Entretien avec Nicole Bohic, inspectrice générale des affaires sociales : « Le référentiel qualité sera opposable »

Lors de cet entretien, Nicole Bohic est revenue sur le pré-référentiel qualité, dont une première version zéro, finalisée fin août, est actuellement en phase test terrain. A la suite de l’Igas Jean-Baptiste Frossard à qui elle a succédé en mai dernier, Nicole Bohic a orchestré puis fait la synthèse des travaux des sept groupes de travail représentatifs du secteur de la petite enfance. C’est ensemble, qu’ils travailleront à élaborer, d’ici la fin de l’année, un référentiel qu’ils espèrent lisible, compréhensible, pertinent et applicable, au plus près des problématiques de terrain, dans la continuité de la Charte d’accueil du jeune enfant. 

En préambule, Nicole Bohic a donc tenu à remercier toutes les personnes (près de 200 !) qui ont participé à la réflexion. « Nous avons là une matière première très intéressante à laquelle il faudra toujours se référer lorsque nous serons dans la rédaction finale du référentiel car ce travail a été très important », a-t-elle rappelé.   

Des retours très constructifs 

Depuis le 23 août, date à laquelle l’expérimentation de cette version zéro a été lancée, Nicole Bohic affirme avoir reçu près d’un millier de retours qui donnent déjà des pistes d’amélioration. « Il y a eu parfois des maladresses, des manques, certains sujets moins traités que d’autres, on s’en rend compte au fil des retours, admet-elle. Le jeu par exemple est moins détaillé que certains autres points. Sur les violences intra familiales, le fait de synthétiser et de mettre dans un titre des choses qui ne sont pas trop en lien les unes avec les autres a pu être gênant… ». Si certains passages ont été jugés très prescriptifs, d’autres a contrario semblent parfois plus flous… Et parfois, certains commentaires amènent des idées nouvelles. « Si des éléments qui ne figurent pas dans le référentiel remontent de façon importante dans les commentaires, ce sera à discuter », précise Nicole Bohic.

Certains thèmes plus fournis que d’autres 

De manière générale, la majorité des réponses reçues concerne les pratiques en relation à l’enfant. « Nous ne sommes pas surpris, explique Nicole Bohic dans un sourire. C’est la thématique qui a amené le plus de commentaires, et beaucoup moins pour la relation aux parents, malgré quelques remarques très intéressantes sur la qualité de la relation aux parents. C’est un appel que je lance ! »  Enfin, il semble que la partie « organisation » n’ait pas reçu beaucoup de suffrages, mais Nicole Bohic a bon espoir : « je crois que certains s’organisent et réfléchissent ensemble à ce sujet et que les réponses arriveront un peu plus tard… », espère-t-elle.   

Des professionnels très engagés 

Bien que Nicole Bohic n’ait pas encore pris connaissance de tous les retours sur ce pré-référentiel, les premiers chiffres donnent un aperçu explicite : des professionnels engagés, des profils variés. « Des réponses avec assez peu de commentaires mais quand il y en a, ils sont très construits », précise-t-elle. Et Nicole Bohic de détailler : « Nous avons pour le moment 1000 réponses dont la moitié viennent de professionnels qui travaillent auprès des enfants. 259 réponses d’assistantes maternelles avec de nombreux commentaires et un grand professionnalisme, c’est très riche et intéressant ! En crèche, 184 directeurs et 134 professionnels ont participé, on note un certain équilibre, c’est très positif ». Jusqu’à présent, les animateurs de RPE ont beaucoup répondu (plus d’une centaine), les PMI également (39 réponses pour une centaine de PMI) et les animateurs en LAEP (une trentaine). On compte également des retours de professionnels de santé, formateurs, responsables PE en collectivité, gestionnaires… « J’ai également trouvé très intéressant d’avoir des réponses d’élus, de Caf. Quelques dispositifs passerelles également ont participé ! », ajoute Nicole Bohic. Les parents en revanche ne sont pas encore très représentés, seulement une petite cinquantaine, les auxiliaires parentaux non plus. « Aidez-nous à les sensibiliser, appelle-t-elle, la qualité doit être partout ! ».

Le référentiel, un outil de dialogue 

Si en l’état, Nicole Bohic l’admet, ce pré-référentiel est un document trop lourd, long, inidgeste et peu accessible, il pourrait à terme produire « des éléments plus simplifiés, un socle qui pourra être plus facilement partagé entre parents, professionnels, élus… ». Devenir un outil de dialogue entre les parents et les professionnels, en particulier pour les particuliers employeurs et les professionnels qu’ils emploient car il y a souvent des divergences sur la manière de faire. Dans ces cas de figure, le référentiel arriverait un peu comme un tiers… 

Un délai supplémentaire pour cette phase test-terrain

 
Si certains thèmes ont recueilli un grand nombre de réponses, d’autres ne sont pas assez fournis. Un délai supplémentaire va être accordé et les réponses pourront être envoyées jusqu’au 18 octobre. Et le comité de pilotage sera réuni dès le 17 octobre pour un premier point sur les retours de la phase test. « J’aimerais que l’on puisse avoir suffisamment de retours pour chaque thème, précise Nicole Bohic, a minima quinze à vingt réponses. Je vais faire un point pour tenter de mobiliser les uns et les autres sur l’intérêt d’apporter des commentaires sur les thématiques les plus pauvres ». 

Ensuite pour travailler à l’amélioration du référentiel en tenant compte des retours de cette phase test, l’inspectrice propose « que l’on puisse réunir virtuellement sur chaque thème un professionnel, un institutionnel et un chercheur – ou personne qualifiée qui a particulièrement travaillé sur cette question – pour réaliser un travail de dentelle. On fera bien attention à partir du travail du groupe de travail pour voir ce que cela amène… Avec pour finir, la présentation au comité de pilotage. » Dans cette dernière phase, quelques bonnes résolutions : ne pas allonger le document , plutôt le synthétiser ; travailler sa forme et rendre plus visible la Charte d’accueil du jeune enfant qui a servi de point de base. La version finale sera validée avent Noël. 

Un référentiel opposable 

La question a fusé dans la salle, Nicole Bohic le confirme, oui, il y aura bien une notion d’opposabilité. « C’est pour cela qu’il est important de bien travailler ce référentiel, et que pour chaque thème, nous travaillons avec les institutions, insiste-t-elle. C’est aussi pour cela que nos questions ne sont pas anodines, afin de savoir si ce n’est pas trop prescriptif, pour ne pas empêcher la créativité des professionnels et à la fois garantir un minimum. Les professionnels nous l’ont vraiment dit pour certains points : c’est bien que ce soit écrit. » Et d’ajouter : « Je pense sincèrement que ce référentiel sera une base et va contribuer à professionnaliser et faire reconnaitre les qualités des professionnels de la petite enfance. » 

Trois nouveaux chantiers à venir 

Avant même que le référentiel qualité ne soit finalisé, d’ici début octobre, Nicole Bohic va mettre en route trois chantiers majeurs avec la DGCS : le référentiel connaissances et compétences en lien avec le Comité de filière petite enfance ; le guide d’évaluation et le guide de contrôle. 

Pour ce qui est du référentiel connaissances et compétences : tout est encore à construire, d’ici la fin de l’année ! « Nous aurons des partenaires complémentaires, en particulier pour la formation, précise Nicole Bohic. Nous allons construire ensemble. Ce sera certainement plus regroupé en termes de méthode sur le démarrage mais ensuite de la même façon que pour le référentiel qualité, nous aurons besoin de retours terrain avec l’ensemble des formateurs, étudiants etc. Dans la même lignée, les groupes travailleront sur un « référentiel martyr» ». Et là encore, le calendrier est serré, mais Nicole Bohic espère finaliser ce second référentiel d’ici la fin de l’année. 

Voir le replay de cet entretien