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Aurore Bergé : une ministre des Solidarités et des Familles sur tous les fronts

A peine nommée ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé a donné sa première interview. Et durant les mois de juillet et d’août, pas de trêve estivale pour elle, la ministre a été sur tous les fronts : elle a multiplié les déplacements et occupé aussi la scène médiatique. Portraits et interviews se sont succédé. Si, sur le fond, on peut penser que pour la petite enfance il y aura une réelle continuité avec ce qu’avait entrepris son prédécesseur, sur la forme, c’est une rupture totale. Ce ne sera pas une ministre discrète, elle se fera entendre et saura défendre les sujets qui lui tiennent à cœur. Dont on peut espérer que la petite enfance fera partie.

Déplacements en série

Elle est un brin hyperactive, la nouvelle ministre des Solidarités et des Familles. Bien que jeune maman, elle n’a pas vraiment profité des vacances gouvernementales autorisées et a largement occupé le terrain. C’est que, en charge des Solidarités (donc du grand âge et du handicap notamment) et des Familles (donc de l’enfance, de la petite enfance et des parents), elle a été happée d’abord par le tragique incendie du gîte à Wintzenheim, en Alsace, accueillant des personnes en situation de handicap. Et évidemment elle a fait le déplacement, le 9 août, pour accompagner la première ministre Élisabeth Borne. Fin juillet, des visites autour des vacances et l’annonce du pass colo.  Le 12 août, un déplacement sur les personnes âgées à Nice pour son dispositif « mon voisin du 06 a du cœur » qui tente de lutter contre leur isolement.
Le 22 août, c’est la canicule, et la ministre fait d’une pierre deux coups : elle visite à Chamonix une crèche et un EHPAD. Le 23 août, alors que l’Allocation de Rentrée Scolaire en augmentation de plus de 5% vient d’être versée à 3 millions de familles, Aurore Bergé va à la rencontre des parents dans une grande surface de Rueil-Malmaison. Et le lendemain, accompagnée de Charlotte Caubel, la secrétaire d’État à l’Enfance, elle devait être à Cabourg où une journée « pour les oubliés des vacances » était organisée par le Secours populaire. Une sortie annulée au dernier moment à cause d’une météo capricieuse : alerte orages ! Ce fut finalement le zoo de Beauval.
Voilà donc une ministre qui ne chôme pas et veut montrer qu’elle prend la mesure de l’ampleur du périmètre de son ministère.

Un peu de buzz dans les médias avec des annonces choc

Un congé parental plus court et mieux rémunéré, un pass colo, une inspection administrative confiée à l’IGAS suite à l’incendie du gîte alsacien… La nouvelle ministre n’a pas été avare d’annonces et de prises de parole dans les médias.
Coup d’envoi, coup de maître avec sa première interview à Ouest France où elle met les pieds dans le plat en se prononçant pour un congé parental plus court et mieux rémunéré. Une annonce qui occulte tout le reste, largement reprise et commentée. Bref, buzz assuré.  Aurore Bergé donne le ton sur la façon dont elle exercera la fonction. On entendra parler d’elle et des sujets qui sont dans son périmètre.
Ensuite, il y eut nombre de portraits dans la presse, certes pas tous élogieux bien que tous évoquant une jeune femme déterminée, bosseuse, politique et dont la voix porte, et quelques reportages au gré des déplacements de la nouvelle ministre. Et une rentrée très politique, le 24 août sur France Info où elle ré-évoque notamment la rémunération du congé parental et l’objectif des 100 000 créations de places avant la fin de ce quinquennat et des 200 000 d’ici 2030.

Un cabinet dans la continuité

Aurore Bergé a eu l’intelligence de ne pas bouleverser le cabinet qui était en place à son arrivée et a maintenu la plupart des conseillers à leur poste. Ce qui est une bonne façon de rassurer quant à la continuité des réformes et mesures annoncées. C’est le cas bien sûr de la directrice de cabinet Constance Bensussan qui rappelons-le a fait ses classes à l’Élysée lors du premier quinquennat. Et pour le secteur de la petite enfance, c’est le cas aussi de David Blin, directeur de cabinet adjoint chargé de l’enfance, de la parentalité et des politiques sociales et familiales. Un fin connaisseur du secteur qui était déjà membre du cabinet d’Adrien Taquet. Et c’est le cas encore pour Noor-Yasmin Djataou, conseillère chargée des métiers du social, de la petite enfance et du médico-social et Charles Duportail, conseiller chargé de la lutte contre la pauvreté et des associations. Et Elisa Bazin, ex chargée de mission du cabinet Combe (elle travaillait notamment étroitement avec Elisabeth Laithier dans sa mission sur la concertation territoriale du SPPE) prend du galon et devient conseillère en charge de l’enfance et de la parentalité.
Tout juste a-t-elle « emmené » avec elle deux de ses collaborateurs lorsque, députée, elle  était chef du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale : Céline Montaner-Blancho, chef de cabinet et conseillère politique de la ministre et David Daoulas, son conseiller chargé de la presse et de la communication.

Et maintenant, quelle ministre sera-t-elle pour le secteur ?

Elle a, contrairement à son prédécesseur, le mot Familles dans l’intitulé de son ministère. Mais ni le mot enfance (cela aurait était fâcheux pour Charlotte Caubel) ni le mot petite enfance.  Néanmoins dès la cérémonie de passation de pouvoir avec Jean-Christophe Combe, elle a tenu à commencer par, selon ses termes, « un mot un peu plus personnel ». Et a enchaîné : « Tout à l’heure je suis allée, un peu plus tôt que d’habitude, récupérer mon petit bébé à la crèche. Donc comme des millions de parents, tous les jours, nous confions ce que nous avons de plus précieux au monde, nous confions nos enfants à des hommes et des femmes engagés, à des hommes et des femmes dont les métiers méritent d’être mieux reconnus, d’être encore mieux revalorisés. Donc je pensais à nos enfants et à toutes celles et ceux qui s’engagent au quotidien pour eux. Le ministère des Solidarités et des Familles, c’est donc le ministère qui doit non seulement prendre soin des familles mais aussi de celles et ceux qui travaillent pour elles au quotidien. C’est celui qui doit prendre soin de nos enfants et donc de nos assistantes maternelles, éducatrices de jeunes enfants, infirmières, directrices de crèches. J’emploie le féminin car ce sont des métiers majoritairement féminins. ».
Voilà qui pourrait être de bon augure pour les professionnels de la petite enfance qui attendent beaucoup : des revalorisations salariales on le sait, mais aussi une plus grande reconnaissance et des moyens pour proposer aux enfants et à leurs parents un accueil de qualité et travailler dans de bonnes conditions.
Et la jeune ministre avait conclu en soulignant qu’elle était très heureuse de la nouvelle dénomination de son ministère : « Cette dénomination a pour moi tout son sens. Les solidarités et les familles, c’est le quotidien des Français dont il est question. Nous leur apporterons le respect et les dignités humaines que nous devons garantir dans notre pays ».  Une façon peut-être de clouer le bec à ceux qui laissaient entendre que ce n’était pas le ministère qu’elle souhaitait, qu’elle aurait préféré l’Éducation nationale.

La ministre est attendue au tournant par les professionnels de terrain

Les premières prises de parole d’Aurore Bergé n’ont pas conquis ou rassuré les professionnels du secteur si l’on en croit le communiqué du SNPPE publié le 28 juillet sous le titre : les ministres passent, les revendications restent. On y lisait entre autres : « (…) Prendre la parole rapidement sans évoquer les difficultés rencontrées dans le périmètre de son ministère est un très mauvais signal envoyé aux acteurs du secteur de la petite enfance. C’est désavouer le travail fait par le comité de filière petite enfance depuis plus d’un an, c’est nier la réalité d’accueil des enfants et des familles, de travail des professionnel·les. (…). ». De façon plus  générale, les professionnels qu’ils soient pros de terrain ou gestionnaires sont dans un « wait and see » plein d’impatience et de questionnements.

Concrètement quels devraient être ses dossiers prioritaires pour la petite enfance ?

En principe, Aurore Bergé devrait jouer la carte de la continuité avec ce qui a été entrepris par Jean-Christophe Combe. C’est ce qui est attendu par le secteur, dont la principale crainte est que « tout soit remis à plat et à recommencer ». Les attentes sont nombreuses et pressantes
Au programme :
– des détails et un calendrier précis pour la mise en œuvre des mesures du plan d’urgence pour la qualité d’accueil (le fameux volet qualité du SPPE) dont la présentation avait été « spoilée » par une malencontreuse interview à un quotidien national puis annulée pour cause d’émeutes. Bref, sur ce point la nouvelle ministre devra se manifester rapidement car c’est un sujet essentiel et alors même qu’elle a fait référence à l’aspect quantitatif des places d’accueil lors de sa première interview, en reprenant l’objectif des 200 000 places.
le plan d’urgence pour l’accueil individuel est attendu pour septembre. Il est impératif qu’il ne soit pas retardé afin de ne pas mettre en colère les assistantes maternelles qui constituent encore ne l’oublions pas le premier mode d’accueil formel, et qui n’en peuvent plus de patienter !
une mission IGF/IGAS sur le financement des micro-crèches Paje. La lettre de mission devrait être envoyée incessamment sous peu…
– certes la balle, sous la houlette du Comité de filière, est dans le camp des gestionnaires, mais il faudra aussi que la ministre puisse rapidement répondre aux questions des employeurs et employés du secteur sur le soutien de l’Etat aux revalorisations salariales des professionnels de la petite enfance et sur le timing de leur mise en œuvre. Un sujet délicat et non consensuel, on le sait. Pour preuve le communiqué assassin co-signé par des gestionnaires privés du secteur associatif et marchand.
– Enfin, il est un sujet que son prédécesseur n’avait pu régler, c’est celui de la formation. Et pourtant, il y a urgence. Quid de cette proposition d’un projet d’engagement Etat-Régions-Départements  pour  augmenter le nombre de pros formés ? L’idée était que chacun œuvre dans son champ de compétence. Ledit document doit donner une déclinaison annuelle des besoins nationaux et locaux et son évolution être suivie par le Comité de filière petite enfance.
– Autre chantier attendu des pros : la mise en place de l’Observatoire sur la qualité de vie au travail. C’est à la plénière du 28 septembre que le bilan des travaux réalisés avec l’ANACT devrait être présenté au Comité de filière. En présence de la ministre ? Voilà qui serait une initiative certainement appréciée.

L’art et la manière

Jean-Christophe Combe certes issu de la société civile était un néophyte en politique et pas un super cador de la communication. Mais ses deux premiers actes de ministre avaient été vers les professionnels : il a rencontré le Comité de filière petite enfance aux lendemains de sa nomination dès le 11 juillet et il a diligenté une enquête IGAS suite au décès dramatique d’une petite fille dans une micro-crèche People & Baby à Lyon.
Aurore Bergé, on l’a dit, est à son opposé, et sa stratégie de communication est sans doute plus huilée. Mais, pour l’heure, elle a eu, depuis la passation de pouvoirs (voir ci-dessus), peu de mots pour les acteurs de la petite enfance. Et elle n’a encore rien dit sur le volet qualité des modes d’accueil.
Au gré de ses prochains déplacements notamment dans des crèches, cette semaine de rentrée, elle devrait donc tenir des propos rassurants et dévoiler ses intentions.  Son cabinet l’affirme : elle jouera la carte de la continuité sur tous ces sujets en y mettant sa patte et en fixant son propre calendrier. Il faut donc encore attendre pour connaître l’ambition qu’elle nourrit pour la petite enfance.
Il se peut aussi qu’elle soit contrainte, au vu des ouvrages coups de poing annoncés sur les modes d’accueil, de s’exprimer plus rapidement qu’elle ne le souhaiterait sur cet aspect qualité. En effet, dans les prochains jours sortiront simultanément le livre écrit par deux journalistes d’investigation, Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse , « Le prix du berceau – Ce que la privatisation des crèches fait aux enfants » (Le Seuil) et celui signé de deux collaboratrices du Parisien chez Robert Laffont entouré du plus grand secret. Ambiance !

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Catherine Lelièvre

PUBLIÉ LE 25 août 2023

MIS À JOUR LE 04 septembre 2023

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