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L’accueil de la petite enfance en Suède

En matière de politique en faveur de la petite enfance, la Suède fait figure d’excellente élève : investissement massif dans l’accueil et l’enseignement préscolaire, droit opposable à une place pour tout enfant à partir de l’âge de 1 an, taux record de participation des enfants de moins de 3 ans en accueil collectif… Cerise sur le gâteau ? De très bons résultats au classement Pisa.

Le modèle « suédois » : une politique volontariste envers les familles

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes se mesure, entre autres, par la capacité d’un pays à renforcer le taux d’emploi féminin et, corrélativement, à favoriser la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. La Suède coche les deux cases.
Et sans surprise, la Suède (avec la Norvège, l’Islande, l’Estonie et le Portugal) se positionne parmi les pays avec les politiques les plus favorables aux familles au sein de l’OCDE et de l’Union européenne, selon le rapport de l’UNICEF Are the world’s richest countries family friendly ? (Juin 2019). En 2015, les dépenses publiques liées à l’accueil de la petite enfance et à l’enseignement préscolaire représentent 1,6 % du PIB suédois. C’est le plus fort taux observé parmi les pays de l’OCDE. « Les dépenses par enfant sont passées de 8 350 à 11 550 dollars entre 2005 et 2015 », chiffre l’étude européenne sur les systèmes d’accueil collectif des jeunes enfants (1). Durant cette même période, le nombre d’enfants de moins de 6 ans a également augmenté passant de 577 000 en 2005 à environ 702 000 enfants en 2015.

Une place d’accueil pour tous les enfants à partir d’1 an

Dès les années 1970, un large consensus a permis au pays de développer progressivement son offre d’accueil des jeunes enfants. Des mesures clés ont été instaurées, notamment le droit opposable à une place pour tout enfant à partir de l’âge d’un an, avec le risque pour les communes d’être sanctionnées si elles ne répondent pas à cette obligation envers les familles dans les quatre mois.
En 2014, 83 % des enfants de moins de 6 ans étaient inscrits dans un établissement d’accueil des jeunes enfants. Jusqu’à l’âge de 1 an, les parents gardent leur enfant grâce à un congé parental bien rémunéré (80 % du salaire dans la limite d’un plafond d’environ 2 500 euros/mois) de seize mois. Il peut être pris indifféremment par le père ou la mère (sauf trois mois réservés à la mère et trois mois au père). L’enfant intègre ensuite un accueil préscolaire. Depuis 1995, les communes ont l’obligation de fournir une place d’accueil pour tous les enfants à partir de 1 an et dont les parents travaillent ou sont en étude dans les quatre mois qui suivent leur demande. Depuis 2000, ce droit s’applique à tout enfant quel que soit le statut des parents. Les communes qui ne répondent pas à cette demande dans un délai maximal de quatre mois peuvent être sanctionnées d’une amende par l’inspection des écoles suédoises. « En 2005, 98 % des municipalités respectaient ce délai selon l’Agence nationale pour l’éducation  », signale l’étude européenne (1).

Pas plus de 130 € de frais de garde par mois

Les places d’accueil dans les structures collectives sont cofinancées par l’État, la municipalité et les parents mais la loi sur l’Éducation stipule que le coût d’inscription en accueil préscolaire doit être raisonnable pour les familles. Le montant des frais restant à la charge des familles est faible et plafonné depuis 2002. Les parents dépensent entre 0 et 130 € par mois pour faire garder leur enfant de moins de trois ans. Le plafond de 130 € diminue en fonction du rang de l’enfant et s’applique « aussi bien pour l’accueil préscolaire dans des structures gérées par les municipalités qu’aux structures privées subventionnées », précise l’étude européenne (1) qui détaille ces frais en % du revenu net des familles de la manière suivante :
• Pour une famille de deux enfants âgés de 2 et 3 ans avec les deux parents qui travaillent (l’un avec un revenu à 100 %, le second à 67 %) : 3,9 % (moyenne de l’Union européenne : 10,7)
• Pour une famille monoparentale de deux enfants âgés de 2 et 3 ans : 3,6 % (moyenne UE : 12,6)

En plus du plafonnement des frais au niveau national, les municipalités ont la possibilité « de plafonner le montant maximal par enfant pour les établissements d’accueil préscolaire, en contrepartie de subventions du gouvernement. Elles appliquent alors un tarif pour l’accueil du jeune enfant de façon uniforme comme suivant : 3 % du revenu total du ménage pour le premier enfant ; 2 % pour le deuxième enfant ; 1 % pour le troisième enfant ; l’inscription à partir du quatrième enfant est gratuite. »
À noter que, depuis 1995, les communes ont l’obligation de financer au moins quinze heures d’accueil par semaine (gratuites pour les familles) pour tous les enfants se trouvant dans certaines situations éligibles (familles en situation de précarité ou enfant en situation de handicap par exemple).

Des établissements préscolaires organisés sans distinction d’âge

Les années 1990 marquent la fin du monopole public sur l’accueil de la petite enfance et le développement de centres privés gérés par des entreprises.
Mais la majorité demeure des structures publiques gérées par les communes (80 % en 2016). En 2019, le pays comptait 9 750 établissements préscolaires. En 2019, 85 % des enfants âgés de 1 à 5 ans étaient inscrits dans une förskola d’après le site La Suède en kit. Le modèle d’organisation est « intégré » et « décloisonné », c’est-à-dire sans distinction entre les plus jeunes et les plus âgés.
La plupart des établissements préscolaires ouvrent de 6 h 30 à 19 h 30 et les enfants de moins de trois ans y passent en moyenne 32 heures par semaine. Le taux de participation s’élève à 48,6 % des enfants âgés de 1 an et à 89 % d’enfants âgés de 2 ans. Ce taux élevé est à mettre en corrélation à un taux élevé d’activité à temps plein des mères.

Des pédagogues de la petite enfance reconnus

Parmi les 105 800 professionnels (chiffre de 2016) dans les établissements d’accueil préscolaire, près de 40 % d’entre eux possèdent un diplôme d’enseignant ce qui représente trois années d’études universitaires. Un pédagogue de la petite enfance reçoit la même formation que le personnel des écoles et perçoit la même rémunération qu’un enseignant de l’école primaire. Les assistants suivent de leur côté une formation professionnelle de trois ans dans le domaine de la petite enfance (équivalent bac professionnel). Ces professionnels ont un rôle à la fois d’accueil et à visée pédagogique. Ils ont aussi la possibilité de suivre des formations accélérées pour devenir par exemple éducateurs dans un établissement préscolaire.
Depuis 1996, les structures préscolaires ont des programmes d’enseignement. Les approches pédagogiques prévoient des jeux libres et structurés ; la présence
d’adultes qui observent les enfants pendant le jeu et encouragent la réflexion ; un équilibre entre les activités à l’initiative des adultes et des enfants ; des activités basées sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) ; et l’association de la famille à l’apprentissage des enfants.
Selon le site La Suède en kit, les établissements préscolaires doivent « stimuler la créativité, la curiosité et l’assurance des enfants et leur permettre de développer leurs capacités d’exploration, de communication et de réflexion. Les activités pédagogiques doivent encourager les enfants à prendre des initiatives et des responsabilités, tout en leur permettant de travailler aussi bien seuls qu’avec les autres. Les pédagogues doivent encourager et pousser les enfants à expérimenter leurs propres idées et celles des autres, à résoudre des problèmes et à passer de l’idée à l’action. C’est ce qu’ils réalisent, par exemple, par le jeu, le chant, le mouvement, la coopération, la peinture et l’exploration de la nature. Les repas, inclus, font partie des activités pédagogiques. L’une des missions importantes de la förskola est d’établir la sécurité et de bonnes relations avec les enfants et les titulaires de leur garde. » La förskola, qui accueille des enfants sur un même lieu sur une longue période, facilite l’organisation des parents et favorise le développement de
l’enfant. En témoigne la progression notable de la Suède aux épreuves de compréhension de l’écrit du classement PISA : 7e place en 2018 (contre la 29e place en 2012).
Le système d’accueil des jeunes enfants est rattaché au ministère de l’Éducation nationale depuis 1996 (auparavant rattaché au ministère des Affaires sociales), mais ce sont les communes qui évaluent et suivent les structures d’accueil de la petite enfance.

L’accueil individuel très minoritaire

L’accueil individuel (pedagogisk omsorg) est assuré par des accueillants enregistrés qui s’organisent de différentes façons (au domicile des accueillants ou ailleurs). « Ce mode d’accueil reste toutefois très minoritaire puisqu’il concernait seulement 1 % des enfants de 1 an et 2 % des enfants de 2 et 3 ans en 2017 », remarque l’étude européenne (1). En Suède, confier son enfant dès l’âge d’un an et demi à une structure collective est la norme.

Pas de maternelle, mais une classe préparatoire à l’école pour les enfants de 6 ans

À l’âge de 6 ans, les enfants intègrent une classe préparatoire gratuite (förskoleklass) qui permet le basculement de l’accueil préscolaire à l’école primaire. « C’est en quelque sorte une classe préparatoire à l’école primaire, où l’on commence à aborder des matières un peu plus scolaires. Cette classe est bien sûr gratuite et compte 525 d’heures d’enseignement sur l’année scolaire. Le nombre d’enfants par classe est en moyenne de 15, encadrés au total par 101 243 enseignants employés à plein temps », détaille le site La Suède en kit.

(1) Étude réalisée par EY à la demande de la FFEC et publiée en septembre 2021. Elle compare les systèmes d’accueil de la petite enfance de cinq pays européens (Allemagne, Luxembourg, Royaume-Uni, Portugal et Suède)
 

La Suède en chiffres

• Population totale : 10 120 242 en 2018 (contre 9 011 392 en 2005)
• Nombre d’enfants de moins de 3 ans : 358 970 en 2018 (contre 298 996 en 2005)
• Part des moins de 3 ans dans la population totale : 3,55 % en 2018 (contre 3,32 % en 2005)
• Nombre d’enfants de moins de 6 ans : 724 065 en 2018 (contre 576 698 en 2005)
• Part des moins de 6 ans dans la population totale : 7,15 % en 2018 (contre 6,40 % en 2005)
• Taux de participation des moins de 3 ans (accueil collectif uniquement) : 48,6 % des enfants

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Anne-Flore Hervé

PUBLIÉ LE 04 avril 2022

MIS À JOUR LE 07 octobre 2024

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