Stimuler ou pas les jeunes enfants ?

Par Monique Busquet
Psychomotricienne, formatrice, auteure
Faut-il stimuler les jeunes enfants ? Cette question est encore régulièrement posée et soulève de fréquents débats et confusions entre ce qui a été appelé stimulations directes et indirectes. (cf Les cahiers de la puériculture n° 8 Psychopédagogie de l’enfant, 1986).
La notion de stimulation indirecte s’appuie sur le sens premier du mot stimulus : « un signal reçu par un organisme et qui déclenche une réaction ».
En permanence, l’enfant reçoit des « stimuli ou informations sensorielles », par les cinq sens externes, les sens liés au mouvement et les sensibilités internes. Ces stimuli amènent l’enfant à réagir, en plusieurs étapes : Il y porte son attention ou pas. Il traite cette information, il l’analyse en la comparant avec ce qu’il a déjà mémorisé : « je connais/je ne connais pas ; à quoi cela ressemble parmi ce que je connais ; est-ce associé à du bon/ou pas ? ». Il met en mémoire tout cela. Éventuellement, il se met en mouvement, selon son émotion, son envie et ses possibilités. Il cherche alors comment faire pour toucher, attraper, se rapprocher, manipuler, explorer ou se détourner, s’éloigner…
Adultes, nous utilisons les mêmes processus, mais le plus souvent sans en prendre conscience. En effet, nos analyses sont le plus souvent extrêmement rapides, grâce aux « répertoires », constitués de toutes nos expériences précédentes.

Oui, l’enfant a besoin d’un milieu suffisamment riche en stimulations variées !
Elles sont indispensables à son développement. La qualité de celui-ci dépend à la fois de sa maturation neurophysiologique, de son vécu psychoaffectif et des expériences sensorielles et motrices que son environnement lui permet de faire. Les connaissances sur la plasticité cérébrale, développées par les neurologues dès les années 1970, sont aujourd’hui bien connues. L’enfant s’imprègne profondément de tout ce qu’il voit, perçoit, entend, ressent, même si les effets n’en sont pas visibles immédiatement. Par exemple, il parlera parce qu’on lui aura suffisamment parlé, il jouera à la dinette parce qu’il a vu faire la cuisine, il développera les mimiques et gestes qu’il a vu faire, sans que l’adulte ait besoin de lui faire faire.
Oui, mais pas trop !
L’enfant a beaucoup à découvrir, il a besoin de temps pour traiter chacune des « informations ou stimuli » et les intégrer. Pour ne pas être submergé, en hypervigilance, trop mis en mouvement et agité, il a besoin qu’elles ne soient pas trop fortes et qu’elles soient cohérentes.
Oui, mais pas seul !
L’enfant a absolument besoin que des adultes l’accompagnent : donner du sens sur ce qu’il reçoit et ressent (sensations comme émotions), le sécuriser par sa présence et son attention, ajuster cet environnement, tout au long de la journée, partager ses explorations.
Non, si le mot stimuler est compris comme du « faire faire ». Ces stimulations « directes », qui cherchent à « diriger » les gestes et mouvements de l’enfant, risquent de priver celui-ci des étapes de traitement des informations et des explorations qu’il initie lui-même. Or, ces étapes non visibles sont essentielles au développement de l’ensemble de ses capacités. Un enfant apprend plus lorsqu’il peut explorer lui-même, tâtonner, essayer, recommencer que s’il reproduit directement ce que lui ferait faire l’adulte. Il apprend, grâce à ses propres expériences et, à être attentif à ses sensations, à organiser ses mouvements, à coordonner sensations et actions. Il apprend à la fois à se connaître dans ses capacités et ses limites, et à connaître son environnement et ses caractéristiques physiques.
Et si un enfant semble ne pas s’intéresser à ce qui lui est mis à disposition ou s’il n’arrive pas à jouer par lui-même, il a besoin de l’adulte, de sa réelle attention, d’interactions directes avec lui, et d’un ajustement des propositions, comme du matériel dit « ouvert », c’est-à-dire riche d’explorations variées (vider, remplir, manipuler, transformer….).
Cela fait donc partie du travail d’acrobate des professionnels : proposer un environnement humain et matériel, suffisamment riche et varié en « stimulations », suffisamment doux et apaisant. Ni faire faire, ni ne rien faire ou laisser faire, mais « mettre en situation de faire », à partir de là où en est l’enfant dans son développement, ses besoins, ses envies.
PUBLIÉ LE 06 mai 2025