De 16 à 36 mois : les enfants commencent à jouer ensemble

Le jeune enfant entre dans la bipédie. Les conséquences de la position debout sont de libérer les mains et de se déplacer plus vite. Après une période d'entraînement à la marche, le jeune explorateur part faire les inventaires des jouets des sections. Il vide et remplit des caisses. Il essaie de monter, de grimper. Lorsque toutes ces déambulations sont passées et maitrisées, l'enfant découvre alors les camarades sous un nouveau jour. Les nouvelles possibilités motrices engendrent des interactions d'un genre nouveau. L’accompagnement proposé par les professionnels doit être préventif avec des ateliers pour limiter la période difficile dans la section dite « des moyens ».
Du côte à côte au face à face
Jusqu'à l'âge de 18 mois, Piaget décrit les jeux en « côte à côte » des enfants. Il explique qu'il n'y a pas de construction ou de partenariat entre les copains. Ils sont chacun dans leurs jeux mais il n'y a pas d'élaboration pour construire ensemble un espace de jeu. Les enfants sont chacun dans leur bulle mais les uns à côté des autres. C'est la prise de conscience des jouets dans les mains d'un enfant ou la création d'une histoire avec des petits personnages qui attireront l'attention de l'un de ses pairs. Les enfants pensent que ce sont les jouets qui ont le pouvoir de créer l'espace/histoire de jeu. Ils ne pensent pas que l'aire de jeu a été créée par « l'imagination » du camarade. Le jeune enfant imagine donc s’accaparer le jouet mais, de surcroît, l'inventivité de son camarade. Il est souvent déçu de s'apercevoir que le jouet ne s'anime pas tout seul. C'est à partir de ces interactions que le travail de socialisation s’accélère. Les enfants cherchent toujours à assouvir leur curiosité du monde et leurs plaisirs. Ils développeront un éventail de comportements pour satisfaire leurs envies. Nous connaissons les comportements qui poseront problème dans la collectivité. Nous parlons bien des morsures, griffures et coups. Il est important de ne pas les interpréter avec un regard d'adulte « adultomorphisme ». Les comportements « violents » pour un adulte ne le sont pas forcément pour un jeune enfant. Les notions de « bien » et de « mal » apparaissent assez tardivement selon plusieurs auteurs. Ces notions sont transmises par l'entourage et diffèrent d'une culture à l'autre. Pour les jeunes enfants, les actes dits « agressifs » sont juste des moyens pour arriver à leur fin. Si personne n’indique comment faire autrement, il fera de la manière la plus économique au point de vue énergie et frustration. C'est aux accueillants d'accompagner en proposant des espaces et ateliers pour transmettre les techniques de communication et de socialisation. Mieux vaut prévenir que soigner ! L'accompagnement sera axé sur le préventif pour éviter la survenue de comportements problématiques.

Privilégier les ateliers en petits groupes
Nous savons que la socialisation en collectivité passe par un facteur : la communication. Il est donc indispensable de travailler le plus tôt possible le langage. Il est assez simple de faire plusieurs temps dans la journée, en petits groupes, de chansons ou d'histoires. Nous sommes dans ces ateliers sur le développement du vocabulaire et de l'élocution. Il est possible de faire des jeux avec des marionnettes ou des scénarios avec des figurines (humaines ou animales) pour simuler des conflits. Vous proposez alors des phrases types ou des comportements adaptés. Ces activités aident à trouver des réponses pour les enfants dans les moments de tensions. Les adultes ont aussi ce problème de perdre la parole dans les situations stressantes. Je vous laisse imaginer pour un petit enfant.
Il existe de nombreux livres d'histoires qui mettent en scène des conflits entre enfants mais aussi avec des adultes. La période de la socialisation suscite beaucoup d'émotions et de sentiments. Les histoires permettent aux enfants de s'identifier aux personnages et de comprendre ce qu'ils peuvent ressentir. En tant qu'adulte, nous avons cette mission de « verbaliser », selon le terme de F. Dolto, ce que ressentent les enfants. Comprendre ses émotions n'est pas simple, même pour un adulte. Les jeux « symboliques » aident les enfants à rejouer des scènes de la vie quotidienne. Les jeux symboliques sont les jeux de « on fait comme si ! ». Il y a identification à une personne (maman, docteur). L'enfant dépasse une simple gestuelle par imitation. Les ateliers en petit groupe avec un professionnel sont à privilégier car ils permettent de médiatiser et d'accompagner les interactions des enfants. Ces ateliers ne sont pas forcément dirigés ou assis sur une chaise. Vous pouvez par exemple faire un parcours moteur avec des tunnels ou des blocs moteurs mais les enfants passeront un par un. Ils seront obligés de coopérer pour profiter au mieux du temps de jeu.

Aménager des espaces de jeux libres
Les difficultés entre camarades sont souvent dans les moments de transition (repas, sieste, départ). Il est souvent nécessaire d'évaluer si le déroulement de la journée respecte le rythme des enfants. Il est facile de constater que le taux d'agressivité augmente avec la fatigue dans les unités de vie. Les temps de jeu libre sont à penser et à préparer. Nous savons que les enfants par imitation voudront les mêmes jouets. Il est souhaitable d'avoir au moins trois modèles identiques pour faciliter les jeux d'imitation. Ils sont propices à cette tranche d'âge. L'espace sera pensé pour améliorer les déplacements et la fluidité des interactions. Par exemple, vous imaginerez les couloirs du métro avec des tables ou des chaises. Les ralentissements de la foule finiraient par créer des tensions entre voyageurs. Il en est de même pour les jeunes enfants. Plus l'espace est ouvert et permet de courir moins vous avez d'interactions négatives entre eux. La section doit permettre un espace pour courir mais aussi des lieux pour que les enfants puissent se poser calmement (puzzles, livres, Legos) selon leurs envies. Ils apprendront d'eux-mêmes à gérer leur excitation. Si vous proposez à un groupe qu'une forme d'activité motrice globale (piscine à balles ou vélo), ils n'apprendront pas à contrôler leur énervement. Or, si vous faites deux espaces où les enfants se déplacent librement, vous observerez des petits groupes qui passeront d'un jeu à l'autre pour canaliser leur dynamisme. Assez tôt, les enfants arrivent à contenir leur énergie si on les laisse progressivement faire ces expériences. Au contraire, si ce sont les adultes qui contiennent la vivacité du groupe de la section alors les enfants n'apprendront pas à se maîtriser. Ils monteront en excitation jusqu'à ce que les adultes les arrêtent. L’agitation favorise les conflits chez l'être humain. Cette liste n'est pas exhaustive mais elle identifie les différents domaines à favoriser : langage, matériel et espace. En pensant les trois domaines, vous aurez une diminution des interactions conflictuelles.
Article rédigé par : Frédéric Groux, EJe, psychologue de crèche
Publié le 06 novembre 2016
Mis à jour le 17 janvier 2023