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Plan contre la pauvreté : les propositions-phares du groupe de travail sur la petite enfance

Le 15 mars dernier, les six groupes de travail de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes ont remis leurs propositions à la Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn et le délégué interministériel Olivier Noblecourt. Parmi les nombreuses propositions faites au sein des 20 mesures portées par le groupe de travail n°1 « Eradiquer la pauvreté des enfants », certaines sont d’ores et déjà prioritaires. Nathalie Casso-Vicarini, qui co-préside le groupe de travail avec Frédéric Leturque, nous en dit plus.

Des modes d’accueil accessibles à tous

Viser à l’horizon 2030 un accès universel aux modes d’accueil de la naissance à 3 ans (mesure n°1). Cette mesure est en lien avec les objectifs du Conseil de l’Europe et ceux du développement durable. Elle se ferait en deux temps : une première étape « très volontariste » de rattrapage dans les territoires sous-dotés à l’horizon 2022. Puis d’ici 2030, il s’agira de renforcer et de garantir l’universalité des modes d’accueil. « Il faut s’intéresser à toutes les populations qui ne peuvent pas ou ne sont pas encore prêtes à intégrer cette démarche d’accueil formel. Ce sont souvent des populations invisibles qui ont peut-être encore plus de besoins que les autres. »

Garantir une liberté de choix des modes d’accueil aux familles en situation de pauvreté (mesure n°4). « Certains enfants sont plus épanouis au sein d’un accueil collectif, d’autres en accueil individuel. D’autre part, certains parents sont prêts à l’un de ces modes d’accueil, non à l’autre ». Or une assistante maternelle coûte plus cher qu’une crèche et elles sont majoritaires dans certaines régions. Afin de rendre accessible chaque mode d’accueil quel qu’il soit, le barème du CMG doit être progressif pour diminuer le taux d’effort des familles modestes.

Développer un continuum éducatif

Constituer un socle de contenu de formation commun à tous les professionnels de la petite enfance, de l’école maternelle et du soutien à la parentalité (mesure n°6). L’idée est de transmettre les connaissances partagées sur le développement global de l’enfant, de mettre en place un continuum éducatif pour avoir un maximum de cohérence dans son accompagnement et éviter les ruptures. « C’était aussi l’objectif du Train Petite Enfance et Parentalité : transmettre aux professionnels et aux parents les mêmes informations à jour sur les progrès de la connaissance. »

Travailler au développement d’alliances éducatives locales afin d’incarner au plan local le continuum de la naissance à six ans (mesure n°8). Par exemple faire en sorte que l’Education nationale participe systématiquement aux schémas départementaux des services aux Familles, afin de relancer la dynamique des dispositifs passerelles entre le temps d’avant l’école et le temps de l’école, comme entre l’espace en dehors de l’école et l’espace de l’école. « Un continuum éducatif est possible quand tous les partenaires s’assoient ensemble autour d’une même table pour s’assurer de la fluidité du parcours de l’enfant. »

Mobiliser les ABS pour évaluer par territoire les impacts des actions passerelles, de la scolarisation précoce et des rythmes scolaires (mesure n°9). Les analyses des besoins sociaux peuvent aider à comprendre les besoins des familles en termes d’accueil du jeune enfant et de soutien à la parentalité. Les différences notables d’un territoire à l’autres doivent être prises en compte pour mieux répondre aux besoins. « Aujourd’hui nous voulons être dans une politique de la demande plutôt que de l’offre. »

Ces travaux s’inscrivent dans la même lignée que les Assises de l’école maternelle qui ont eu lieu les 27 et 28 mars derniers. Le principe de continuum éducatif y a été évoqué à plusieurs reprises.

Plus de soutien à la parentalité

Développer des espaces d’accès aux droits et aux services destinés aux familles (mesure n°14). Il s’agit avant tout de recenser les lieux de soutien à la parentalité déjà existants pour les aider à devenir « des lieux pivots de vie sociale » où on rend visible l’invisible pour les familles en grandes difficultés qui en ont besoin. Des lieux anonymes, bienveillants, coopératifs et gratuits. Des lieux ressources où les parents ne se sentent pas jugés, ne pensent pas qu’on va leur retirer leur enfant, mais où ils retrouvent leur place. Enfin des lieux de rencontre, de l’apprendre à vivre ensemble. « Ils doivent représenter un sas de transition pour que les parents reprennent confiance et s’acheminent petit à petit vers les lieux d’accueil formel ». Tous ceux qui se reconnaissent dans ces critères sont concernés : centres sociaux, PMI, maisons familiales, LAEP, RAM…

Développer de nouvelles ressources au service des parents (mesure n°15). « Dès le quatrième mois de grossesse, la présence du bébé est souvent bien appréhendée, bien présente ». L’examen prénatal obligatoire au quatrième mois serait donc le moment idéal pour remettre à la mère le « Carnet de parentalité » ou « Passeport Parentalité » : un support papier en bande dessinée constitué de chèques-parentalité joints à un contenu revisité du Livret des Parents. Il inciterait les familles à découvrir et à recourir aux offres de soutien à la parentalité près de chez elles et plus tard aux lieux d’accueil. Et il donnerait des pistes et outils pour une parentalité bienveillante.

Expérimenter des programmes

Selon les membres du groupe de travail, il faut aussi regarder ce qu’il se passe à l’international. Notamment les dispositifs dont les mesures d’impact ont montré qu’ils étaient favorables au développement du jeune enfant en crèche, chez une assistante maternelle ou à domicile, et à sa trajectoire. « Ainsi des recherches-actions seront menées dans certains territoires, à la lumière de ce qui a déjà été fait, mais avec une coloration française, explique Nathalie Casso-Vicarini. Il ne s’agit pas de faire du copier-coller ». Ces expérimentations passent à la fois par la formation des professionnels, à qui seront transmises des ressources de qualité, et par l’implication des parents dans les dispositifs. Il s’agira d’évaluer l’impact à long terme qu’ils pourront avoir sur l’enfant d’aujourd’hui, puis de les ajuster et enfin déployer ce qui fonctionne.

Ces programmes ont pour seul objectif de servir l’intérêt des enfants. « L’enfant n’est pas un objet de laboratoire, souligne-t-elle. On essaie vraiment de répondre aux besoins des familles en les aidant et en les impliquant et ceux des professionnels en les guidant dans leurs pratiques et en éveillant leur curiosité. »
Des attentes que Nathalie Casso-Vicarini et les membres de l’association Ensemble pour l’Education de la Petite Enfance dont elle est fondatrice-présidente ont pu constater pendant les trois tours de France qu’ils ont effectué en préparation du Train Petite Enfance et Parentalité. « Il a accueilli cette année 32 000 visiteurs, dont environ 60% de professionnels et 40% de parents. Des personnes qui nous ont confié leurs besoins, à l’oral comme à l’écrit. Nos travaux au sein de la stratégie s’appuient aussi sur tous ces témoignages. »

Les 20 propositions ont été présentées le 27 mars dernier au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE). Le groupe de travail attend maintenant le retour du Gouvernement pour mettre en œuvre les propositions qui seront choisies. Le Président Emmanuel Macron s’exprimera bientôt sur le sujet.

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