Rapport de la Défenseure des droits 2023 : 3 recommandations pour la petite enfance
À l’occasion de la journée des droits de l’enfant ce 20 novembre 2023, Claire Hédon et Eric Delemar, respectivement Défenseure des droits et Défenseur des enfants, ont publié leur rapport annuel. Consacré cette année au droit aux loisirs, au sport et à la culture, le rapport revient sur 30 propositions pour permettre l’accès à ce droit pour tous les enfants, avec un focus dédié aux moins de 3 ans. Décryptage.
C’est un droit que l’on juge parfois secondaire, ou auquel on n’accorde pas assez d’importance… Pourtant, l’accès aux loisirs, au sport et à la culture, reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant, « est essentiel pour le bon développement physique et psychique de l’enfant, son insertion sociale et son émancipation », ont tenu à rappeler les Défenseurs des droits et des enfants dans un communiqué, paru ce 15 novembre et annonçant la publication de leur rapport annuel.
Faisant suite à une grande consultation auprès de 3800 enfants, ledit rapport dresse avant tout un état des lieux de ce droit, qui, par ailleurs, en conditionne beaucoup d’autres – le communiqué cite tour à tour « le droit à la santé et au bien-être, le droit de s’exprimer, le droit à l’égalité ». Verdict : il est loin d’être effectif, particulièrement quand les conditions de vie des familles sont difficiles (familles en situation de précarité, enfants en situation de handicap, etc.)
Rapport annuel de la Défenseure des droits : 30 recommandations ciblées
D’où une série de 30 recommandations, adressées à tous les acteurs publics en rapport avec l’enfance (ministères, collectivités territoriales, etc.) et articulés autour de deux axes :
- garantir l’accès à ce droit quelles que soient les conditions de vie,
- prendre en compte les singularités de chaque enfant pour permettre à tous d’exercer librement ses activités.
Des recommandations, pour la plupart, orientées vers les enfants d’âge scolaire, car c’est bien à l’école que, comme le précise le rapport, « tous les enfants bénéficient a minima d’un accès au sport, à l’art et à la culture » et que les inégalités sont donc les plus apparentes, mais aussi car c’est à ces âges qu’ils ont pu commencer à formuler leurs propositions dans le cadre de la consultation lancée par Claire Hédon. Toutefois, les Défenseurs font aussi des préconisations plus transversales (pour favoriser l’inclusion des enfants malades ou atteints de handicap, pour assurer l’égalité entre filles et garçons, pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux loisirs…) et s’attardent plus spécifiquement sur les enfants en bas-âge, dans la seconde partie du rapport intitulée « prendre en compte les singularités de chaque enfant pour permettre à tous d’exercer librement des activités ».
Chez les plus jeunes, un droit au repos et à l’éveil artistique
Dans cette partie, les Défenseurs des droits et des enfants reviennent sur les droits des tout-petits, à commencer par le droit au repos et à l’éveil artistique. Ils rappellent ainsi à quel point les 1000 jours de l’enfant sont une période essentielle à son éveil, citant notamment la notion de « santé culturelle », développée par Sophie Marinopoulos dans son rapport de 2019 pour « promouvoir et pérenniser l’éveil culturel et artistique de l’enfant de la naissance à 3 ans dans le lien à son parent », lit-on dans ce texte. Un état des connaissances sur lequel tous les pros s’accorderont. Rien de nouveau sous le soleil, pourrait-on dire.
L’offre et la qualité d’accueil insuffisantes épinglées
Plus intéressant est le reste du développement. Pour les Défenseurs, l’offre insuffisante de places d’accueil est directement corrélée à l’inégalité d’accès à ce droit : « Ceux (les enfants) dont les familles sont contraintes à des modes de garde informels ne bénéficient pas d’un même accès à cet éveil artistique et culturel, développé au sein de structures institutionnalisées », lit-on ainsi dans le rapport.
Et si la quantité (trop faible) de berceaux est préjudiciable au respect de ce droit, la qualité d’accueil (en berne) l’est tout autant. Sur ce point, les Défenseurs n’hésitent pas à épingler, dans leur rapport, les acteurs du secteur. Ils rappellent d’abord qu’ils ont fait l’objet de plusieurs saisines relatives « à la fois à de mauvaises conditions d’accueil, voire (à) des faits de violence par des professionnels, ainsi que des difficultés d’ordre structurel et organisationnel ». Ils martèlent ensuite les conclusions du rapport de l’IGAS, ainsi que les conséquences d’une qualité d’accueil dégradée sur les enfants. Pour les Défenseurs des droits et des enfants, pas de doute, enfin : tant que les structures d’accueil ne seront pas mieux accompagnées dans la prévention des violences, tant que l’intérêt supérieur de l’enfant ne sera pas au cœur de l’accueil, le droit au repos et à l’éveil artistique des plus petits ne pourra pas être respecté.
Les écrans et le sommeil : des sources de préoccupation
Dans cette analyse consacrée à la petite enfance, les auteurs du rapport reviennent ensuite sur deux autres points d’inquiétude : l’exposition aux écrans et le sommeil des enfants, tous deux sources de grandes inégalités, dès le plus jeune âge.
Sur les écrans, après avoir rappelé les recommandations des institutions sanitaires, le rapport souligne ainsi que « non seulement le temps passé par les enfants devant des écrans a augmenté ces dernières années en France, mais qu’il est plus important au sein des familles ayant des origines immigrées ou dont la mère dispose d’un faible niveau d’études. Là encore, des inégalités sociales subsistent dans l’accès à des loisirs diversifiés et adaptés aux besoins des enfants. »
Identiquement, même si le temps et la qualité de sommeil des enfants est, en règle générale, en recul, « certaines populations cumulent des situations défavorables en termes économiques, professionnels, éducatifs et sanitaires et le sommeil se trouve au cœur de la production et de la reproduction de ces inégalités sociales », souligne le rapport.
Les trois recommandations de la Défenseure des droits pour la petite enfance
Face à cet état des lieux peu encourageant, les Défenseurs ont donc fait 3 préconisations (les recommandations 19, 20 et 21 du rapport)
- D’abord, « déployer des Maisons des 1 000 premiers jours, renforcer la qualité de l’offre d’accueil des très jeunes enfants et de leurs parents ou accompagnants, la formation des professionnels, et consolider les moyens de la protection maternelle et infantile, afin de développer l’éveil culturel, artistique et moteur des tout-petits. »
- Ensuite, « développer des espaces dédiés aux tout-petits dans les lieux de loisirs, culturels et sportifs (bibliothèques, ludothèques, musées, opéras, conservatoires, piscines, gymnases, etc.), et prévoir des facilités d’accueil des familles avec enfants en très bas âge dans ces lieux ; rendre ces lieux aisément repérables par une labellisation dédiée. »
- Enfin, « développer des campagnes d’information publique sur les recommandations de limites de temps d’écrans pour les enfants, et plus particulièrement sur la non-exposition aux écrans des enfants de moins de 2 ans, de même que sur le sommeil des enfants en tant qu’enjeu majeur de santé publique ».
Des recommandations pertinentes évidemment, mais que certains jugeront peut-être peu innovantes (ou du moins, très consensuelles)… Elles ont, en tout cas, le mérite de s’inscrire dans une réflexion de fond déjà entamée par les acteurs du secteur, notamment dans le cadre de la Cog 2021-2023, de la feuille de route 2024-2027 des 1000 premiers jours ou encore des travaux du comité de filière. Elles seront aussi, du moins pour les deux premières, au cœur du Service Public de la Petite Enfance et de la montée en puissance des collectivités dans les mois à venir… De quoi, peut-être, espérer du mieux à terme ?
Véronique Deiller
PUBLIÉ LE 17 novembre 2023
MIS À JOUR LE 05 décembre 2023