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Petite enfance : ce que sera le futur observatoire de la qualité de vie et des conditions de travail

Après 6 mois de travaux, L’ANACT (Agences nationales et régionales pour l’amélioration des conditions de travail) a rendu début novembre un rapport très complet sur la préfiguration d’un observatoire de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) dans les métiers de la petite enfance. Un ambitieux projet, souhaité par le Comité de filière petite enfance et le rapport de l’IGAS, qui entend initier une nouvelle dynamique pour améliorer la visibilité et les conditions de travail des professionnels de la petite enfance. Et il est grand temps !

C’était déjà une proposition phare du Comité de filière petite enfance (CFPE), une mesure immédiate soutenue par Jean-Christophe Combe tout juste nommé ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Pour la création d’un observatoire de la qualité de vie au travail dans la petite enfance, le ministre avait annoncé, en juillet 2022, « le déblocage de 500 000€ pour un accompagnement du Comité de filière sur 18 mois par l’ANACT ». C’était également l’une des recommandations mises en évidence dans le rapport de l’IGAS en mars dernier. Après 6 mois de travail, l’ANACT (Agences nationales et régionales pour l’amélioration des conditions de travail) vient donc de rendre un rapport final qui préfigure l’observatoire de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) de la filière petite enfance.

Il livre un travail collectif ambitieux qui constitue le cahier des charges, précise le périmètre d’action, le positionnement et le fonctionnement du futur observatoire, qui « doit offrir un espace de réflexion et d’impulsion en matière de QVCT pour l’ensemble du secteur, en tenant compte de ses spécificités métiers, sa structure et ses caractéristiques intrinsèques permettant de faire émerger des préconisations conformes aux réalités d’exercice des professionnels », est-il souligné. Pour le Comité de filière petite enfance, investi dans ce projet aux cotés de l’ANACT et de la DGCS, ce nouvel outil devrait permettre de mieux répondre aux enjeux et attentes des professionnels qui constatent, sur le terrain et dans les études, l’importance d’initier une nouvelle dynamique pour améliorer les conditions de travail du secteur et faire de la QVCT un pilier stratégique de la filière. C’est en effet l’une des clés qui permettrait de revaloriser les métiers de la petite enfance et renforcer l’attractivité du secteur, dans un contexte de pénurie de professionnels aggravée.

La QVCT, une revendication forte des professionnels

Il faut avouer que dans les métiers de la petite enfance, la QVCT a souvent été reléguée au second plan, en marge des préoccupations, car décentrée de l’enfant et de la qualité d’accueil. Elle en est pourtant l’un des pré-requis. Comment assurer un accueil de qualité et bien traitant, lorsqu’on est soi-même mal considéré, que l’on travaille dans des conditions inconfortables, exposé à des risques physiques importants ? Pour Pauline Domingo, directrice de projet SPPE et Secrétaire générale du Comité de filière, il faut modérer, entre ce qui ce qui relève des recommandations ou du cadre normatif et ce qui relève des pratiques quotidiennes dans les établissements. « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas des obligations règlementaires que les structures ne se sont pas préoccupées des conditions de travail de leurs propres professionnels, relève-t-elle. De nombreux projets d’établissements sont soucieux de la qualité de vie au travail des professionnels. »  

Dans son rapport, l’ANACT souligne néanmoins que nombreux sont les professionnels de la petite enfance amenés « à produire ou disposer de données relatives à l’accueil des enfants, aux professionnels de l’accueil individuel ou collectif, aux structures privées ou publiques, à la qualité, la sécurité etc. En revanche, note-t-il, il n’y a pas à proprement parler de données disponibles sur la QVCT des professionnels. » Il y a donc un besoin à combler. « La QVCT est un objet encore mal connu dans ce secteur, confirme Samantha Ducroquet, chargée de mission pour l’ANACT, l’une des auteures du rapport. Et quand il est mobilisé, c’est périphérique du travail. » Alors on y investit peu… Elle rappelle que de nombreuses revendications évoquent des salles de repos, certes, mais que c’est loin d’être suffisant.

6 mois de travail entre acteurs paritaires

Premier semestre 2023. L’ANACT et la DGCS, liées par une convention, entament les premiers travaux collectifs pour dessiner les fondements de l’observatoire. Elles réunissent le Comité de filière, trois régions (Occitanie, La Réunion, Nouvelle aquitaine) et le groupe de travail de la préfiguration constitué des représentants des 8 branches, des associations catégorielles, des organisations syndicales, des collectivités territoriales, de l’administration. Au fil d’une mission de 6 mois, elles mènent explorations qualitatives, retours d’expériences, entretiens, explorations en région pour prendre conscience des besoins réels des professionnels. Quatre séminaires de travail vont ensuite leur permettre d’identifier les enjeux, les cibles, les attentes puis de les modéliser pour tracer les contours d’un futur observatoire. « On a eu une vraie qualité d’échanges et de relation entre les membres, reconnait Samantha Ducroquet. Il y a eu des dissensions et du débat mais c’était toujours constructif. Vraiment. » 

Quel rôle pour l’observatoire QVTC de la petite enfance ?

Dispositif innovant, l’observatoire aura vocation à disposer de données fiables pour observer et analyser la QVCT, construire une vision commune à tous les acteurs pour mieux appréhender les enjeux de la QVCT du secteur de la petite enfance. Vision qui lui permettra d’alerter sur les difficultés des professionnels ayant des effets sur la QVCT, d’analyser les freins et les leviers pour leur amélioration. L’observatoire sera alors en capacité d’émettre des préconisations, de proposer des mesures pour répondre aux problématiques, d’innover par des expérimentations. Les fruits de ces travaux pourront outiller les acteurs des concertations pour négocier les accords Prévention Santé au travail, QVCT, et contribuer à l’élaboration des politiques publiques de la petite enfance, à l’évaluation de leurs impacts sur la QVCT des professionnels. « Les démarches QVCT sont des démarches très spécifiques qui supposent des compétences particulières, tient à rappeler Pauline Domingo. Et la culture autour de la QVCT, souvent confondue avec la prévention des troubles musculo-squelettiques ou risques psycho-sociaux, reste très largement à diffuser, et pas uniquement dans le domaine de la petite enfance. » 

Elle impacte directement 6 thématiques, communément reconnues de la QVCT, à savoir :

  • le contenu et l’organisation du travail,
  • la santé au travail,
  • les compétences et parcours professionnels,
  • l’égalité au travail,
  • le management participatif,
  • l’engagement, et les relations au travail.

Un espace opérationnel, voué à changer de nom

« Un observatoire juste pour observer, on trouvait que ce n’était pas intéressant », explique Samantha Ducroquet. L’observatoire sera donc profondément engagé dans l’action, comme en témoignent les quatre principales missions et priorités qui lui seront dévolues, détaillées dans le rapport de l’ANACT :

  • C’est un espace ressource transversal qui valorise et agrège des données sur les professionnels et la QVCT en petite enfance.
  • Il diffuse et valorise la QVTC aux différents relais et développe les moyens de diffusion adaptés.
  • C’est un accélérateur de transformation. Il préconise et met en œuvre des expérimentations, élabore des avis et préconisations, lance des appels à projets pour améliorer la QVCT et évalue les dispositifs en lien avec la QVCT.
  • C’est un initiateur d’évolution. Il explore les principales mutations du travail des professionnels dans le secteur et anticipe les sujets relatifs aux enjeux du travail qui pourraient faire l’objet de politiques publiques ou de demandes des acteurs sociaux.

De fait, un changement d’intitulé s’imposera car selon le rapport « le terme observatoire ne reflète pas la réalité des travaux engagés. Il ne donne pas à voir que derrière ce dispositif, outre le renouveau du dialogue social, c’est l’opérationnalité des travaux menés qui est recherchée. » Deux dénominations plus exhaustives ont donc été proposées : « Espace ressources et d’action pour la QVCT des professionnels de la petite enfance » ou bien « Observatoire pour l’Action – Améliorer la QVCT des professionnels de la petite enfance ». A suivre…

Des objectifs bien affirmés pour soutenir les métiers de la petite enfance

L’Observatoire aura vocation à soutenir la filière petite enfance dans ses différents métiers, dans le respect de la laïcité et de la neutralité politique.

L’ANACT a formulé 7 enjeux et finalités :

  • Mettre en visibilité les professionnels de la petite enfance
  • Prévenir les risques et améliorer la qualité de vie et des conditions de travail.
  • Promouvoir les liens existants entre la QVCT des pros et la qualité d’accueil
  • Contribuer au renforcement de l’attractivité du secteur de la petite enfance
  • Favoriser un système de coordination d’acteurs fluide entre l’échelle nationale et le local.
  • Contribuer à l’amélioration de la qualité de dialogue entre les différents acteurs de la filière sur le sujet QVCT.

Des membres liés par une convention de partenariat

Différents types d’acteurs relais et parties prenantes devraient prendre part à la gouvernance de l’observatoire, répartis dans :

  • Un comité de pilotage,
  • Un pôle technique composé d’un comité technique et de ses groupes de travail, le baromètre QVCT de la petite enfance, la commission dédiée au baromètre et une commission d’évaluation (qui n’interviendra qu’en fin d’année 2 pour accompagner le développement et le suivi de l’observatoire).
  • Un pôle de communication transversale.

Si certains membres siègent de manière pérenne, d’autres experts n’interviennent que ponctuellement en fonction des sujets. Et le rapport de citer la liste des principaux acteurs potentiels identifiés : les branches professionnelles, les organisations syndicales et pro représentées au Comité de filière, l’État (employeur), les financeurs et tutelles (CNAF, CAF, COMMUNES, CD, PMI), les Comités Départementaux de Services aux Familles (CDSF), les services de statistiques  publique (INSEE, DREES, DARES), l’ANACT, les ARACT, les Opérateurs de Compétences (OPCO), Pôle Emploi, Régions emploi, la MDPH, les services de santé au travail, Presance, les organismes de prévoyance et de retraite mandatés dans les branches professionnelles, la branche des risques professionnels de la CNAMTS, les CARSAT, l’ONAPE… Et de préciser que les membres du comité de pilotage pourraient être issus du groupe de travail préfigurateur de la QVT et au-delà, sélectionnés et nommés par la présidence du Comité de filière. Le comité technique sera quant à lui composé d’acteurs issus d’un appel à candidatures auprès du Comité de filière. Le rapport insiste cependant sur l’importance d’élargir l’observatoire à de nouveaux acteurs hors Comité de filière.

Une convention de partenariat (ou une charte) serait établie pour préciser les objectifs et champs d’action de l’observatoire et de ses différents partenaires, valoriser leur engagement. « Quand c’est du bénévolat ça ne marche pas, remarque Samantha Ducroquet. A minima, il faut du temps mis à disposition. Un défraiement. C’est un engagement chronophage qui demande des positionnements. »

4 objets prioritaires pour une exploration approfondie des problématiques des professionnels

Les travaux du groupe préfigurateur et les consultations nationales ont permis d’identifier 4 objets prioritaires pour améliorer la QVCT des professionnels de la filière.
Développés en problématiques précises, ils constitueront un précieux cadre de travail aux groupes et comités qui constitueront l’observatoire. Chaque objet sera investi par un groupe de travail.

Objet prioritaire 1 : Les temps au travail, les temps du travail
P1 Rendre visible l’invisible : mieux prendre en compte les temps « hors enfant ».
P2 Améliorer la conciliation vie pro/vie perso
P3 Favoriser les rythmes de travail et des amplitudes horaires soutenables

Objet prioritaire 2 : Compétences, trajectoires et évolutions professionnelles
P1 Développer et soutenir les étapes et conditions d’un parcours de qualité
P2 Améliorer les parcours de professionnalisation des managers
P3 Se former par et dans les situations de travail
P4 Inscrire ces questions dans des instances et processus de dialogue social

Objet prioritaire 3 : Qualité et réglementations 
P1 Comprendre, appréhender et appliquer une réglementation complexe et mouvante
P2 Mieux comprendre les règles de métier pour construire le cadre de référence de l’accueil du jeune enfant
P3 Reconnaitre l’autonomie et la souplesse des organisations comme leviers de la professionnalité

Objet prioritaire 4 : Santé au travail et travail de prévention 
P1 Construire et suivre des indicateurs de santé au travail (effets, relation, actions) adaptés aux problématiques de terrain.
P2 Documenter les processus d’usure professionnelle et prévenir les difficultés de maintien de l’emploi
P3 Développer des pratiques de prévention en lien avec les problématiques de la filière. (féminisation, vieillissement des personnes et allongement de la durée de vie professionnelle)

Un premier chantier : mise en place du baromètre QVCT de la petite enfance

L’une des premières demandes des représentants de la filière a été la mise en œuvre d’un baromètre, qui permettrait d’avoir une vision précise du secteur, sur les enjeux QVCT au niveau national, mais également un baromètre de proximité, ancré dans la réalité, permettant d’obtenir les données des territoires. Un outil concret, conçu sur mesure, déclinable par branche, qui permettrait un suivi dans le temps. « Le baromètre de la filière petite enfance serait un bras de l’observatoire », précise Samantha Ducroquet. Il viserait à réaliser des mesures des perceptions collectives par l’expression individuelle de l’ensemble des professionnels des métiers de la petite enfance. Le rapport indique qu’ALISFA préconise une collecte de données auprès de l’ensembles des EAJE via l’OPCO Uniformation alimentant un fichier unique, ou bien via les CAF.

Ce baromètre pourrait se révéler tout particulièrement utile pour outiller les acteurs de terrain et les acteurs politiques et « contribuer de manière active, à faire émerger collectivement les moyens de suivre localement les effets des réformes d’ampleur qui seront menées dans le secteur et innerver la politique publique de l’enfance en s’appuyant sur le retour des expériences « terrain », afin d’éclairer les choix nationaux tant législatifs, que réglementaires ou budgétaires. » La feuille de route envisagée par l’ANACT indique qu’il pourrait être opérationnel à l’issue de la seconde année d’exercice de l’observatoire. Une commission dédiée aura pour mission de construire et animer le baromètre de la QVCT de manière participative, dont les membres seront issus d’un appel à candidature.

L’expérimentation, un maillon essentiel

En dessinant les contours de l’observatoire, l’ANACT insiste sur sa capacité à expérimenter. Le moyen le plus à même de voir ce qui fonctionne ou non, d’oser faire autrement et d’en tirer des enseignements. Une compétence essentielle, estime l’ANACT qui en a fait son mode d’action. « Des données pour des données ça finit dans les tiroirs ! L’expérimentation est une de nos modalités d’intervention, affirme Samantha Ducroquet. L’action c’est apprenant, autant au niveau de l’individu qui vit l’expérimentation que du collectif, que de l’organisation. C’est apprenant à différentes échelles. Si cet observatoire agite une réflexion, manipule des données, formule des hypothèses, pourquoi ne pas les tester ? » 

On parle là d’expérimentations à petite échelle, représentatives d’un ou plusieurs bassins de vie sur plusieurs territoires, au sein de divers types de structures d’accueil collectif et d’accueil individuel, sur des cohortes et territoires représentatifs. Des expérimentations facilement duplicables, cadrées par un accord de méthode entre différents partenaires, un calendrier à court et moyen terme, après une étude de financement partagé entre l’Etat, les régions les départements, la Cnaf, voire les branches professionnelles.

Un ancrage local appuyé sur les CDSF et des référents QVCT

Pour faciliter la circulation des données à tous les échelons, rendre visibles les enjeux de QVCT, contribuer à la mutualisation des moyens et données et à la diffusion des informations des instances nationales au niveau local, l’ANACT mise sur un fonctionnement en réseau.

L’Observatoire s’appuiera sur :

  • Les instances nationales qui tissent des liens avec les acteurs locaux
  • Un réseau de partenaires
  • Un ancrage local au sein des CDSF

L’ANACT envisage également la création d’une fonction de référent QVCT, éventuellement issu des CAF ou PMI (cela n’a pas encore été tranché), qui animerait le réseau de partenaires régionaux et départementaux, voire communaux et assurerait l’interface national-local, en appui du coordinateur national de l’observatoire. « Un relais déterminant, une balise sur le terrain, une mission nécessaire au local », évoque Samantha Ducroquet. Ce référent recevra une formation à la QVCT. Il pourra ainsi animer des groupes de travail, collecter des données, et relayer les objectifs de l’observatoire. Une fonction que l’on pourrait imaginer voir pérennisée, comme l’a été celle de Référent Santé et Accueil Inclusif (RSAI), obligatoire depuis janvier 2023, instaurée par le décret n°2021-1131 du 30 août 2021de la réforme des services aux familles. Pauline Domingo fait également remarquer que « dans d’autres secteurs, notamment les établissements médico-sociaux, un vademecum sur la mise en place d’une démarche QVCT a été proposé par l’ANACT. Sans doute que le secteur (Ndlr : de la petite enfance) a aussi besoin d’un vademecum pour s’approprier cette culture de la QVCT. » 

Accueil collectif et individuel rejoignent les mêmes problématiques

Réunis autour de l’ANACT, les acteurs de la filière ont mis un point d’honneur à ce que cet observatoire soit un lieu pluri-disciplinaire et paritaire favorable au croisement des regards d’une grande variété de métiers, d’un écosystème multi employeurs dans des structurations et modalités d’accueil diverses. « Pour définir les objets prioritaires, on a travaillé dans un premier temps en dissociant l’accueil individuel et l’accueil collectif, explique Samantha Ducroquet. Et puis très vite on s’est rejoint sur une porosité et une concordance des thématiques et on a pu faire se rejoindre les deux. C’est intéressant aussi », admet-elle, expliquant que tous pourront ainsi travailler ces problématiques communes très concrètes au-delà des enjeux de posture de chacun.

Une gouvernance et un budget encore très flou

Une question reste cependant sans réponse : qui portera l’observatoire et assurera sa gouvernance ? Le rapport de l’ANACT propose deux scénarii : un portage unique (CFPE) ou un polyportage (par exemple : la CNAF et le CFPE ou bien la DGCS et le CFPE). Selon Pauline Domingo, « Le portage de l’observatoire va surtout dépendre des arbitrages ministériels qui n’ont pas encore été remontés, explique-t-elle. Il y a eu un rapport, le ministère a validé la demande du Comité de filière, a débloqué de l’argent et missionné la DGCS pour piloter le travail de l’ANACT. Nous avons maintenant un rapport. Il est donc tout à fait normal que l’on ait un arbitrage ministériel sur les suites à donner. » 

L’ANACT préconise  un rythme de fonctionnement pluriannuel « en phase avec la détermination des politiques de financement de la petite enfance par exemple », qui pourrait donc se positionner sur une durée identique à celle de la COG 2023-2027. Sans gouvernance, le plan de financement n’a pas encore été établi. Le fonctionnement de l’observatoire tel qu’il est préfiguré par le rapport de l’ANACT impliquerait des coûts de fonctionnement RH. Il est précisé : « Notre estimation est d’environ 4 ETP requis pour mener à bien la gestion d’un observatoire QVCT PE ». S’y ajouteraient des coûts externes importants. Sur l’épineuse question du financement, le rapport cite de nombreuses sources qui pourraient abonder le budget : la COG de la CNAF, le PLF dans son programme 304-17 (DGCS), la CCMSA, le fond d’innovation de la DGCS, Le Fact (Fonds d’amélioration pour les conditions de travail géré par l’ANACT), le HDS (financement haut degré de solidarité mobilisable par les branches pour les expérimentations notamment). « Le financement fait partie des arbitrages que nous sommes en train de remonter et que nous essayons de budgéter pour 2024 et pour la suite, précise Pauline Domingo. Le budget est à travailler en articulation avec les différents besoins des administrations pour déployer le projet de SPPE : nous avons besoin de moyens pour mettre en œuvre cet observatoire, renforcer les moyens du secrétariat général du Comité de filière, poursuivre l’investissement sur la promotion des métiers, accompagner la mise en œuvre des autorités organisatrices, etc. Nous allons donc devoir trouver un équilibre dans les priorités et tenir compte de la capacité à faire de chacun. »

Deux ans pour poser les bases d’un système

Pour l’instant, la feuille de route, détaillée au fil du rapport, s’étend sur deux ans. Pour cette première année déjà bien entamée, l’objectif est de mobiliser les acteurs de la filière pour créer et faire fonctionner l’observatoire, d’adopter une vision partagée, à long terme pour améliorer la QVCT, de recueillir l’engagement formalisé des acteurs à moyen et long terme dans une convention partenariale. Également, lancer les productions dans les groupes de travail et la commission baromètre, mettre en place un système SI adapté aux remontées de terrain et trouver une vraie fluidité de communication entre les acteurs, niveau local et national. La seconde année, le comité espère produire des préconisations en sortie de groupe de travail, produire des bilans et des pistes d’action à 2 ans, dégager les premiers enseignements sur le fonctionnement interne, des dynamiques territoriales mobilités dans l’observatoire en faveur de la QVCT, des plans d’action QVCT à diverses échelles et enfin lancer le baromètre QVCT PE.

En parallèle, rappelons qu’une mission IGAS est en cours pour l’élaboration d’un référentiel sur la qualité de l’accueil«Il y aura dans ce référentiel des éléments sur les pratiques organisationnelles, sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail des professionnels, sur les démarches d’amélioration continue de la qualité et de réflexivité et d’analyse de la pratique professionnelle, détaille Pauline Domingo. Sur la base de ce référentiel, on sait qu’un certain nombre d’EAJE vont se rendre compte qu’il y a des éléments sur lesquels ils ont une marge de progression importante. Et les démarches QVCT pourront être un moyen, parmi d’autres, de progresser sur certains axes de ce référentiel qualité. Pour nous, ce sont des démarches qui ont vocation à être très articulées », insiste-t-elle.

Des défis à relever pour s’inscrire dans la durée

Si la feuille de route et les objectifs sont ambitieux, le Comité de filière et ses partenaires – qui mettront en place ce nouvel organe – vont devoir relever certains défis pour affirmer sa légitimité. Primo, assurer sa pérennité. « Compte tenu des difficultés existantes constatées en termes de QVCT au sein du secteur de la PE, cet observatoire doit s’inscrire dans la durée. Ainsi la pérennisation de l’observatoire nous apparait comme déterminante », appuie le rapport. Cela implique également de ne pas être trop proche du ministère pour ne pas dépendre de ses fluctuations… Le rapport recommande d’envisager « un cadre de travail et des relations institutionnelles qui ne soient pas soumises aux évolutions des mandatures, tout en inscrivant cette action dans un cadre sécurisé durable, notamment via des modalités de financement pluriannuel. » Deuxio, garantir la légitimité de ses membres. Ce qui sous-entend leur donner du temps et des moyens pour s’investir, faire reconnaitre et valoriser leur engagement dans leur propre organisation, instaurer la confiance et mettre en place une véritable stratégie de communication interne. Enfin, tertio, l’action QVCT de l’observatoire devra s’inscrire dans une logique de « pas à pas ». Le rapport rappelle « le caractère progressif de ce type de démarche (…) qui n’ont pas vocation à résoudre toutes les difficultés en même temps, tout comme il n’est pas toujours possible de résoudre toutes les difficultés en même temps ». 

Un véritable challenge pour les acteurs de la petite enfance

L’ANACT l’a bien compris, cet observatoire est voué à s’inscrire dans un écosystème complexe, multi-employeurs, qui rassemble une grande variété de métiers, de modalités d’accueil, une multitude de partenaires sociaux. Avec des préoccupations communes mais également de nombreux points de discorde,  y compris au sein du Comité de filière. Mais dans le cadre de l’observatoire, les représentants des différentes filières et métiers seront amenés à faire « un véritable apprentissage collectif dans un esprit de consensus ». Dans cet espace neutre, centré sur la QVCT, il sera peut-être plus facile d’abandonner « les postures de façade », de mener la discussion « au-delà des étiquettes et des points de vue partiels » appuie le rapport. « Ce sera un vrai challenge, confirme Samantha Ducroquet. On a eu une belle qualité d’échanges mais je ne suis pas dupe, il faut de l’audace aujourd’hui, dans le milieu de la petite enfance pour le faire ! C’est aussi politique, ça peut être un objet stratégique… » 

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Laurence Yème

PUBLIÉ LE 28 novembre 2023

MIS À JOUR LE 17 avril 2024

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