Guide ministériel sur les EAJE : faciliter le dialogue entre gestionnaires et PMI
A peine huit jours après sa publication, le 25 mars dernier, Ma placeencrèche a organisé une table ronde autour du guide ministériel sur les EAJE à l’intention des PMI. L’occasion d’expliciter certains points, de répondre aux questions des gestionnaires et porteurs de projets réunis et d’aborder les problématiques qui restent encore à travailler. Celle de le promouvoir comme un outil de médiation lors de la création de structures d’accueil.
Un contexte difficile
Cette table ronde organisée par Maplaceencrèche pour ses structures partenaires, et animée par Catherine Lelièvre, directrice du site Pros de la Petite Enfance réunissait quatre intervenants : David Blin, chef du Bureau des familles et de la parentalité de la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), le Dr Dominique Goriaux, ancien médecin départemental à la PMI de la Manche, membre du Syndicat National des Médecins de PMI (SNPMI), Christine Kalus, architecte dont le cabinet travaille essentiellement sur des projets d’EAJE et Romain Gallon, gestionnaire des crèches Tillou. Pour ouvrir le débat Catherine Lelièvre a rappelé combien jusqu’à présent la situation était complexe pour les gestionnaires ou futurs gestionnaires de crèches, quels que soient leur statut. Comment s’y retrouver dans les normes EAJE entre la réglementation nationale et sa divergence d’interprétations par les différents services de PMI. Le guide ministériel qui vient qui vient d’être publié sur le site du Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. (lien actu) a pour but de clarifier les normes et d’apaiser les relations parfois tendues entre PMI et gestionnaires.
Explication, harmonisation mais pas de nouvelle réglementation
David Blin rappelle la genèse de ce guide, son rôle et ses enjeux. La DGCS a lancé en 2014 une étude pour répertorier les difficultés récurrentes auprès des gestionnaires et analyser l’action des PMI, mais aussi pour recenser les bonnes pratiques. Puis de janvier à décembre 2016, un groupe de travail a réfléchi à une interprétation partagée sur les sujets les plus flous ou controversés comme les normes concernant les surfaces et l’organisation des équipes par exemple. David Blin explique donc que ce guide est le fruit de ces constats mais aussi d’un consensus et qu’il « a vocation à stabiliser les normes à législation constante ». En clair il ne surajoute pas de règles, il ne fait qu’expliciter celles qui existent. Ce qui d’ailleurs est salué par tous, notamment Romain Gallon, car les normes il y a en a du point de vue des gestionnaires déjà pléthore. Dominique Goriaux précise quant à elle que ce guide ministériel n’est pas un référentiel : il n’a pas force de loi, il n’apporte pas de règles supplémentaires. Il représente plutôt une harmonisation et une cohérence des pratiques. Aux différents services de PMI de s’en emparer. Mais décentralisation oblige, rien ne leur est imposé.
Pour l’heure, le guide semble plutôt bien accueilli. Destiné en priorité aux PMI, il est évident, et ce fut la tonalité des différentes interventions de la salle lors de ce débat, que les porteurs de projet s’en empareront comme d’« un outil de médiation » selon l’expression de David Blin entre eux et leurs interlocuteurs de la PMI. « Ce guide répond à un vrai besoin insiste Dominique Goriaux. Il constitue un nécessaire complément à la réglementation nationale »
Dans l’introduction du guide, le ton est donné. Et chacun sait ce qu’il peut en attendre. Nécessairement imparfait puisque qu’il est le fruit d’un consensus, d’un compromis parfois, il fait cependant preuve de beaucoup d’ouverture. Un excellent point de départ ont donc noté d’une même voix tous les intervenants et participants à des discussions fructueuses. Il sera donc un facilitateur de projets. A noter : il est d’emblée précisé que c’est dans leur ensemble et toujours en contexte que doivent être considérées et interprétées tant les dispositions réglementaires (obligatoires) que les recommandations et bonnes pratiques. Comprenez : pas de contrôle tatillon mais une appréciation générale cohérente, scrupuleuse certes mais pleine de bon sens.
Accompagner en amont les gestionnaires
Les gestionnaires rencontrent de nombreuses difficultés quand ils travaillent sur de nouvelles structures. Une gérante de crèches raconte comment un mois avant l’ouverture de sa structure, la PMI lui a dit qu’elle ne pourrait finalement accueillir que 50 berceaux au lieu des 60 prévus. Ce qui évidemment mettait en péril son équilibre financier. Le problème a été résolu, mais au prix d’angoisses incroyables alors même que les contacts avaient été pris en amont. Moralité dit-elle, « il faudrait obtenir plus d’accords formels en amont. » Romain Gallon, lui aussi en a connu des mésaventures. Il a dû changer les extincteurs de place une semaine avant l’ouverture d’une de ses crèches. Des expériences personnelles qui évoquent chacune « un stress énorme ressenti jusqu’à l’aboutissement des projets. » Mais qui ne reflètent pas toute la réalité de terrain car dans certains départements l’accompagnement des porteurs de projets par les services de PMI est organisé et systématique. Le témoignage de l’architecte Christine Kalus va dans ce même sens : « c’est d’une telle complexité tant pour les gestionnaires que pour les architectes ! Il faut associer en amont tous les acteurs impliqués : PMI, CAF, mairie, pompiers… Ainsi chacun peut donner son point de vue, d’une part selon les réglementations, d’autre part son expérience qui fait aussi force quand on monte un projet ». Sur ces questions le guide semble plus ouvert que les normes préconisées il y a une dizaine d’années, notamment sur la modularité des espaces par exemple. Ou sur les surfaces puisqu’il tient compte des diversités de situation.
Laisser une ouverture aux initiatives
Des normes plus souples : c’est justement un des axes du guide. Il stipule par exemple que les EAJE peuvent accueillir des petits animaux comme les hamsters, les cochons d’Inde et les lapins, sous réserve qu’il n’y ait pas de personnes allergiques ou de femmes enceintes au sein de la structure. David Blin et Dominique Goriaux expliquent clairement que l’idée « n’est pas d’empêcher les enfants d’avoir accès à certains loisirs ou activités ». On peut permettre des initiatives en prenant en compte des situations particulières. « L’important est de réfléchir avant tout à leur intérêt pour les enfants accueillis » insiste Dominique Goriaux. Mais elle rappelle aussi que la PMI n’a pas la main sur toutes les questions de réglementation. Celle qui concerne la faune et la flore dans les EAJE, par exemple relève du Ministère de l’Environnement. La question d’une plus grande liberté des pratiques est aussi posée par une porteuse de projet qui veut monter sa micro-crèche. Forte d’un diplôme d’auxiliaire de puériculture, d’un diplôme d’éducatrice de jeunes enfants et d’une vingtaine d’années d’expérience, il lui semble normal de pouvoir intervenir occasionnellement au sein de sa future structure. Impossible selon son service de PMI, dans la mesure où elle est gestionnaire. Les intervenants indiquent que ce cas particulier, comme de nombreux autres, n’est pas traité dans le guide. Mais David Blin précise « qu’il est possible de faire des protocoles sur un mode d’organisation pour répondre à une situation imprévue ». De manière générale, il y a une place pour le dialogue quand la mesure est compatible avec la réglementation. La loi ne prévoit pas tout et il faut toujours prendre en compte le contexte. Question de bon sens.
Poursuivre la réflexion sur certains sujets
Le débat a fait émergé d’autres questions qui demandent encore des réponses. Notamment celle des qualifications : « pourquoi certains départements n’acceptent-ils pas les dérogations pour la présence de non-diplômés dans les EAJE quand d’autres le permettent ? Sur quelle base calculer le 60% – 40% ? » Plusieurs professionnels ou gestionnaires présents ont soulevé encore une fois la disparité de pratiques selon les départements. Plusieurs types de calculs existent, mais ne prennent pas tous en compte le temps de réunion, de formation, d’entretien avec les parents. Réponse : Ici le guide inclut le principe de « qui peut le plus peut le moins » et préconise de renforcer les équipes dès l’ouverture pour ne pas travailler en flux tendu. Autre point polémique : le nombre d’enfants autorisés sur le lieu d’accueil. Par exemple en micro-crèche, les textes ne précisent pas si 11 enfants peuvent être accueillis chaque jour (les 10 prévus et la place d’accueil d’urgence) ou seulement une fois dans la semaine. David Blin concède que « la réglementation est contradictoire et que le sujet est en discussion. » Certains départements font face à des pénuries de personnels ou de médecins de PMI, des aménagements législatifs doivent alors être entrepris. Enfin plusieurs participants regrettent l’absence de liens entre les différents acteurs entre la CAF et gestionnaires de micro-crèches, entre la PMI et la CAF.
Des réponses données, des questions soulevées, des compromis envisagés. Le guide pose les fondamentaux et propose une base de discussion sur la réglementation dans les EAJE. Il ne doit pas être simplement diffusé, mais également commenté et complété, dans un seul but : une meilleure qualité d’accueil des enfants.
Zoom sur le guide ministériel EAJE
Le guide se compose de rappels de la réglementation existante applicable aux EAJE, de recommandations qui peuvent servir de repères lorsqu’il y a une marge d’interprétation, de bonnes pratiques relevées et de paragraphes consacrés à la situation des micro-crèches.
Il s’articule autour de 6 axes :
• les procédures de création, de transformation, d’extension et de contrôle
• la prise en compte des réglementations relatives aux établissements recevant du public, à l’hygiène alimentaire et à l’accessibilité
• les surfaces utiles et l’aménagement des espaces
• les réglementations liées aux jeux et aménagements spécifiques
• l’accueil en surnombre et autorisation ou avis d’ouverture modulé(e)
• l’équipe professionnelle
Le guide est en téléchargement gratuit sur le site du Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.
Armelle Bérard Bergery
PUBLIÉ LE 02 mai 2017
MIS À JOUR LE 09 décembre 2019