Saber Benjima, EJE : « La protection de l’enfance, comme une évidence »
La petite trentaine, EJE depuis 2019 et tout nouveau co-président de la FNEJE, Saber Benjima a déjà roulé sa bosse et expérimenté à peu près toutes les facettes de son métier. Un métier qu’il n’a pas choisi par hasard. Il a découvert la protection de l’enfance au cours de ses stages pendant sa formation et depuis, lui a fait peu d’infidélités tant pour lui c’est une évidence. C’est dans ce secteur qu’il veut bosser et qu’il s’épanouit.
La petite enfance, un second choix ? Pas vraiment !
Il répugne à le dire mais pour Saber Benjima, travailler auprès des jeunes enfants cela ressemble à une vocation. D’accord, ses premières études l’orientaient vers le management . Mais durant ces 5 ans, il avait déjà en tête de créer une crèche. « Finalement, j’ai préféré le terrain, j’ai passé le BAFA pour être sûr que ça me plaisait et présenté dans la foulée le concours d’Eje. ». Admis haut la main, il sort major de sa promotion et de sa région. Une preuve supplémentaire qu’il ne s’était pas trompé et que c’était bien sa voie.
Le choix de la protection de l’enfance
« A l’entrée en formation, on vous demande votre projet. J’ai évoqué la création de crèche et surtout la protection de l’enfance sans savoir pourtant exactement ce que c’était », explique-t-il. Il effectue durant ses études son deuxième stage en foyer de l’enfance accueillant officiellement des 6-12 ans mais en réalité des enfants de 4 à 14 ans. « Ce fut une très belle expérience. Je me suis senti à ma place. Cela m’a conforté dans mon choix. ».
Pour son stage de fin d’études, il choisit SOS villages d’enfant, une maison d’enfants à caractère social accueillant des 0-18 ans. « Avec le recul, je dirais que mon stage en foyer a été fondateur dans mon choix de la protection de l’enfance. Et que le dernier fut très formateur. ».
Assez naturellement il rédige son mémoire de fin d’année sur « le travail de l’EJE en SOS villages d’enfants dans le cadre de l’irrégularité parentale ». Repéré, l’étudiant brillant est embauché pour un remplacement dans une pouponnière départementale avant même l’obtention de son diplôme.
Des expériences en crèches peu concluantes
On est en 2019 et il travaille avec un groupe de bébés pendant 4 mois dans cette pouponnière. L’expérience terminée, il fait un break de trois semaines et s’envole vers la Chine. A son retour, il passe par la case crèche dans le Var « Et ça se passe mal », résume-t-il. Une directrice « maltraitante » non pas envers les enfants mais envers son équipe de professionnels. Il est jeune, il est libre, il démissionne et se retrouve à nouveau dans une crèche, municipale cette fois, de 45 berceaux en plein COVID. Il y reste un an, mais continue de chercher un poste en protection de l’enfance dans les Alpes-Maritimes.
Quelques tâtonnements avant de trouver le bon job
Il est embauché en CDI dans le foyer de l’enfance où il avait effectué son stage durant sa formation. Le bonheur. C’est là qu’il se sent le mieux, le plus utile. Il connait les lieux, l’équipe. Pourtant, il n’y restera que 7 mois. En effet, il déchante vite car dit-il « la structure va mal ». C’est la valse des chefs de service qui ne sont présents qu’à mi-temps. L’équipe souffre de turn over incessants, les arrêts maladie se multiplient.
Le militant qui sommeille en lui se réveille. « Je passe en mode combattant, explique-t-il , j’essaie, on essaie de faire bouger les choses surtout par rapport aux enfants. Mais sans capitaine sur le bateau c’est compliqué ! ». Un nouveau chef de service, carrément maltraitant et c’est trop ! Nouvelle démission. Nouveau job en protection de l’enfance.
Bien dans son rôle, bien dans son poste
Aujourd’hui Saber travaille dans un service de placement à domicile (pour des mesures demandées par un juge ou dans un cadre administratif via un contrat parent-département) et il s’y épanouit. Dans ce cadre, il travaille auprès d’enfants âgés de 0 à 6 ans (voire 9 ans par dérogation quand il y a des fratries). Et surtout et avant tout auprès de leurs familles car l’accompagnement à la parentalité est évidemment dans ce cadre essentiel. « Actuellement, dit-il, nous suivons 6 familles ». Nous ? Une chef de service à mi-temps mais très présente, Saber EJE et deux auxiliaires de puériculture (AP). Et un psychologue en soutien un jour par semaine. « Nous sommes une petite structure mais nous fonctionnons bien. Chaque AP suit trois familles et réalise en moyenne trois visites par semaine et par famille. Les AP sont en première ligne, moi j’ai une mission de pilotage des visites (préparation et débriefing). De plus je me positionne directement sur certaines visites, seul ou avec une collègue. Je suis co-référent pour toutes les familles.». En moyenne, trois visites par semaine au domicile de la famille ou ailleurs mais avec les parents. Chaque visite répond à un objectif précis : l’organisation de la limite des écrans par exemple.
Saber voit les parents seuls, les parents et les enfants ensemble ou les enfants seuls. Cela dépend. Le contact quotidien avec les enfants, ne manque-t-il pas à l’ EJE qu’il est ? « Un peu, bien sûr, reconnaît-il. Mais je travaille encore directement avec eux pour eux quand même… »
Ce qu’il aime dans la protection de l’enfance
Pourquoi se sent-il si bien dans ce rôle en protection de l’enfance ? C’est un ensemble bien sûr mais il argumente : « je trouve que le secteur est dynamique, toujours en mouvement. Par ailleurs, j’aime travailler ainsi dans une équipe pluridisciplinaire. ». Et de comparer avec ce qui se passe en crèche. « Dans une crèche, l’EJE a une double casquette. Il doit être opérationnel sur le terrain en section auprès des enfants et en même temps il joue un rôle d’animation d’équipe. Il est dans l’équipe et en même temps il accompagne l’équipe. Ce qui n’est pas simple. D’autant que souvent, en section, l’EJE comble les absences, et cela dans les différents équipes…ce qui complique la mise en place de projets ».
Et de conclure : « En protection de l’enfance , l’EJE est membre d’une équipe pluridisciplinaire, avec sa spécificité petite enfance. Par ailleurs sa formation est très précieuse pour accompagner les parents. ».
Aujourd’hui Saber Benjima est un EJE heureux qui a trouvé sa voie, et qui n’est pas près de bouger. Mais c’est aussi un EJE conscient des difficultés de son secteur et qui -son engagement à la FNEJE le prouve- entend bien peser pour que dans tous les lieux d’exercice de leur métier, chaque EJE, chaque professionnel de la petite enfance, puissent travailler dans de bonnes conditions ! Pour lui et surtout pour les enfants !
Catherine Lelièvre
PUBLIÉ LE 24 mai 2023
MIS À JOUR LE 29 juillet 2023