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Les travaux des parlementaires autour de la petite enfance
C’est vrai, les discussions budgétaires ont beaucoup accaparé les parlementaires et les occupent toujours beaucoup. Néanmoins, elles ne doivent pas occulter leurs autres travaux. Tour d’horizon de ce qui a été entrepris autour de la petite enfance : propositions de loi déposées, textes votés ou commissions et missions en cours.
TDN : le texte de loi voté au Sénat
Dernier acte après 4 ans de travaux pour la proposition de la loi déposée par la sénatrice centriste Jocelyne Guidez, soutenue par le gouvernement. En votant le texte, amendé par l’Assemblée nationale, le 6 novembre dernier, le Sénat a mis fin à son cheminement législatif. Le Parlement a définitivement adopté un texte visant à favoriser le repérage et l’accompagnement des enfants atteints de troubles du neuro-développement (TND) dont l’autisme et le TDAH font partie. Les troubles du neuro-développement concerneraient près d’un enfant sur six et sont en constante augmentation. Le texte insiste sur l’importance d’un repérage précoce. Il prévoit pour tous les enfants deux dépistages obligatoires, l’un à neuf mois et l’autre six ans, « intégralement pris en charge par l’assurance maladie ». Le texte rend également obligatoire une formation spécifique pour tous les personnels de la petite enfance. « Dans les établissements et les services mentionnés aux articles L. 214 1 à L. 214 7, L. 227 1 à L. 227 12 et R. 227 1 à R. 227 30 du code de l’action sociale et des familles, les personnels d’encadrement, d’accueil et de service et le personnel technique reçoivent, au cours de leur formation initiale et de leur formation continue, une formation spécifique concernant l’accueil et le suivi des enfants et des jeunes handicapés, notamment de ceux qui présentent un trouble du neuro développement, et comportant une information sur le handicap défini à l’article L. 114 du même code ».
Le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Paul Christophe, qui avait lui-même piloté l’examen du texte à l’Assemblée nationale lorsqu’il était député, en assumant le rôle de rapporteur, a de son côté salué « une avancée qui permettra un meilleur accompagnement des enfants et un réel soutien à leurs proches aidants. ».
Pour rappel le texte par ailleurs prévoit des dispositifs dédiés au sein de chaque académie et des référents spécifiques dans établissements scolaires, dès la rentrée 2027.
Voir le texte de loi et le dossier législatif
Violences intrafamiliales : une proposition de loi votée au Sénat
La proposition de loi « renforçant la protection judiciaire de l’enfant victime de violences intrafamiliales » de la sénatrice Maryse Carrère (groupe radical RDSE), a été adoptée, en première lecture au Sénat le 14 novembre. Le texte, largement remanié, prévoit l’élargissement de « l’ordonnance de protection » à l’enfant victime de violences intrafamiliales, dont les violences sexuelles ou l’inceste. Ce dispositif d’urgence permet au juge aux affaires familiales de prononcer par exemple des mesures d’éloignement. « Actuellement, l’ordonnance de protection s’applique aux violences au sein du couple. Avec cet amendement, elle est élargie aux cas de violences contre un enfant. L’ordonnance de protection deviendra ainsi un outil central de protection judiciaire d’urgence des enfants.», a déclaré Mme Béatrice Gosselin, sénatrice LR. La ministre de la Famille et de la Petite enfance, s’est déclarée réservée sur ce texte. « Bien sûr, je partage l’objectif de mieux protéger nos enfants, mais cette proposition de loi ne me semble pas répondre à cet objectif. Je suis réservée sur son dispositif, moins efficace que le droit existant.», a-t-elle déclaré. Reste à savoir ce que les députés en penseront !
Consulter la proposition de loi
Trois propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale
•Réguler les écrans dans les lieux d’accueil
La surexposition des plus jeunes aux écrans est devenue un véritable sujet de santé publique. Antoine Vermorel-Marques, député Les Républicains de la Loire, a déposé le 15 octobre une proposition de loi visant à réguler l’usage des écrans en présence des enfants de moins de trois ans, « qu’il s’agisse du téléphone, des tablettes ou de la télévision, en présence des enfants accueillis par une assistante maternelle ou une crèche collective. » Le texte constitué de trois articles n’est pas nouveau, il avait déjà été déposé en avril dernier par Annie Genevard, ex-députée LR du Doubs, et suscité un tollé chez les pros de la petite enfance. Et pour cause : l’article 1er « intègre aux critères de l’agrément la restriction de l’usage des écrans en présence des enfants et l’interdiction de leur exposition à ceux-ci. » L’article 2 prévoit de compléter « le contenu de la formation obligatoire des assistantes maternelles par une sensibilisation aux risques liés à l’exposition aux écrans des enfants accueillis. » Enfin, l’article 3 s’adresse directement aux crèches et vise à restreindre « l’usage des écrans par le personnel encadrant dans le lieu d’accueil et l’interdiction de l’exposition des enfants à ceux-ci ». En avril, le S.P.A.M.A.F, le Syndicat Professionnel des Assistants Maternels et des Assistants Familiaux, s’était insurgé contre le texte « humiliant » qui « ne ferait que démontrer l’absence de reconnaissance des Assistants Maternels. ». Et plus généralement, l’ensemble des professionnels de la petite enfance jugeaient ce texte inutile. Ils considéraient (et considèrent toujours) notamment que leur rôle était plus souvent d’alerter les parents sur les dangers des écrans, eux qui en étaient conscients depuis longtemps ! Pourtant l’idée de cette première proposition de loi, à leur grand dam, avait été saluée et reprise par Gabriel Attal alors Premier ministre.
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• Mieux contrôler les crèches privées
Suite à la publication des Ogres de Victor Castanet en septembre, les parlementaires se sont emparés du sujet, dont Céline Hervieu. La députée socialiste, ex-élue petite enfance de Paris, a lancé un groupe de travail sur la petite enfance, réunissant plusieurs députés, pour plancher notamment sur une proposition de loi. C’est désormais chose faite. Céline Hervieu a déposé le 29 octobre une proposition de loi « prenant des mesures d’urgence pour protéger nos enfants accueillis en crèches privées à but lucratif. ». Le texte comporte trois mesures : l’interdiction des fonds d’investissement, des sanctions plus dissuasives contre les crèches privées qui ne respectent pas les normes d’encadrement et l’interdiction des formations en ligne. « Nous avons travaillé dans l’urgence pour pouvoir la présenter lors de notre niche socialiste du 12 décembre », nous expliquait-t-elle alors. « J’ai conscience que ce texte ne va pas tout résoudre, mais nous devons agir de façon ferme pour envoyer un message fort, il faut réguler cette financiarisation toute puissante. » Le texte sera examiné le 12 décembre en Commission des affaires sociales, puis dans l’hémicycle en fonction de son classement. Céline Hervieu est résolue. « Je vais aller chercher un appui en dehors de la gauche pour qu’on puisse envisager qu’elle soit définitivement votée. »
Par ailleurs, ce dépôt de proposition de loi ne met pas fin au groupe de travail animé par la jeune députée socialiste. Celui-ci poursuit ses auditions et contacts.
Voir le texte de la propostion de loi
• Encadrer le statut des assistants familiaux
Alors que la Protection de l’enfance traverse une crise systémique en lien notamment avec la pénurie de travailleurs sociaux, la députée LR de la troisième circonscription de Haute-Savoie, Christelle Petex, a déposé le 29 octobre une proposition de loi « visant à reconnaître le statut des assistants familiaux, renforcer leurs droits et consolider la protection de l’enfance. » Un métier aujourd’hui en panne d’attractivité, les familles d’accueil sont de moins en moins nombreuses, alors que le nombre de jeunes accueillis ne cesse d’augmenter. L’objectif de ce texte est de renforcer les droits des assistants familiaux qui « remplissent un rôle essentiel en fournissant un environnement familial stable et sécurisant aux enfants placés sous leur responsabilité. » Le texte vise à reconnaître l’assistant familial comme un travailleur social tel que défini à l’article D. 142 1 du code de l’action sociale et des familles dès lors qu’il obtient son diplôme d’état d’assistant familial (DEAF). Il est prévu aussi de renforcer le contrôle de ces professionnels en instaurant « un contrôle périodique tous les cinq ans par la PMI sur les assistants familiaux titulaires du DEAF et les majeurs vivant avec eux, afin d’assurer la sécurité des enfants et de permettre la suspension ou le retrait de l’agrément en cas de manquement. ». Dernière mesure réclamée de longue date, le droit au repos, la loi Taquet étant insuffisante sur le sujet. La PPL demande l’obligation d’un droit au repos pour les assistants familiaux. « Pour prévenir l’épuisement professionnel et garantir leur bien-être, il est essentiel de rendre obligatoire un week-end de répit par mois pour les assistants familiaux. ». En cas d’impossibilité, une compensation financière doit être appliquée.
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Missions et commissions
• Une mission flash sur l’efficacité des contrôles des crèches
Victor Castanet a montré dans son enquête sur les crèches privées lucratives comment l’argent public avait irrigué un vaste système de maltraitance durant des années. Après son audition par le Sénat, la commission des affaires sociales a décidé de se pencher sur le sujet et lancé le 9 octobre une mission sur l’efficacité du contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant et sur ses éventuelles défaillances. Elle s’interrogera notamment sur la pertinence des outils à disposition des autorités de contrôle, et s’attachera à proposer des recommandations opérationnelles permettant d’améliorer la qualité de l’accueil des jeunes enfants en France. Précisons que la mission porte sur l’ensemble des crèches, publiques, privées non lucratives ou privées lucratives. Pour l’heure, ses travaux n’ont pas démarré, indique le Sénat. « Cette mission débutera ses travaux après l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. ». Les conclusions sont attendues pour le début de l’année 2025.
• Une Commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de la protection de l’enfance
« Je suis particulièrement honorée de la confiance renouvelée de mes collègues, qui m’ont élue ce jour rapporteure de la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de l’ASE. Nous avons énormément de travail pour rattraper le temps perdu à cause de la dissolution. » C’est avec ces mots qu’Isabelle Santiago a accueilli l’annonce de son élection le 31 octobre au poste de rapporteure de la commission d’enquête parlementaire sur les manquements des politiques publiques de la protection de l’enfance qu’elle avait initiée.
Pour rappel, c’est donc la deuxième commission d’enquête sur le sujet puisque la dissolution de l’Assemblée nationale en juillet dernier avait stoppé les travaux en cours. Les premières auditions de la nouvelle commission se déroule à partir de cette semaine, avec l’audition ce lundi de Josiane Bigot co-rapporteure du rapport sur la protection de l’enfance rendu au CESE le mois dernier, de Claire Hédon, Défenseure des droits, et d’Éric Delemar, Défenseur des enfants. Le 13 novembre, deux associations seront auditionnées : ATD Quart-monde et l’ANDASS (association nationale des directeurs d’action sociale et de santé). Dans les semaines suivantes, les anciens secrétaires d’État à l’enfance seront entendus. Parmi les priorités de la rapporteure figure le problème de la surpopulation dans les pouponnières, qui n’avait pas été traité malgré son alerte de mai dernier. Suite à une visite éprouvante dans une pouponnière, Isabelle Santiago avait demandé la révision en urgence d’un décret sur le taux d’encadrement. La réglementation (datant de 1974) n’a jamais été modifiée : elle prévoit un professionnel pour 30 bébés la nuit, un pour 6 la journée et permet, si la situation l’exige, de recruter des personnels non diplômés.
Candice Satara
PUBLIÉ LE 11 novembre 2024
MIS À JOUR LE 19 novembre 2024