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Nicolas Grivel, directeur général de la Cnaf : « Cette COG définit un cap clair et ambitieux pour les cinq prochaines années »
La COG 2023-2027 est une COG qui pour la petite enfance marque un tournant. Ambitieuse, généreuse sont les adjectifs les plus souvent employés pour la qualifier. Le directeur général de la Cnaf détaille ici les engagements pris et les mesures les plus importantes qui en découlent et précise la façon dont les caf vont s’organiser pour la déployer. Un avant-goût des lettres circulaires qui devraient être publiées cet automne.


Les Pros de la petite Enfance : La COG, après une longue préparation et négociation avec les services de l’Etat, a été signée le 11 juillet dernier. Elle avait été auparavant adoptée par le CA de la Cnaf à une très large majorité. C’est une satisfaction pour vous ?
Nicolas Grivel : C’est une grande satisfaction pour la Cnaf, son conseil d’administration et les 35 000 salariés de la branche Famille, car cette COG définit un cap clair et ambitieux pour les cinq prochaines années autour de deux enjeux majeurs.
Le premier, c’est de revenir à une meilleure qualité de service largement attendue par nos allocataires. Nous devons parvenir à être plus accessibles, et à répondre plus rapidement et mieux à leurs sollicitations au quotidien. Les Caf feront ainsi de l’amélioration des délais de traitement et de la qualité des droits une priorité pour résorber les difficultés connues ces dernières années.
Le second, c’est de mettre en œuvre des projets porteurs de progrès pour tous. Solidarité à la source, déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé, lutte contre les violences conjugales, et bien sûr le service public de la petite enfance ! La liste des projets programmés pour ces cinq prochaines années place résolument les Caf au cœur des politiques familiales et sociales.
La COG assortit ces ambitions de moyens inédits, avec un renfort de près de 650 emplois et une croissance soutenue de notre fonds national d’action sociale, qui progressera de + 6% par an. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, c’est bien sûr une marque de confiance forte envers notre institution.
Si l’on se concentre sur les engagements petite enfance de la COG. En quoi vous semblent-ils significatifs et en phase avec les obligations du futur service public de la petite enfance ?
La COG 2023-2027 est particulièrement ambitieuse sur ce sujet, en lien avec la création du SPPE.
D’abord, elle intègre l’objectif de garantir aux familles un égal accès à l’information et à une offre d’orientation coordonnée. Cela passera pour les Caf par le déploiement d’un parcours « arrivée de l’enfant » déployé en coordination avec l’assurance maladie, le renforcement du maillage territorial des relais petite enfance avec 400 animateurs de plus à l’horizon 2027 et l’amélioration du site monenfant.fr qui enrichira ses fonctionnalités en direction des familles et des partenaires, en particulier vers les Relais petite enfance (Rpe) et les collectivités territoriales.
Le deuxième engagement, c’est de développer et pérenniser des places d’accueil sur tous les territoires. Cela passera par la mise en œuvre sur tous les territoires d’un schéma de développement et de maintien des modes d’accueil avec les collectivités locales, en contrepartie de financements bonifiés et d’accompagnements renforcés en ingénierie. Le soutien aux crèches existantes est pour nous essentiel et nous aurons un rôle majeur pour favoriser les revalorisations salariales du secteur et accompagner l’adaptation du parc aux enjeux de transition écologiques et de qualité de vie au travail.
Le troisième engagement, c’est de favoriser l’accès réel de tous les enfants aux modes d’accueil. Nous devons harmoniser les restes à charge entre accueil individuel et collectif dès 2025, grâce à la réforme du CMG pour l’emploi d’un assistant maternelle ; rénover et développer les accueils à vocation d’insertion professionnelle pour les parents ; et diversifier les solutions d’accueil proposées pour tous les enfants.
Le quatrième engagement, c’est de renforcer notre action en faveur de la qualité d’accueil. A cette fin, le financement des journées pédagogiques et de temps préparatoires à l’accueil de chaque enfant sera amplifié et garanti au sein des crèches financées par la PSU, qui verront leur part de financement « à la place » et « au projet » augmentée en complément du financement traditionnel « à l’activité ». La branche Famille accompagne par ailleurs de façon étroite les travaux menés par le Ministère et les corps d’inspection en vue de concevoir, diffuser et accompagner la mise en œuvre de référentiels de bonne pratique professionnelle, de rénover et mieux coordonner les fonctions d’autorisation d’ouverture, d’inspection et de contrôle des établissements, et de consolider le modèle de financement des micro-crèches. L’intervention des Relais petite enfance en faveur de la qualité des pratiques en accueil individuel est déjà grandement reconnue et est appelée à être approfondie.
Cette COG marque un effort particulier en faveur de l’accueil individuel : pourquoi ? Quel équilibre entre modes d’accueil individuel et modes d’accueil collectif, souhaitez-vous atteindre dans les années à venir ?
L’accueil individuel est historiquement le premier mode d’accueil en France. L’offre disponible est majoritaire chez des assistants maternels (54 %) et dans 35 départements, l’offre est constituée à plus de 70 % d’assistants maternels.
Or le nombre d’assistants maternels chute de façon continue depuis 2014 et 120 000 assistants maternels en activité pourront faire valoir leurs droits à retraite d’ici 2030.
Le déclin de la population des assistants maternels fait peser sur les modes d’accueil un risque majeur qui ne peut être prévenu qu’en renforçant et en réinventant les modalités de soutien à l’accueil individuel.
Face à l’évolution des attentes des professionnels et aux risques nouveaux, la branche Famille renouvelle son soutien à l’entrée dans la profession, à l’exercice du métier, et au maintien dans l’emploi. Nous avons d’ores et déjà doublé le montant de la prime d’installation versée aux assistants maternels nouvellement agréés, et allons proposer à notre Conseil d’administration un renouvellement des modalités de soutien aux maisons d’assistants maternels et aux crèches familiales. Par ailleurs, le rôle des Relais petite enfance va continuer à s’accroitre.
Qu’est-ce qui est prévu, non seulement pour créer de nouvelles places d’accueil notamment en crèche mais aussi pour pérenniser les places existantes ?
Il existe d’ores et déjà près de 490 000 places en crèches sur le territoire national, tout mode de gestion confondu, ce qui constitue un capital considérable à préserver au bénéfice des enfants et de leurs familles. La COG prévoit que nous puissions financer 35 000 places de crèches PSU supplémentaires d’ici 2027.
Comme je l’indiquais précédemment, cela requiert des moyens financiers et d’accompagnement pour les Caf que la COG 2023-2027 renforce, au bénéfice des partenaires et en particulier des collectivités territoriales.
Pour les aider à créer des places nouvelles, il faut les assurer d’un niveau de financement suffisant et stable. Dès à présent, les barèmes volontaristes du Plan crèche, fortement majorés en 2021, sont reconduits, et nous nous attachons à développer une offre complète d’appui pour permettre l’émergence de projets dans les territoires avec le plus de carence d’offre.
Pour pérenniser l’existant, le barème du Fonds de modernisation des établissements est augmenté de 20 % pour rénover les structures et éviter leur fermeture, et le prix plafond de la PSU est revalorisé de 6,71 % pour que les crèches puissent faire face à l’augmentation des coûts de fonctionnement, ce qui représente un investissement de 283 millions d’euros supplémentaires pour la branche Famille dès 2023.
En lien avec les préoccupations autour la qualité d’accueil, la COG prévoit que la branche rééquilibrera son financement pour en renforcer la dimension forfaitaire. La déclinaison de cet objectif fera l’objet de décisions de notre Conseil d’administration, dès cet automne.
Prévue par la COG, la perspective d’une contribution financière des Caf à la mise en œuvre d’un socle social commun des professionnels de la Petite enfance constituera également une mesure déterminante de sécurisation financière des gestionnaires aussi bien qu’une contribution à l’attractivité du secteur, la pénurie de professionnels constituant une menace immédiate pour la pérennité des modes d’accueil.
Enfin l’animation et l’outillage de la démarche d’accompagnement par les Caf des EAJE en difficulté seront renforcés, au moyen notamment d’un renforcement des effectifs et des compétences des équipes locales et nationales sur les compétences clefs à cette fin.
La PSU est très critiquée. Comment cette COG en atténue-t-elle les effets pervers ? De quelle façon la part forfaitaire va-t-elle augmenter ?
La PSU s’inscrit dans un système de financement global des EAJE s’appuyant également sur le financement des familles et d’un tiers financeur. Elle est critiquée depuis son origine mais il n’existe aucun système de financement parfait et il faut lui reconnaître qu’elle a permis des acquis indéniables : l’élévation du niveau de service offert aux familles et aux enfants avec la fourniture des couches et des repas, qui était minoritaire il y a 20 ans, le barème national des participations familiales qui favorise l’accessibilité à tous et la mixité, l’adaptation des contrats qui favorise l’ajustement aux besoins des familles.
La branche prend en compte depuis plusieurs années la critique des effets pervers du financement à l’activité. Lorsque nous avons fait en 2020 la réforme des contrats enfance et jeunesse, nous avons abandonné l’objectif de taux d’occupation à 70% qu’ils intégraient et qui donnait lieu à des pénalités financières, et nous l’avons remplacé par le système des bonus territoires CTG qui sont des aides forfaitaires à la place, stables dans le temps. La même logique a prévalu avec les bonus mixité sociale et inclusion handicap qui sont aussi des forfaits à la place. Cette évolution de notre système de financement sera amplifiée dans la prochaine COG, en lien avec les constats du rapport Igas.
Nous souhaitons à ce titre que le travail hors de présence des enfants soit mieux valorisé : les heures dites “de concertation” prises en compte dans le calcul de la PSU doivent être réorientées vers la préparation de l’accueil de chaque enfant, et nous pourrons financer jusqu’à 3 journées pédagogiques par an. Nous envisageons également de revoir les modalités de prise en compte du taux de facturation pour supprimer les effets de seuils générateurs de pressions pour les gestionnaires sur le calcul de la PSU.
Enfin, l’évolution progressive du modèle de financement des crèches en faveur d’un financement forfaitaire plus important sera menée en contrepartie d’une dynamique renforcée des cofinancements locaux. Le déploiement du service public de la petite enfance et la réaffirmation d’un impératif de qualité au sein des modes d’accueil requièrent en effet un investissement de l’ensemble des partenaires. La branche Famille entend à cet égard que le dynamisme de ses financements soit pleinement moteur et n’agisse pas à rebours de cet objectif.
L’article 10 du PLPE revient devant l’Assemblée en cette rentrée. Les communes sont désignées autorités organisatrices. Les Caf sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important notamment via les CDSF. Comment vous préparez-vous à ce challenge ?
Localement, l’action d’impulsion et d’accompagnement des Caf s’exerce au sein du Comité départemental des services aux familles, dont elles assurent la vice-présidence et le pilotage opérationnel, et se décline dans les conventions territoriales globales conclues avec les collectivités locales.
Dans le cadre de la réforme de la gouvernance des modes d’accueil impulsée par le Gouvernement, les prérogatives de coordination des CDSF sont appelées à se renforcer et le rôle du bloc communal est conforté en tant qu’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant. C’est une bonne nouvelle pour la mobilisation collective en faveur du service public de la petite enfance.
La mise en œuvre d’un service public de la petite enfance requiert la co-responsabilité des acteurs autour d’une trajectoire de développement de l’offre d’accueil de la petite enfance. A cet égard, le projet de réforme conforte l’engagement des partenaires des Caf pour déployer des stratégies concertées de maintien et de développement de l’offre, ce qui va être un atout pour renforcer notre pouvoir de conviction actuel auprès des élus.
La branche Famille prépare ces perspectives en renforçant les effectifs, les compétences et les moyens financiers qu’elle dédie à l’accompagnement stratégique et technique des partenaires. On doit clairement franchir un palier par rapport à ce que l’on fait aujourd’hui.
En résumé, les Caf sont et seront un partenaire de confiance pour les collectivités locales pour l’ensemble des acteurs locaux. La COG nous permettra d’amplifier notre soutien financier et d’améliorer notre rôle de conseil en ingénierie.
Interview recueillie par écrit
PUBLIÉ LE 14 septembre 2023
MIS À JOUR LE 02 octobre 2023