14 enfants puis idéalement 16 après 6 mois, en réservant 8 places aux familles en voie d’insertion et 8 places aux familles de ‘droit commun’. Ce sont Lise, Marjorie, Cécile et Touhfat – les assistantes maternelles – qui ont choisi : la MAM s’appellera Laouen Mowma, littéralement « les enfants heureux », le premier terme étant breton, le second maoré, pour refléter la diversité du quartier, car la mixité sociale est, elle aussi, une condition sine qua non au projet.
Des critères précis et une commission d’attribution des places
Pour attribuer les places, il a fallu mettre en place des critères d’éligibilité : être demandeur d’emploi de longue durée (plus d’un an) ou allocataire de minimas sociaux, famille monoparentale, famille habitant au sein de QPV, jeune de moins de 26 ans ou travailleur en situation de handicap. Et en parallèle être en recherche active d’emploi, en reprise progressive d’activité professionnelle, en formation ou en démarche active d’insertion sociale. Le choix revient ensuite à la commission d’attribution des places, constituée de Vannes Relais et des assistantes maternelles. Après avoir rencontré l’assistante maternelle puis la responsable emploi, la place est attribuée à la famille, sous réserve de co-signature d’un contrat d’engagement réciproque, de la mise en place d’actions précises et complètes pour la réinsertion socio-professionnelle.
Ces places sont attribuées aux familles, en veillant à bien s’inscrire dans un projet de territoire. « Il est hors de question de faire de la discrimination à l’accueil en privilégiant les personnes en parcours d’insertion dans l’association. Ces places doivent s’adresser à tous, à commencer par les familles les plus fragilisées, comme les bénéficiaires du RSA, etc. », précise Morgane Le Roux.
Un projet d’insertion sur mesure
Avec chaque famille dont les enfants sont accueillis, Vannes Relais réalise un diagnostic socio-professionnel à l’arrivée dans la MAM, pour cibler son accompagnement. Une démarche qui va de pair avec le programme de soutien à la parentalité proposé par les assistantes maternelles. « La famille s’engage à rencontrer la responsable emploi chaque mois, voire chaque semaine s’il y a besoin d’un accompagnement renforcé. On attend simplement d’elle qu’elle rentre pleinement dans la démarche ! », insiste Morgane Le Roux. L’organisme, spécialisé dans la réinsertion par l’activité économique, propose accompagnement, formation et première mission de travail en vue du réemploi, si nécessaire, en lien avec les autres partenaires. A l’heure actuelle, seules deux familles sont employées par Vannes Relais.
Un tarif accessible mais un salaire revu à la baisse
Pour le permettre, les places d’accueil sont attribuées pour un mois minimum, pour un minimum de 16h/semaine, de 4h/jour sur 4 jours, avec une certaine régularité des accueils sur l’ensemble du mois, pour un maximum de 6 mois, renouvelables jusqu’à ce que la personne puisse être de droit commun. « On souhaite une grande souplesse par rapport à cela et les ass’mat’ ont la possibilité de le faire », précise Morgane Le Roux. Si les familles bénéficient de tarifs/horaires très accessibles, c’est parce que les assistantes maternelles, elles, acceptent de toucher un salaire moindre : « Les crèches AVIP ont une compensation de leur salaire. A la MAM, nous ne sommes pas labellisés AVIP, nous acceptons de percevoir moins de salaire mais nous ne payons pas de loyer, seulement les charges de notre local, explique Touhfat, l’une des assistantes maternelles. Il faut être en accord avec cela ! »
Des professionnelles coachées de près
Particulièrement sensibilisées aux difficultés liées à la question de l’insertion socio-professionnelle, les professionnelles sont suivies de près et formées « sur le terrain » par l’équipe de Vannes Relais. « Les assistantes maternelles nous sollicitent régulièrement lorsqu’elles ont des questions. De plus nos bureaux sont à proximité immédiate de la MAM ! », se réjouit Morgane Le Roux. Chaque mois, avec les assistantes maternelles et la responsable emploi et développement de Vannes Relais, elles se retrouvent pour une indispensable réunion de suivi. Des séances d’analyse de la pratique vont également être mises en place une fois par trimestre avec une psychologue.
Une mutation du métier d’ass’mat’ ?
Bien qu’exercer dans une MAM à vocation d’insertion socio-professionnelle leur demande davantage de souplesse et d’adaptabilité, ces assistantes maternelles apprécient cette dimension plus sociale, et sont même venues pour trouver cela : « Cet engagement donne encore plus de sens à notre métier, explique Touhfat. On est au plus près de ces familles qui ont eu des parcours de vie difficiles, dans l’accompagnement à la parentalité. Ça nous tient à cœur de pouvoir les accueillir, de faire un bout de chemin avec elles. On partage leurs joies, on voit très concrètement les bénéfices de ce que l’on peut leur apporter : pouvoir passer son permis de conduire, avoir un peu de répit, trouver du travail… Je viens d’un multi-accueil où je ne percevais même plus le social, l’humain dans mon métier. Ici, je prends le temps avec les enfants, avec les parents, au plus près des besoins de chacun ! »
Pas de labellisation AVIP pour l’instant
La MAM Laouen Mowma a ouvert le 2 mai 2024, avec quelques mois de retard. Mais malgré ce dispositif opérationnel et concluant, la MAM ne pourra pas encore prétendre à une labellisation AVIP. « Nous n’avons pas encore le droit, explique Morgane Le Roux. Nous essayons de négocier avec la CAF et la CNAF pour une reconnaissance de MAM AVIP. C’est un label, mais cela nous permettrait d’avoir une reconnaissance et d’essaimer sur le territoire. Ce serait super ! On sent une envie et un besoin de ce type de structure, chez les professionnels de la petite enfance, les parents et les partenaires. »
Véronique Deiller et Laurence Yème
PUBLIÉ LE 18 novembre 2022
MIS À JOUR LE 27 mai 2024