Assistantes maternelles : familles pauvres, passez votre chemin !
Onéreux, compliqué… Le recours aux assistantes maternelles demeure très faible parmi les familles les plus défavorisées. Un état de fait qui risque de durer, faute de constituer une priorité pour tous…
La question de la mixité sociale se pose de manière particulièrement exacerbée en ce qui concerne l’accueil chez les assistantes maternelles. Selon une enquête CNAF, en 2017, celui-ci concernait 20 % des familles, toutes catégories confondues. Or, quelques années à peine auparavant, en 2013, selon une étude de la DREES, ce mode de garde ne touchait que 5 % des enfants ayant au moins un parent inactif ou au chômage ou encore à temps partiel inférieur à 50 %. « Ce n’est pas étonnant puisque le complément du libre choixde mode de garde (cmg) ne permet pas aux parents inactifs de le percevoir pour ce mode d’accueil » commente Sandra Onyszko de l’Ufnafaam.
Un chiffre qui bondissait à 33 % pour les temps partiels à plus de 50% et à 38 % lorsque les deux parents travaillaient à temps complet. « En cause, plusieurs facteurs, notamment pour les assistantes maternelles employées par les particuliers : l’avance conséquente (au moins 800 euros, salaire moyen d’une assistante maternelle dans les grandes villes) à avancer avant de percevoir les aides ; le reste à charge plus important pour les familles que pour les EAJE, plus les complications administratives : nécessité d’établir un contrat de travail, dresser une fiche de paie, de calculer les congés payés, etc. », énumère Julie Marty-Pichon, présidente de la FNEJE. Des contraintes que le recours aux assistantes maternelles relevant des crèches familiales permet d’alléger considérablement. « Mais, dépendant des communes, elles se heurtent aux mêmes limites financières que les EAJE », regrette Elisabeth Laithier. « Les Relais Assistantes Maternelles apportent une aide à ce niveau, ainsi que les organisations professionnelles précise Sandra Onyszko. Par ailleurs, nombre de ces professionnelles peuvent dispenser un premier niveau d’information aux familles. »
Cheval de bataille ou non ? Les avis sont partagés…
Face à ce constat, deux lignes se font face. Primo, celle visant à élargir l’accès des familles en difficultés à ce mode de garde, en raison des enjeux qu’il présente. « Mieux prendre en compte le taux d’effort sur l’offre individuelle de garde fait partie de notre réflexion, en lien avec l’offre d’accueil collectif, expose Dominique Ducroc-Accoui, conseillère en politiques familiales et sociales à la CNAF. Très souple, ce type d’accueil peut répondre à des besoins atypiques. Par ailleurs, la problématique « emploi » vient se greffer sur celle d’insertion, le taux de chômage des assistantes maternelles étant important sur les territoires sensibles. »Sandra Onyszko ajoute : « les assistantes maternelles accueillent les enfants plus tôt ou plus tard que les structures collectives et bien souvent aussi les week-ends. Soit, en moyenne, un nombre d’heures d’accueil bien supérieur à celui des EAJE. »
Une logique partagée par le groupe de travail Petite Enfance de la mission interministérielle sur la prévention et la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes , dont la proposition n°4 vise à « garantir une liberté de choix des modes d’accueil aux familles en situation de pauvreté ». Mais d’autres acteurs, pourtant militants de la première heure de l’accompagnement des familles en situation de précarité et d’insertion comme l’IEPC (Institut d’Education et des Pratiques Citoyennes), ne sont pas de cet avis. « Il faudrait réserver les crèches aux familles précaires et les assistantes maternelles, gardes partagées et assistantes parentales, à celles qui en ont les moyens », déclare Christine Louiserre, Directrice Petite Enfance à l’IEPC. Une position que réfute l’Ufnafaam. « Pour nous, c’est prendre le problème à l’envers. En effet, comment feront les familles dans les milieux ruraux ? Et celles qui ont des horaires atypiques ? », interroge Sandra Onyszko. Selon l’association de défense des assistantes maternelles, « la solution consisterait plutôt à ne plus autant différencier les restes à charge des familles en fonction du mode d’accueil ». « Par ailleurs, il faut prendre en compte les besoins de l’enfant, pointe Sandra Onyszko. Certains enfants sont bien dans un mode d’accueil collectif, d’autres plus à leur place au sein d’un mode d’accueil plus individualisé. »
En attendant d’éventuelles mesures concrètes en ce sens, les familles les plus en difficultés peuvent s’appuyer sur la revalorisation d’aides pour la garde de leurs enfants à domicile, chez une assistante maternelle ou en micro-crèche annoncée par Agnès Buzyn en septembre 2017. Soit une hausse de 138 euros de leurs prestations mensuelles.
Catherine Piraud-Rouet
PUBLIÉ LE 03 avril 2018
MIS À JOUR LE 04 avril 2018