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Mission PMI : les premières pistes de réflexion et recommandations

Fin juillet, un décret du Premier ministre passé un peu inaperçu chargeait Michèle Peyron, députée LREM de Seine-et-Marne, d’une mission temporaire « ayant pour objet l’évaluation de politique de protection maternelle et infantile ». Copie à rendre en janvier. A mi-parcours de sa mission, on a fait le point avec la députée sur sa méthode de travail, ses réflexions et ses futures préconisations. Deux grands axes se dégagent : un renforcement de ses missions premières de prévention et d’accompagnement des enfants et des familles et un possible (probable) désengagement de son rôle dans les modes de garde.

On pensait que ce serait une mission conjointe avec l’Assemblée des Départements de France (ADF), comme l’avait laissé entendre Agnès Buzyn au printemps dernier à l’issue de sa rencontre avec les représentants de la plateforme « Assurer l’avenir de la Protection Maternelle et Infantile ». N’avait-elle pas expliqué vouloir « que soit engagée une nouvelle impulsion entre son Ministère et l’assemblée des Départements de France  pour remédier aux difficultés actuelles en traçant des perspectives communes sur les enjeux et les missions de la PMI ».
Finalement au cœur de l’été, c’est à la députée de Seine-et-Marne Michèle Peyron que le Premier ministre par un décret du 26 juillet a confié une mission temporaire sur la PMI.

Déception et étonnement du côté de l’ADF qui n’a été ni sollicitée ni même prévenue alors même qu’elle s’attendait à une mission bipartite ou conjointe comme cela leur avait été « promis » par la ministre des Solidarités et de la Santé. Et surtout cela aurait souligné que la PMI relève d’une compétence des départements !
Néanmoins dans sa lettre de mission, le Premier ministre Édouard Philippe précisait « Vous veillerez à associer à vos réflexions l‘Assemblée des départements de France ainsi qu’un panel de conseils départementaux. »
Ce qui fut fait puisque l’ADF est la première instance que la mission a auditionné. Peu rancunière, celle-ci a d’ailleurs décidé de jouer le jeu, se positionnant comme un interlocuteur privilégié et incontournable. Elle le sera, puisque plusieurs rencontres ont été programmées.

Une vaste mission avec des objectifs précis et ambitieux

Cette même lettre de mission précise les attentes du Premier ministre et de la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn à laquelle la mission de Michèle Peyron est rattachée.

« (..) Dans le contexte du plan national de santé publique, il importe de préciser les orientations qui permettront à la PMI de continuer à répondre aux besoins de la population en termes de prévention et de promotion de la santé selon les objectifs prioritaires suivants :
– maintenir et développer une offre de santé de proximité accessible à tous (…) incluant en particulier le soutien à la parentalité
– réduire les inégalités de santé en apportant une attention particulière aux publics en difficulté tout en maintenant l’approche universelle de la PMI
– accroître les démarches d’aller vers les familles (…) »

« J’attends de vos travaux poursuit le Premier ministre, qu’ils dressent un diagnostic quant à la mise en oeuvre des missions portées par les services de PMI (…). Vous établirez un certain nombre de propositions visant à définir les modalités d’un renforcement des PMI (…) ». Et de préciser « vous vous attacherez à formuler des préconisations permettant d’avancer dans la voie d’une clarification et d’une meilleure articulation des rôles respectifs de la PMI et de la Caf en matière d’accueil du jeune enfant ».

Voilà donc une mission d’envergure confiée à une néophyte, Michèle Peyron, députée LREM fraichement élue en Seine-et-Marne en juin 2017. « Pourquoi moi ? remarque-t-elle. C’est vrai je ne suis pas une experte, mais mère de deux enfants et avec une carrière dans les Ressources humaines j’ai comme on dit l’expérience la vie. Je pense que justement Édouard Philippe et Agnès Buzyn souhaitaient un regard neuf sur la PMI, pas un regard de spécialiste. Cela dit je m’intéresse beaucoup à la petite enfance, je suis d’ailleurs membre du HCFEA ». L’élue est néanmoins épaulée dans sa tâche par deux Inspecteurs Généraux de l’Action Sociale (IGAS), dont un est médecin et l’autre très expérimenté dans ce secteur.

Un nécessaire pilotage national

Depuis le mois de septembre la mission n’a pas ménagé sa peine. Auditions multiples et variées, sans exclusive (de l’ADF au SNMPMI, des représentants des assistants maternels à la FFEC, de la présidente du HCFEA à l’ANDPE) et a réalisé de nombreux déplacements dans les départements français (y compris en Outre-Mer) pour vérifier sur le terrain ce qui fonctionne bien, moins bien ou pas du tout. Et constater les variétés de pratiques et organisations existant d’un département à l’autre, et parfois au sein d’un même service de PMI. Ce que nombre de professionnels ayant à faire à la PMI savent déjà et dénoncent depuis longtemps.

« La PMI est une institution magnifique note Michèle Peyron mais beaucoup des missions de la PMI ne sont pas efficientes faute de moyens regrette-t-elle. En allant sur le terrain notre idée était de retenir les meilleures et bonnes pratiques car il y en a. Surtout quand il y a une volonté poltique du département. Mais les disparités sont énormes reconnait-elle. Il manque un pilotage national. » Pilotage national nécessaire pour que les PMI soient efficientes et équitables sur l’ensemble du territoire … sans pour autant « toucher aux rôle, compétences et prérogatives des départements qui sont, rappelle l’élue, incontournables ». La quadrature du cercle en quelque sorte…

Donner de l’oxygène aux services de PMI

Au fil des auditions et des rencontres, la mission s’est forgée des convictions et envisage déjà déjà quelques préconisations. Il est clair rappelle la responsable de la mission qu’il faut donner « de l’oxygène aux PMI tout en renforçant leurs missions premières de prévention et d’accompagnement de l’enfant de 0 à 18 ans ». Comment ? D’abord en lui octroyant plus de moyens financiers mais aussi humains en lui retirant certaines tâches pour lui dégager du temps.

« Nos premières réflexions portent sur le financement de la PMI, admet Michèle Peyron. Il faut mieux les doter. Et pour cela nous pensons à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). » En effet constatant que de nombreux actes effectués dans les PMI le sont par des puéricultrices (ce qui est légitime et compréhensible puisque la prévention et la santé des jeunes enfants sont au coeur de son activité), la mission souhaiterait que ces actes soient reconnus par la Sécurité Sociale et donc remboursés. Ce qui constituerait un appel d’air pour les départements. Voilà une recommandation qui va dans le sens de ce que souhaite l’Association Nationale des Puéricultrices et Étudiants (ANDPE) et qui est en phase avec ce qu’évoquaient Agnès Buzyn et Jean-Michel Blanquer lors du lancement des groupes de travail Parcours santé-accueil-éducation des 0-6 ans.
Les PMI croulent sous le travail avec des effectifs loin d’être pléthoriques … et c’est un euphémisme ! Dès lors la mission recommande de lui retirer son rôle chronophage dans les modes de garde. En tout cas de les désengager des modes d’accueil collectifs.

EAJE : un rôle accru pour les Caf

« Pour les Etablissements d’accueil du jeune enfant, précise Michèle Peyron, on s’achemine vers un système hors PMI. L’agrément d’ouverture serait donné par une autre strcuture qui pourrait être la Caf. A qui bien sûr on donnerait les moyens d’avoir les compétences nécessaires. En ce qui concerne les visites de suivi et contrôle sur le terrain, nous pensons nécessaire qu’elles soient effectuées par du personnel médico-social. Pas forcément des puéricultrices ou des médecins. Ce pourrait être des éducateurs de jeunes enfants. Nous souhaitons donner toute leur place à ces professionnels dans le dispositif. » Ces personnels ne seraient pas ou plus rattachés à la PMI mais à un service du département … qui reste à construire et imaginer. Pour la FNEJE, « il est positif que les EJE intègrent le suivi des modes d’accueil au sein des départements ».
La  platerforme «Assurer l’avenir de la protection maternelle et infantile » émet « de sérieuses  réserves sur les options envisagées pour les modes d’accueil. » Ses représentants au cours des auditions ont attiré l’attention de la mission sur deux points. Si la Caf devait se prononcer sur les autorisations d’ouverture des EAJE (autorisations qui ne concernent pas seulement les locaux mais aussi le projet d’accueil) n’y aurait-il pas un risque de conflit d’inérêt ? La Caf est-elle en capacité de ne pas être juge et partie ? Deuxièmement dans le cas où le suivi et le contrôle des EAJE n’était plus réalisé par les services de PMI, quel autre organisme aurait les compétences professionnelles suffisantes pour être en capacité de le faire?

Assistantes maternelles : encore beaucoup d’interrogations

La députée de Seine-et-Marne est plus prudente et encore dans l’expectative en ce qui concerne les recommandations pour l’accueil individuel. « Rien n’est encore tranché » note-t-elle. L’agrément et l’accompagnement pourraient rester dans les compétences de la PMI à moins que l’accompagnement (au moins une visite par an pour rompre l’isolement des assistants maternels) ne soit confié aux RAM. « Mais il est certain que pour l’agrément et la visite batimentaire (aménagement du domicile de l’assistant maternel) il faut un référentiel national qui soit appliqué par tous les services de PMI. Il y a trop de disparités ! ».

2019 sera une année clef

La mission poursuit ses travaux. A la mi-novembre elle rendra ses premières propositions en ce qui concerne la protection de l’enfance, et notamment les liens entre PMI et ADSE puisque des annonces gouvernementales dans ce domaine sont attendues pour la fin du mois. Mais le rapport final sera rendu au Premier ministre et Agnès Buzyn en janvier. Les pistes évoquées seront donc affinées d’ici là, voire remaniées. Et la décision finale d’une éventuelle réforme de la PMI, avec modification de son périmètre de missions et de son mode de gouvernance appartiendra au gouvernement. Et ce ne sera pas avant fin 2019. Car elle devra être en conformité avec plusieurs autres politiques publiques ou chantiers : le plan national de santé public, le Parcours santé accueil-éducation des 0-6 ans et les futures ordonnances sur les modes d’accueil issues de la loi ESSOC avec notamment ce qui concerne le guichet unique administratif. A suivre donc.

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Catherine Lelièvre

PUBLIÉ LE 04 novembre 2018

MIS À JOUR LE 18 février 2019

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