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Zoom sur l’accueil de la petite enfance à Versailles

Une offre d’accueil diversifiée, un taux de couverture élevé, une direction petite enfance dynamique et une élue très investie, Versailles, première ville à avoir accueilli la concertation territoriale sur le SPPE en janvier 2023, fait figure de bonne élève. Pour autant, crise oblige, elle est, elle aussi, impactée par la pénurie de professionnels et doit constamment s’adapter, en gelant notamment des places de crèches.

Sommaire

Versailles, ville où il fait bon vivre

Proximité avec Paris (elle est particulièrement bien desservie avec les 5 gares dont elle dispose), de beaux espaces verts, des écoles réputées, une vie culturelle riche, nul doute que Versailles, ville au rayonnement international, a de quoi séduire. Pour autant, selon les dernières données de l’Insee, la population est en baisse. La ville comptait ainsi, en 2020, 83 583 habitants contre 86 477 en 2009 et 85 461 en 2014. Et, depuis 2017, le nombre de familles décroit lui aussi (12 979 en 2017 versus 12 636 en 2020), sans vraiment d’explications à cette diminution, si ce n’est peut-être le coût de l’immobilier (le prix du m² aurait augmenté de 21% sur 5 ans et le loyer au m² de 6% sur la même période, selon Le Figaro Immobilier). Toutefois, Versailles reste la ville la plus peuplée des Yvelines, loin devant Sartrouville (51 546 habitants) et Saint-Germain-en-Laye (44 410). Et ses besoins en mode d’accueil bien réels : selon l’Insee, en 2020, le taux d’activité des 15-64 ans est supérieur (75,9%) à celui de la France hors Mayotte (71%) et le taux d’activité des femmes (15-64 ans) est lui aussi plus élevé (72,5%) que celui de la moyenne nationale hors Mayotte (67,6%). Et si on regarde les 25 à 54 ans, il grimpe à 89%.

Une organisation relativement classique de la petite enfance

Contrairement à Grenoble (cf zoom sur l’accueil de la petite enfance à Grenoble), la petite enfance ne dépend pas du CCAS (ce fut le cas il y a une vingtaine d’années). Elle est intégrée dans le département Famille et Solidarités de la Ville. En pratique, la Directrice de la petite enfance est assistée d’une chef de service accueil et administration, laquelle encadre une équipe de gestionnaires (en charge des inscriptions, contrats…). Elle s’occupe aussi de l’équipe de « volantes », ces pros « relais » qui interviennent en cas d’absence de personnels dans les crèches. Autre poste clé à la Direction de la petite enfance de Versailles : la chef de service équipes, projets et partenariats. Dans ses missions : aller à la rencontre des professionnelles, les écouter et leur apporter le soutien nécessaire, organiser les moments forts de la petite enfance tels que le Forum des tout-petits, les matinées rencontres avec les parents… et gérer les partenariats pour le recrutement ou pour les projets, notamment avec les acteurs culturels du territoire (Conservatoire, château de Versailles…) ou encore avec l’hôpital Mignot (pour la formation du personnel petite enfance sur les TND). Elle est enfin responsable de l’équipe pluridisciplinaire composée de deux référents santé et accueil inclusif, deux psychomotriciennes, deux psychologues et une aide médico-psychologique. Et pour « monter en qualité », selon les termes de Sophie Scarfogliero, directrice de la petite enfance de Versailles jusqu’en octobre 2023 (poste aujourd’hui occupé par Mélina Ferlicot), la ville emploie une responsable pédagogique, EJE et ancienne directrice de crèche. Outre les agents de la fonction publique territoriale, Annick Bouquet, maire adjoint en charge de la Petite Enfance, a pour mission de mettre en œuvre la politique petite enfance de François de Mazières, le premier édile de Versailles. « Notre volonté, c’est d’être à l’écoute des familles, d’essayer de répondre au mieux à leurs besoins, dans la limite d’enveloppe financière, et tout en respectant celle-ci, de développer le plus possible d’accueils », précise Annick Bouquet, également présidente de l’Association des Elus Petite Enfance des Yvelines, qu’elle a mise en place en 2018. Très engagée, elle impulse une vraie dynamique. A titre d’exemple : Versailles fut la première ville à signer la charte du vade-mecum pour plus de transparence dans l’attribution des places en crèche en 2018 et, les Yvelines, le premier département à avoir obtenu le plus de signatures. Sans oublier que Versailles fut l’une des 15 villes à avoir été choisie pour la concertation territoriale sur le service public de la petite enfance…

SPPE : Versailles, première ville à avoir accueilli la concertation territoriale

Et c’est même à Versailles, qu’Elisabeth Laithier, la présidente du Comité de filière et Rapporteure générale de la concertation sur le service public de la petite enfance, a démarré le 11 janvier dernier son road-trip. « Je devais commencer mon tour de France très rapidement, explique Elisatbeth Laithier, et je savais qu’Annick Bouquet pouvait mobiliser en une semaine des personnes grâce à l’association des Elus des Yvelines dont elle est présidente. » Et ce fut effectivement le cas. « Avec Rennes, Versailles est l’une des villes où j’ai rencontré le plus d’élus. C’était donc très intéressant puisque les élus sont gestionnaires majoritaires des crèches. Une députée avait fait le déplacement et la Région était également présente », précise-t-elle. Parmi les professionnels de terrain rencontrés à cette occasion, la Rapporteure se souvient notamment d’une assistante maternelle exerçant en crèche familiale qui avait confié ne vouloir pour rien au monde redevenir salariée de parents. Un témoignage selon ses dires intéressant. Il faut dire que le sujet des crèches familiales est on ne peut plus d’actualité. Elisabeth Laithier souligne également : « Je remarque que ça fonctionne là où les différents acteurs se connaissent bien, lorsque c’est fluide entre la ville, le département et la Caf, et c’est le cas à Versailles. » Que de compliments…

Un taux de couverture élevé

Effectivement à Versailles, cela fonctionne plutôt bien. En témoigne notamment le taux de couverture en modes d’accueil formel qui atteint 73,6% contre 58,8% en France métropolitaine et 58,6% pour le département des Yvelines. Une satisfaction certes, mais pas de suffisance ni d’autocongratulation. « Nous sommes un service public et nous nous devons de répondre au mieux aux besoins de nos concitoyens », commente sobrement Annick Bouquet. Et Sophie Scarfogliero de compléter : « L’accueil collectif n’a cessé d’augmenter. Depuis 2014, nous avons gagné énormément de places puisque beaucoup de crèches privées et micro-crèches se sont installées sur le territoire. Mais, dans le même temps, nous avons perdu beaucoup d’assistantes maternelles, près de 40%. Donc c’est vrai que notre taux de couverture reste stable alors qu’il devrait finalement être plus élevé. ». En pratique, entre 2014 et aujourd’hui, la ville a gagné plus de 180 places d’accueil collectif (public, associatif, privé), et offre ainsi 1210 places.

Pas de DSP à Versailles, un vrai parti pris

Versailles compte 16 crèches municipales proposant 627 places d’accueil (dont 34 places pour la crèche familiale). Et l’une des particularités de la ville, c’est son refus catégorique, pour l’heure, de recourir à la délégation de service public (DSP). « Tant que nous pouvons gérer en direct, nous préférons le faire. Nous appliquons notre projet pédagogique, nous suivons nos professionnels de la petite enfance et portons attention à la qualité d’accueil », explique ainsi Annick Bouquet. Mais parce que la ville n’a pas les finances pour construire de nouvelles crèches et qu’elle doit répondre aux besoins des familles, elle pratique l’achat de berceaux (80) dans certaines crèches privées, aux endroits où elle manque d’établissements, et subventionne les deux crèches associatives de la ville.

Crèches associatives et la ville de Versailles : une relation très forte

Très clairement, Versailles tient à ses crèches associatives : Le Petit Navire (60 places), qui existe depuis plus de 30 ans, et O Comme 3 Pommes (88 places), ouverte en 2019. « Il y a un partenariat historique entre la ville et les crèches associatives. Elles ne peuvent pas exister sans le soutien financier de la ville, qui est d’environ 8 000 euros par place », confirme Sophie Scarfogliero. « A cela s’ajoute tout l’accompagnement que nous leur apportons lorsqu’elles ont des difficultés », complète Annick Bouquet. Il peut s’agir d’une aide financière pour un changement de fenêtres comme cela a été le cas pour Le Petit Navire ou un accompagnement plus global, notamment lorsque deux associations (La maison des enfants et La clé des champs), présentes dans le paysage versaillais depuis plus de 30 ans, ont dû fusionner et donné naissance à O comme 3 Pommes. Natacha Mounier, sa directrice et ex-directrice de La maison des enfants, se souvient : « les deux associations se trouvaient dans des maisons appartenant à des propriétaires privés, ce qui mettait en péril leur pérennité. D’autant plus pour La clé des champs qui devait quitter son bâtiment à l’été 2019 car le propriétaire souhaitait récupérer sa maison. La ville avait une école maternelle qui fermait et Madame Bouquet s’est battue pour qu’elle nous revienne, à condition de fusionner ». Un projet complexe, lancé en 2016, qui a nécessité un grand travail d’harmonisation (mode de fonctionnement, salaires…), soulignent les différentes parties prenantes. Et a permis l’ouverture de O comme 3 pommes, en septembre 2019, nouvelle crèche associative donc, avec 8 places en plus. « La ville de Versailles soutient les crèches associatives, fait tout pour qu’elles perdurent, souligne Natacha Mounier. Contrairement à certaines municipalités, elle nous verse le même montant de subvention depuis notre création en 2019. Et puis au-delà du soutien financier, nous sommes de toutes les réunions sur les modes d’accueil, de tous les évènements ayant trait à la petite enfance », apprécie-t-elle. Si, on le sait, de nombreuses crèches associatives sont en souffrance en France, ce n’est pas le cas de celles de Versailles. « Elles se portent plutôt bien », affirme ainsi Mathilde Sallard, responsable du pôle stratégie partenariale à la Caf des Yvelines. En pratique, « leur taux de facturation est inférieur à 107% », indique Sophie Scarfogliero, elles bénéficient donc du montant maximum de Psu.

Un absent : le secteur mutualiste

Si, à Versailles, on trouve une belle diversité d’acteurs (comme on  le verra le secteur privé marchand est bien représenté), il y en a un toutefois qui manque à l’appel : le secteur mutualiste. Et ce n’est pas seulement à Versailles, mais dans toute l’Ile-de-France. Car s’il est présent sur des activités comme le grand âge, pour l’heure, il ne l’est pas sur la petite enfance (excepté un centre de Pmi géré par VYV3 Ile-de-France).

Le privé lucratif bien implanté à Versailles

Versailles, c’est aussi une vingtaine d’établissements privés. Les Petits Chaperons Rouges, La Maison Bleue, Babilou, People & baby… les mastodontes du secteur sont tous présents à Versailles. Et c’est le groupe People & baby qui a le plus d’établissements (6, mais un serait en cours de fermeture), suivi de Babilou et La Maison Bleue (5 pour chacun) et enfin LPCR avec 2 micro-crèches. On pourrait s’étonner du peu de structures LPCR à Versailles. Selon le groupe, il n’y a aucun problème particulier avec Versailles où les micro-crèches fonctionnent d’ailleurs bien. Et fait remarquer qu’il est présent dans l’agglomération. Effectivement, il détient 6 crèches dans les villes limitrophes, à savoir Rocquencourt/Viroflay/Le Chesnay dont la crèche de 80 places du CHU André Mignot.
A Versailles, on trouve aussi des réseaux de taille intermédiaire tel que Les Petites Canailles (2), Les Bébés explorateurs (1) ou encore des plus petits réseaux comme les crèches bilingues Plume (1). Bref, le secteur privé lucratif y est bien représenté. « La volonté de la ville, c’est de présenter l’éventail de propositions le plus large possible aux familles pour qu’elles puissent choisir », indique Annick Bouquet. « C’est complémentaire, c’est grâce à cela que nous arrivons à avoir un bon taux de couverture », renchérit Sophie Scarfogliero. Et poursuit : « il y a des gestionnaires qui jouent vraiment le jeu, dès le début ils nous informent, on les rencontre, on va même jusqu’à voir les plans, d’autres pas du tout, et c’est assez contrariant. On apprend qu’ils vont s’installer quand on reçoit le dossier Pmi ». 
A noter, en 2025, une structure Bambini Montessori de 35 berceaux dont 10 réservés par la ville ouvrira ses portes à Gally, un nouveau quartier de Versailles. « Nous avons répondu à un appel d’offre de la ville de Versailles que nous avons remporté, explique Dominique Grabin, cheffe de projet crèche à l’Institut Supérieur Maria Montessori. Depuis, nous sommes en lien étroit avec l’élue en charge de la petite enfance et la directrice petite enfance. C’est un projet que nous menons ensemble. » Elle ajoute : « A Versailles, ils sont très investis dans la politique petite enfance de manière générale. On sent une volonté de la municipalité de prendre le sujet à bras-le-corps. »

La crèche familiale de Versailles sur la sellette ?

Parmi l’offre d’accueil proposée par la ville, on trouve une crèche familiale, une structure qui a toute sa place à Versailles, selon Annick Bouquet. « L’accueil collectif ne correspond pas à tous les enfants et à toutes les familles, affirme-t-elle, et la crèche familiale est finalement un bon mixte entre accueil individuel et collectif ». Pour autant, la crèche familiale n’emploie plus que 12 assistantes maternelles alors qu’il y en avait plus d’une vingtaine, il y a quelques années (en 2014, la crèche familiale proposait 75 places, aujourd’hui seulement 34). Les assistantes maternelles qui ont déménagé ou qui sont parties à la retraite n’ont en effet pas été remplacées. Des « non-remplacements » qui ont permis de financer des berceaux dans les crèches privées. Très clairement donc, à Versailles aussi, ce mode d’accueil est en déclin. Et Sophie Scarfogliero d’expliquer : « cet accueil n’est pas plébiscité par les familles, qui ne peuvent pas choisir leur assistante maternelle ». Sans compter que « le coût du berceau est plus cher que celui d’une crèche collective, signale-t-elle, et sur les trois dernières années, cela n’a fait que s’aggraver car la rémunération des assistantes maternelles est basée sur le smic horaire qui, lui, a fortement augmenté, plus que le point d’indice donc là, forcément, il y a un décalage encore plus important. Ce type de mode d’accueil est donc, en tout cas financièrement, moins intéressant pour la collectivité. » Et Annick Bouquet de reconnaître : « S’il n’y a pas une volonté des pouvoirs publics de préserver ce mode d’accueil, beaucoup de villes pourraient être amenées à les fermer, nous y compris, avec regret. » 

Un accueil individuel en déclin, mais soutenu par la ville

Comme partout ailleurs, le nombre d’assistantes maternelles agréées à Versailles est en baisse. On en compte aujourd’hui moins de 200 offrant environ 550 places (en 2014, l’accueil individuel représentait 973 places). Un mode d’accueil qui est rarement le premier choix des parents, note l’élue en charge de la petite enfance, mais que la municipalité n’abandonne pas, « car l’accueil collectif ne correspond pas à tous les enfants, à toutes les familles », affirme-t-elle. « Nous essayons de les inclure dans les projets de la ville », poursuit Annick Bouquet. A titre d’exemple, il y a quelques mois la municipalité et le château de Versailles ont initié des matinées de sensibilisation à l’art, la culture et l’histoire à destination des professionnelles de l’accueil individuel. Des assistantes maternelles, des auxiliaires parentales, accompagnées des tout-petits dont elles s’occupent ont donc pu bénéficier d’un temps privilégié dans l’enceinte du château. Un temps qui profite à tous, petits et grands, avec l’objectif aussi « de valoriser les professionnelles auprès des familles », précise Annick Bouquet. De fait, les assistantes maternelles semblent plutôt contentes. « Sur Versailles, on a tout ce qu’il faut, on a beaucoup d’aide et d’écoute. La ville a fait beaucoup d’efforts au niveau des parcs, des aires de jeux, résume ainsi Maryse, assistante maternelle agréée depuis 1997, et ça se passe très bien avec la Pmi. » Elle regrette seulement que la Maison de son quartier ne propose rien pour les assistantes maternelles.

La Mam, pas une priorité

« Nous n’avons pas eu de propositions de projets de Mam », informe Mathilde Sallard. Elle poursuit : « C’est à mettre aussi en perspective avec le fait que le Rpe est très actif. Les assistantes maternelles libérales implantées à Versailles sont donc très peu isolées. Pour autant, s’il n’y a pas eu de projet de Mam à ce jour, c’est probablement lié au local à trouver. Nous sommes en région parisienne… » Du reste, c’est un mode d’accueil peu présent dans les Yvelines où l’on en compte seulement 21. Le foncier est donc probablement la raison majeure de l’absence de Mam, mais ce n’est certainement pas la seule : la ville semble en effet peu intéressée par ce mode d’accueil. « Pour l’instant, il n’y a pas de volonté politique de développer les Mam, indique Annick Bouquet. Nous savons très bien que si nous voulons qu’une Mam perdure, il faut un accompagnement, et nous ne pouvons pas être sur tous les fronts actuellement. Dans une période compliquée, bien faire ce que l’on fait, c’est déjà beaucoup. Bien sûr, nous ne les interdirons pas, mais nous ne pourrons leur apporter ni soutien ni aide. » Voilà qui est clair !

Un Rpe actif et dynamique

Outre les initiatives de la ville, le Rpe propose des activités d’éveil et un accompagnement aux assistantes maternelles et, depuis septembre 2022, il prend en charge les animations à destination des auxiliaires parentales. Ce qui a nécessité un renfort du côté des animatrices (toutes EJE). Aujourd’hui, le Rpe, c’est donc 5 postes à temps plein. Et pour toucher un maximum de professionnelles, il occupe en tout 7 lieux différents : ses propres locaux au sein de la structure La Goutte de Lait, 3 maisons de quartier (Saint Louis, Prés aux bois, Notre Dame), une salle dans le quartier Porchefontaine, la crèche familiale et la crèche du Jeu de l’Oie. « Le Rpe fait un travail formidable », félicite l’élue petite enfance. Ce que confirme Maryse : « le relai propose plein d’activités et nous aide dans nos démarches. Quelles que soient nos questions, il est là ! ». Un Rpe qui semble en effet bien fonctionner. Sur l’année scolaire 2022-2023, 46 auxiliaires parentales ont ainsi participé aux accueils avec 66 enfants. Concernant les assistantes maternelles, sur la même période, au 1er juin 2023, sur les 172 assistantes maternelles agréées sur la ville (chiffres communiqués par le Rpe), 116 sont venues en accueil avec 300 enfants, et toutes (les 172 donc) ont pris contact au moins une fois avec le relai. « Nous avons aussi auprès d’elles une mission de professionnalisation pour qu’elles puissent apporter un accueil de qualité, indique Virginie Beuzelin, la responsable du Rpe. Nous les accompagnons, via leur CPF, dans la formation continue. L’année dernière, 46 assistantes maternelles sont ainsi parties en formation continue. Nous les professionnalisons aussi au sein du relai puisque nous proposons des réunions à thèmes en soirée auxquelles sont conviées les assistantes maternelles et les auxiliaires parentales. » 

Pas de mission renforcée de guichet unique

Côté parents, le Rpe ne s’est pas engagé sur la mission renforcée de guichet unique. « Nous avons déjà un « guichet unique » à l’hôtel de ville avec des agents polyvalents qui peuvent répondre à toutes les questions des familles (crèches, école…) », justifie ainsi Sophie Scarfogliero. Une volonté donc de concentrer toutes les demandes des familles au niveau de la mairie. Mais pour les questions plus techniques, le Rpe est là ! « Nous envoyons souvent les parents vers le Rpe pour des explications quant au contrat de travail, sur les congés payés, par exemple », affirme Maryse. En 2022, ce sont ainsi 960 familles différentes qui ont contacté le Rpe. « Il y a une hotline avec la Caf que nous pouvons appeler tous les matins si nous avons des questions et 3-4 fois dans l’année, nous avons des réunions avec des juristes, souligne Virginie Beuzelin, ce qui nous permet d’avoir un panel d’informations et d’être à jour côté réglementation. Il y a deux ans par exemple, nous avons eu une formation sur la nouvelle convention collective. A Versailles, nous sommes très investies sur toutes ces questions et nous nous formons régulièrement. Mais quand cela dépasse nos compétences, on renvoie les familles vers des services juridiques plus adaptés. » A noter : la ville dispose de deux Laep, et d’un espace parents.

La pénurie de pros comme partout ailleurs

Versailles n’échappe pas à la pénurie de professionnels de la petite enfance qui impacte directement le fonctionnement de certaines de ses structures. On dénombre ainsi actuellement 47 places gelées dans 4 établissements. « Sur les recrutements, nous avons fait un gros travail avec les ressources humaines pour redynamiser nos annonces. Pour attirer de nouvelles personnes, nous avons lancé une campagne de communication et nous maintenons les partenariats avec les écoles de formation », indique Sophie Scarfogliero. Et puis, le 23 mars dernier, s’est tenu à Versailles le premier forum départemental des métiers de la petite enfance. Organisé par la Préfecture des Yvelines, Pôle emploi Yvelines, le Conseil départemental des Yvelines, la ville de Versailles, l’association des élus petite enfance des Yvelines et la Caf des Yvelines, il a réuni en un même lieu des écoles de formation, des recruteurs mais aussi des professionnels de terrain pour valoriser les métiers de la petite enfance. Une expérience qui sera reconduite en 2024. A noter que la ville recourt aussi à des intérimaires pour pallier le manque de personnel. « En parallèle, nous avons organisé un webinaire de rencontre entre Pôle emploi et une cinquantaine de gestionnaires de crèches sur les modalités de recrutement des professionnels. Juridiquement, on ne connaît pas toutes les modalités de recrutement possibles au sein d’un établissement d’accueil du jeune enfant. Cela peut notamment passer par des temps d’immersion et aussi par de l’alternance et des contrats de qualification », explique Mathilde Sallard. Et la ville recourt aussi à des intérimaires, principalement pour des postes d’auxiliaire de puériculture.

Pour fidéliser les pros : l’accent mis sur le bâtimentaire, les projets et la formation

Si la ville est pro-active pour attirer de nouvelles recrues, elle essaie également de mettre les moyens pour fidéliser ses professionnels de la petite enfance. « Beaucoup de crèches et multi-accueils ont été refaits à neuf, avec les équipes. Nous avons essayé de rendre les lieux agréables d’abord pour les professionnelles, des lieux adaptés à leurs besoins. Nous sommes très vigilants là-dessus, sur les extérieurs aussi, affirme Annick Bouquet, et puis nous leur donnons les moyens de mettre en place leurs projets. » Des projets propres à chacune des structures, mais aussi initiés par la ville. C’est le cas notamment de la labellisation Ecolo Crèche. Un label que l’élue petite enfance a découvert, lors de son premier mandat, via Le Petit Navire, l’une des premières crèches de France à avoir obtenu le label en 2010. Aujourd’hui, toutes les structures municipales sont engagées dans la démarche et l’objectif est qu’elles soient toutes labellisées d’ici 2025. Parmi aussi les temps forts, le forum des tout-petits : une journée rythmée par des ateliers et échanges avec les parents au cours de laquelle les professionnels de la petite enfance sont invités à se mobiliser. Autre point sur lequel la ville s’investit : la formation. « Notre politique formation est très développée, souligne Sophie Scarfogliero, nous en créons beaucoup en intra car c’est plus facile pour les agents de venir en formation quand c’est dispensé dans les locaux de Versailles et surtout cela leur permet d’échanger entre eux. » Elle poursuit : « Nous avons développé cette année des formations communes à plusieurs directions, c’était l’une des recommandations du diagnostic sur la parentalité, réalisé par Cécilia Barbry (ndlr : la responsable de la mission famille à la ville de Versailles). Des temps de formation notamment sur l’accueil de l’enfant porteur de handicap auxquels ont participé des agents petite enfance, de l’éducation, des maisons de quartier. » Sans oublier la formation d’ampleur sur le repérage précoce des troubles du neurodéveloppement à destination des professionnels de la petite enfance de la ville, mise en place en partenariat avec l’hôpital Mignot, un projet qui aura mis plusieurs années à se monter, porté par l’élue petite enfance.

Et aussi des initiatives plus originales

En septembre 2022, la direction de la petite enfance a lancé sa « Gazette », car « c’est important de donner aux agents de bonnes informations », affirme Sophie Scarfogliero. Tous les trois mois donc « La Gazette de la DPE » paraît. Elle est imprimée en 70 exemplaires et mise à la disposition des professionnels dans les salles de pause. Qu’y trouve-t-on ? Des informations RH, les projets développés ou encore un agenda. Le numéro d’avril 2023 revenait ainsi sur l’initiative « Vis ma Vie » qui a permis à une cinquantaine d’agents de découvrir un autre métier ou une autre crèche, le temps d’une demi-journée. Une expérience très bien accueillie ! Autre initiative : la directrice de la petite enfance s’est rendue dans toutes les crèches, en mars-avril, pour déjeuner avec les agents. Une occasion pour elle de les rencontrer de manière plus informelle. « Selon les établissements, les directrices venaient ou ne venaient pas, explique Sophie Scarfogliero, et selon qu’elles étaient là ou pas, ce n’était pas les mêmes échanges. En tout cas, j’ai apprécié leur liberté de parole. » Lors de ces repas, les difficultés rencontrées (pénurie de personnel…) étaient abordées et les agents sollicités pour partager leurs idées. « C’était très satisfaisant d’entendre : « on est bien à Versailles ». Les agents m’ont aussi dit qu’ils avaient apprécié notre réactivité concernant les intérimaires, que l’on diminue l’amplitude horaire aussi. La priorité a été toujours été le taux d’encadrement, la qualité d’accueil, le bien-être des enfants et des pros », affirme Sophie Scarfogliero. Et de fait, à Versailles, l’absentéisme n’est pas très élevé, « c’est le plus bas du département », souligne-t-elle encore.

Des pros plutôt satisfaits

Il n’empêche qu’à Versailles aussi, des professionnels de la petite enfance battent régulièrement le pavé, notamment lorsque Pas de bébés à la consigne appelle à la grève ou lors de la mobilisation contre la réforme des retraites. Alors que pensent-ils de la ville ? Est-elle un bon employeur ? Sandrine, AP, et maintenant EJE, travaille depuis 20 ans à Versailles et depuis 4 ans au Jeu de l’Oie, la crèche qui a le plus de berceaux (80). Elle ne manque aucune grève du collectif Pas de bébés à la consigne. Pour autant, elle est satisfaite de la ville de Versailles. « C’est pour ça que j’y suis depuis tant d’années alors que je n’y habite pas. C’est mon choix d’y travailler car je suis en adéquation avec le projet éducatif, confie-t-elle. C’est un employeur qui m’a fait grandir et évoluer professionnellement. Pour ma VAE d’EJE, c’était une démarche personnelle mais j’ai été soutenue. Nous étions 5 en VAE et on nous a mis une salle à notre disposition à la mairie avec des ordinateurs pour que nous puissions travailler sur notre projet ». Elle ajoute : « Nous sommes valorisés à Versailles. Par exemple, une fois par an, les professionnels de la petite enfance sont invités par la ville. Le maire est présent, l’élue petite enfance aussi, il fait un discours, et il y a un buffet. Et l’élue vient aux fêtes de fin d’année. » Olivia, AP, exerce aussi au sein de la structure Le Jeu de l’Oie. Elle est y arrivée en août 2022. Avant, elle a travaillé à Paris ou encore à Maurepas. Et Olivia est aussi de toutes les grèves : « Je travaille depuis peu sur la ville, mais j’avoue qu’il n’y a rien à redire quant à l’encadrement des professionnels, humainement parlant. Je participe à toutes les grèves, peu importe la commune dans laquelle je travaille. Au sein de la ville, je me sens soutenue, écoutée. » L’écoute, un point positif que les pros relèvent très souvent. Lors de la dernière grève, le 22 novembre, qui a surtout touché le périscolaire, 48 agents petite enfance ont débrayé entraînant la fermeture de sections dans 4 EAJE et la fermeture totale d’un EAJE. Une délégation a été reçue à l’hôtel de ville dont deux professionnelles de la petite enfance. « Pour l’une, sa revendication était qu’elle ne souhaitait pas changer d’établissement. Nous faisons tourner nos professionnels sur nos différents établissements, certaines apprécient beaucoup mais pour d’autres, c’est compliqué. Nous l’avons rassurée, elle restera dans sa crèche. Pour l’autre, c’était plus des revendications nationales : la revalorisation salariale et l’image de leurs professions. La pénurie qui les met en difficulté », indique Annick Bouquet. Pour les assurer de son soutien et les entendre, le 5 décembre dernier, elle est d’ailleurs allée à la rencontre des professionnels des crèches qui avaient été les plus impactés par la grève. Une élue qui décidément n’hésite pas à se rendre sur le terrain, ce qui est grandement apprécié. L’autre point fort : la réactivité. Lorsque Le Jeu de l’Oie s’est retrouvé en difficulté en raison du manque de personnel, des réponses ont très vite été apportées avec le soutien de la direction de la petite enfance et de l’élue petite enfance : réduction de l’amplitude horaire et, dans la section des bébés, il a été demandé aux parents de réduire leur contrat d’une journée. « La décision a été prise le mercredi pour une mise en œuvre le lundi, se souvient Maëlla Carlisi, la directrice du Jeu de l’Oie, cela a duré deux mois et demi puis on a embauché des intérimaires ». Et, ajoute-t-elle : « la ville est très réactive lorsque l’on a des soucis ».

Avip, un dispositif qui a du mal à trouver sa place

C’est dans le cadre du projet IPEP (Innovation Petite Enfance Précarité), en 2021, que Versailles s’est dotée de deux places Avip, auxquelles deux nouvelles sont venues s’ajouter cette année. « Elles sont proposées dans deux multi-accueil de la ville, l’un situé à Vauban, l’autre à Jussieu, là où il y a le plus de logements sociaux donc plus de demandes possibles de places Avip », précise Annick Bouquet. Et si, elle se dit certaine qu’à Versailles il y a des besoins, pour l’heure, elles ont des difficultés à trouver leur public. « Nous avons créé des flyers, fait un dossier d’inscription simplifié », énonce Sophie Scarfogliero. Et pourtant… Alors d’où vient le problème ? Difficile à dire, mais l’élue petite enfance fait remarquer : « Notre partenaire principal c’est Pôle emploi, mais il faudrait étendre à d’autres partenaires comme l’associatif, qui a parfois une meilleure connaissance des problématiques de ces personnes, et pourrait aider à mieux les toucher. Un point que j’avais fait remonter au niveau national, et je n’étais pas la seule. »

La volonté de renforcer la continuité éducative

La ville a mis en place en 2022 un dispositif passerelle crèche-école afin de « faciliter l’entrée à l’école maternelle de certains enfants qui ont des besoins éducatifs particuliers », explique Sophie Scarfogliero. « Avec l’accord des parents, les équipes pluridisciplinaires de la petite enfance et de l’Education nationale se réunissent en juin pour échanger sur la situation de certains enfants. Cela en concerne une dizaine. Au début, on pensait que ce ne serait que pour les situations liées à la santé de l’enfant, puis nous nous sommes dits que cela pourrait aussi concerner les difficultés sociales, familiales donc nous l’avons ouvert à toutes les sortes de difficultés », précise-t-elle. Dans le même ordre d’idées, depuis plusieurs années maintenant, la ville propose, en juin, une matinée d’entrée en maternelle à laquelle sont conviées les familles. « On a à la fois la présence de la Petite Enfance pour expliquer comment préparer au mieux l’enfant à cette entrée en maternelle, il y a aussi la Fédération des parents d’élèves et le service scolaire. Ce que je regrette, c’est que l’Education nationale ne soit pas présente, car ils ont un vrai rôle à jouer », indique Annick Bouquet.

La petite enfance à Versailles en quelques chiffres

83 583 habitants en 2020 (INSEE)
12 636 familles avec enfants de moins de 25 ans en 2020 (INSEE)
2 870 enfants de moins de trois ans en 2020 (INSEE)
Environ 280 agents sur l’ensemble de la Direction Petite Enfance
16 établissements municipaux collectifs (crèche ou multi-accueil) 
1 crèche familiale
1 RPE
1 LAEP
2 crèches associatives pour une capacité d’accueil de 148 places
Une vingtaine d’établissements privés lucratifs
1 crèche inter-administrative de 60 places
Un peu moins de 200 assistantes maternelle réparties sur 8 secteurs offrant environ 550 places
117 auxiliaires parentales ont contacté le RPE (données du RPE : juin 2022)
73,6 % de taux de couverture (accueil des moins de 3 ans)

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Caroline Feufeu

PUBLIÉ LE 12 janvier 2024

MIS À JOUR LE 12 juin 2024

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