Les droits des enfants à l’heure de la Covid-19
Le 20 novembre, c’est la Journée internationale des droits de l’enfant. Cet évènement revêt une importance particulière cette année avec la pandémie qui nous a touchés de plein fouet. Et dont de nombreux enfants en sont malheureusement les victimes collatérales. Pauvreté, décrochage scolaire… la crise sanitaire a en effet creusé les inégalités. On fait le point.
Les enfants, victimes invisibles de la pandémie
La crise sans précédent que nous vivons a pris tout le monde de court. Afin de protéger la population, Emmanuel Macron avait annoncé le 16 mars dernier la mise en place d’un confinement général, impliquant notamment la fermeture des crèches et des écoles. Suite au discours du Président de la République, le Secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles, Adrien Taquet, avait alerté sur les risques de violences à l’encontre des plus jeunes : « Le confinement qui permet de les en protéger (d’une contamination contre le covid-19) entraîne toutefois des risques accrus de maltraitance, du fait de situations favorisant le passage à l’acte à domicile, et d’une difficulté supplémentaire pour le repérer. »
Lors du reconfinement, le gouvernement n’a pas voulu reproduire le schéma et a souhaité laisser les structures d’accueil du jeune enfant et les écoles ouvertes. Pour des raisons économiques bien sûr, afin que les parents puissent continuer à travailler, mais pas seulement. « Nos enfants ne sauraient être durablement privés d’instruction, d’éducation et de contact avec l’institution scolaire. Trop de conséquences, trop de dégâts, en particulier pour les plus modestes », a expliqué le président de la République le 28 octobre dernier. Adrien Taquet a pour sa part insisté sur le fait que la protection de l’enfance se poursuivrait : « Le décret du 29 octobre 2020 permet à tous les acteurs de la protection de l’enfance de bénéficier de dérogations au confinement : établissements, activités des assistants familiaux, interventions à domicile. Les activités en lien avec la protection de l’enfance sont donc pleinement assurées. » Il ne fait aucun doute que la pandémie a eu/peut avoir de graves conséquences sur les enfants, et particulièrement lors de la 1ère phase de confinement. S’il est difficile de les évaluer exactement, avec aussi peu de recul, quelques chiffres circulent toutefois.
Le 119 très sollicité
Le 119 – Allô Enfance en danger est un numéro d’urgence gratuit joignable jours et nuits, 7 jours sur 7. Il permet de signaler des situations d’enfant en danger. Les appels peuvent provenir des mineurs eux-mêmes ou de toute autre personne témoin d’évènements inquiétants. Suite à ces appels, le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED) peut « transmettre les informations préoccupantes concernant ces enfants aux services départementaux compétents en la matière : les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) aux fins d’évaluation » mais aussi faire appel aux services de première urgence pour une intervention immédiate.
Selon un bilan du SNATED, entre le 18 mars et le 10 mai, le nombre d’appels au 119 a significativement augmenté. Par rapport à la même période sur l’année 2019, la hausse est de 56,2% soit 35 075 appels entrants supplémentaires. Les écoutants du 119 ont traité « 6 044 appels (dont 2 717 aides immédiates et 3 327 informations préoccupantes), impliquant 5 704 appelants » (17% de plus qu’en 2019). Cette hausse s’explique par la nature même du confinement, les enfants de fait isolés peuvent être exposés à davantage de violence, mais aussi par la grande campagne de communication sur le 119, relancée dès le 30 mars, par le ministère des Solidarités et de la Santé. Ainsi, si la plupart des appels proviennent d’un membre de la famille proche, il a été constaté une augmentation des appels des mineurs et des voisins.
Qui sont les enfants concernés ? Sur les 5 881 enfants distincts décrits comme en danger ou en risque de l’être lors des appels, il y a autant de filles que de garçons, et l’âge moyen des mineurs en question est de 9 ans, comme en « temps normal ». Si l’on se concentre sur les filles, parmi celles évoquées comme étant en danger ou susceptibles de l’être, 6,6 % ont entre 0-3ans et 14,4 % entre 3-5 ans. Pour les garçons, les données sont de 8,4% pour les 0-3 ans et de 18,1 % pour les 3-5 ans.
Les dangers essentiellement abordés lors des appels sont identiques à ceux hors confinement : les violences psychologiques, les négligences envers l’enfant et les violences physiques. Toutefois, le bilan révèle une petite hausse des appels pour violences psychologiques, « sans doute à mettre en relation avec les appels de voisins signalant des cris et violences verbales d’adultes et des pleurs d’enfants ». De plus, « l’isolement dû au confinement a fait diminuer la possibilité d’observer des négligences (15,6% contre 23,5%) et des violences sexuelles au sein des foyers. Par ailleurs les jeunes étant moins présents dans l’espace public et absents de l’école, une légère baisse d’appels concernant des comportements de mineurs se mettant en danger est observée. » Les mauvais traitements en question seraient presque dans tous les cas infligés par des membres de la famille (98%), logique en période de confinement, mais c’est également le cas en temps normal (95%). Suite au reconfinement, le Secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles indiqué dans un communiqué, que le 119 disposait de moyens supplémentaires, dans l’idée d’anticiper une hausse du nombre des appels.
La vaccination mise à mal par le confinement
Plusieurs études tendent à le prouver, les enfants sont faiblement contaminateurs du SRAS-coV-2 et sont peu à risque de formes graves. En revanche, dès le 24 mars, Jérôme Salomon, le Directeur général de la santé, avait expliqué l’importance de respecter le calendrier vaccinal des moins de 2 ans, malgré le contexte particulier. Et, la Haute Autorité de Santé (HAS) s’est alarmée, en juin dernier, de chute du nombre des vaccinations chez les moins de 2 ans notamment. Depuis le début du confinement, « 44 000 tout-petits âgés de 3 à 18 mois n’avaient pas reçu de vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, les méningites à Haemophilus influenzae de type b et l’hépatite B », a précisé la HAS dans son communiqué. Et avait également invité à un rattrapage d’urgence des vaccinations. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Unicef se sont également inquiétées, en juillet, du « recul alarmant du nombre d’enfants qui bénéficient de vaccins vitaux dans le monde. » Pour ces organisations, « ce phénomène est le résultat des perturbations provoquées par la pandémie de COVID-19 dans la fourniture et l’utilisation des services de vaccination. » Et plus récemment, début novembre, l’Unicef et l’OMS ont publié « un appel à l’action urgent pour éviter de graves épidémies de rougeole et de poliomyélite alors que la COVID-19 continue de perturber les services de vaccination dans le monde entier, exposant des millions d’enfants vulnérables à un risque élevé de contracter des maladies infantiles évitables. »
Pauvreté et Covid-19 : les moins de trois ans en première ligne
Pertes de revenus, chômage… les répercussions économiques dues à la crise de la Covid-19 sont bien présentes. Selon le 14e baromètre Ipsos/Secours Populaire français, « avec la crise sanitaire, un Français sur trois a subi une perte de revenus, importante dans 16% des cas. » Et, d’après des chiffres de l’Unicef relayés par la DCAA dans son Observatoire, « un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en France, soit près de 3 millions d’enfants ». Les principales victimes ? Les moins de 3 ans et les 15-18 ans. La DCAA souligne que « la crise de la COVID-19 a renforcé les inégalités existantes et mis en exergue la problématique des enfants en situation de pauvreté en France. »
Les associations de défense des droits de l’enfant mobilisées
Toutes les organisations et associations qui œuvrent pour la protection des plus jeunes sont particulièrement vigilantes en cette période de crise sanitaire. C’est le cas de la Dynamique « De la Convention aux Actes ! » (DCAA) créée en 2019 et qui regroupe, en 2020, 26 associations, collectifs, ONG afin de défendre d’une même et seule voix les droits de l’enfant. Elle est coordonnée par l’Unicef, SOS Villages d’enfants France, OCCE Coopérons dès l’école, le réseau France parrainages, Droit d’Enfance, et Agir Ensemble pour les Droits de l’Enfant (AEDE). Il y a un an, à l’occasion des 30 ans de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) par les Nations unies, la DCAA avait publié le livret « Droits de l’enfant : De la convention aux actes » à destination des pouvoirs publics. Le but ? Proposer des solutions afin de mieux garantir les droits de l’enfant. Un an après, la DCAA dresse un bilan, en reprenant les 8 thèmes phares du livret (Gouvernance, Education, Environnement, Justice, Participation, Précarité, Protection, Santé). Cet Observatoire intitulé « Une année de plus sans garantie pour les Droits de l’Enfant » évoque la crise de la Covid-19 et son impact sur les enfants. Chaque thématique est construite de la même façon, avec les constats, les avancées, les stagnations/reculs et Comment agir ? avec un ensemble de propositions concrètes. La DCAA vient également de publier une lettre ouverte au président de la République rappelant que « la crise en cours agit comme un révélateur des inégalités préexistantes » et exhortant « à porter une ambition forte et une gouvernance renouvelée pour l’enfance et la jeunesse, en France comme à l’international. »
Confinement et scolarité : les petits CP anciens GS impactés
Dans son observatoire, la Dynamique « De la Convention aux Actes ! » (DCAA) – 26 associations, collectifs et ONG unis pour les droits des enfants – fait remarquer que « près de 12 millions d’enfants et de jeunes ont été privés de scolarisation traditionnelle pendant plus de 10 semaines en raison de la COVID-19. » La conséquence directe : l’augmentation des inégalités en matière d’éducation. Pendant cette période, en effet, nombreux sont les enfants qui n’avaient pas d’outils numériques à disposition et qui n’ont pas été accompagnés par leurs parents. Dans le 14e baromètre Ipsos/Secours Populaire français, on apprend que « 44% des parents estiment que leurs enfants ont pris du retard à l’école depuis le début de la crise sanitaire ; un retard encore plus difficilement rattrapable pour les plus fragiles. » Mais quel impact exactement ? Lundi 9 novembre, Jean-Michel Blanquer a rendu public les premiers résultats des évaluations nationales réalisées en septembre dernier qui révèlent effectivement la baisse des résultats par rapport à 2019. Ainsi, « en classe de CP, les résultats sont, en français comme en mathématiques, en légère baisse, particulièrement sur les domaines travaillés en fin de grande section de maternelle », peut-on lire dans le rapport publié sur le site du ministère de l’Education nationale.
Caroline Feufeu
PUBLIÉ LE 19 novembre 2020
MIS À JOUR LE 17 novembre 2023