Anne Donzel, Ville de Paris : « La mixité sociale doit être une recherche perpétuellement à l’œuvre. »
Anne Donzel, cheffe du service Pilotage et Animation des territoires à la Direction des Familles et de la Petite Enfance de la Mairie de Paris explique comment la capitale met en place la mixité sociale dans les établissements d’accueil du jeune enfant qu’elle gère.
Les Pros de la Petite Enfance : Comment se positionnent les EAJE parisiens en matière de mixité sociale ?
Anne Donzel : La Ville de Paris mène une politique active en matière de mixité sociale. Nous sommes tous conscients du fait que les inégalités se réduisent dès le plus jeune âge, et que les EAJE ont un rôle à y jouer. C’est pourquoi la recherche de cette mixité est un principe partagé par tous les acteurs : mairies d’arrondissements, responsables d’établissement, PMI, coordinatrices… Globalement, les enfants issus de familles en bas revenus sont plutôt surreprésentés dans nos EAJE par rapport à leur représentation globale. D’après une étude interne, en 2014, on y comptait 26,1% d’enfants de moins de trois ans vivant dans des familles à bas revenus alors qu’ils représentent 18 % au total de leur tranche d’âge dans cette situation.
A quels leviers renvoie cette recherche de mixité sociale au sein de vos équipes ?
La mixité sociale renvoie à la conscience que nous avons de deux rôles. D’une part, celui des établissements dans la formation de la société et des individus à venir. Nous savons que des interactions positives se développent entre les enfants, dans toute leur diversité, dans nos établissements. D’autre part, celui que nous jouons dans la société d’aujourd’hui, elle-même diverse. Le service que nous rendons est universel, il s’adresse à tous. Cela ne veut pas dire qu’il aura les mêmes enjeux sociétaux pour tous. Pour les uns, ce sera un soutien à la conciliation vie familiale – vie professionnelle ; pour les autres, l’occasion de rechercher un emploi. Dans tous les cas, nous ne jugeons pas les motivations : nous avons vocation à accueillir les enfants et à assurer un service auprès de leurs familles, dans leur grande diversité.
Sur quelles actions s’appuie la politique menée ?
La Ville de Paris mène une politique très volontariste, notamment dans les quartiers les plus défavorisés. D’abord, en matière de création de places en crèches. 11 Maires d’arrondissement sont aujourd’hui signataires de la charte « Attribution des places de crèche : Priorité Transparence ». Cette charte vise à lutter contre le non-recours des familles qui ne se sentiraient pas légitimes à déposer une demande, en les accompagnant dans la recherche d’un mode d’accueil via les Relais d’informations familles ou la généralisation des pré-commissions sociales. Celles-ci permettent, avant la commission d’attribution, d’examiner un certain nombre d’enfants en situations de vulnérabilité, sur la base de remontées d’informations par la PMI, les services sociaux ou d’autres acteurs de la petite enfance. Par ailleurs, des systèmes de cotations ont été mis en place, conduisant certains arrondissements à valoriser fortement les situations de bas revenus.
Mais cette démarche couvre aussi l’information et le suivi des familles. Nous avons instauré, depuis septembre 2017, dans chacune de nos dix circonscriptions des affaires scolaires et de la petite enfance, des référentes familles. Ces éducatrices de jeunes enfants – qui sont parfois d’anciennes responsables de haltes-garderies – ont pour mission d’améliorer l’information des familles sur tous les services qui leur sont dédiés (éducatif, soutien à la parentalité, culturel, etc.).
Afin d’encore mieux orienter nos efforts, nous lancerons prochainement une étude avec la CAF et l’atelier parisien d’urbanisme sur ce point. Principalement quantitative, elle visera à établir une méthode de recensement précise et fiable de ces publics fragilisés. Une étude d’une ampleur scientifique inédite, qui marque une vraie préoccupation de nos élus de voir plus large et de se doter d’outils de poids en la matière. Les résultats devraient en être publiés avant la fin 2018.
Diriez-vous que la mixité sociale est suffisante dans les EAJE parisiens ?
Difficile de répondre. Je pense qu’elle est très réelle : nous cherchons constamment à nous adapter et à répondre à la diversité. Cette dernière doit rester un objectif : dire que la mixité sociale est suffisante, c’est risquer de se figer. Or, précisément, la mixité, c’est un process toujours à l’œuvre. Donc, nous continuerons à la rechercher.
Propos recueillis par Catherine Piraud-Rouet
PUBLIÉ LE 03 avril 2018
MIS À JOUR LE 04 avril 2018