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Table ronde 3. Quel avenir pour les micro-crèches ?

Elles se sont beaucoup développées depuis une dizaine d’années et ont permis d’accroître le nombre de places d’accueil. Les micro-crèches puisque c’est d’elles dont il s’agit ici ont certes des atouts qui séduisent les parents, mais elles sont aussi parfois accusées, pour certaines en tout cas, de rechercher le profit avant tout, au détriment donc des enfants, des familles et des professionnels. Particulièrement visées, les micro-crèches Paje dont le financement considéré comme opaque a ainsi été pointé du doigt par l’Igas dans son rapport sur les crèches et la qualité de l’accueil. Et la ministre Aurore Bergé de diligenter une mission sur le financement de ses structures. Bref, on voit bien que les micros questionnent et que des évolutions sont à prévoir… Pour échanger sur leur avenir, six invités : William Martinet, député LFI-Nupes des Yvelines, qui est en train de monter une commission d’enquête parlementaire sur le modèle économique des entreprises de crèches. Sarah Ferrandi, responsable Enfance et parentalité de l’ADMR ; Elsa Hervy, déléguée générale de la FFEC ; Philippe Dupuy, directeur de l’Acepp ; Géraldine Guillot, trésorière du REMi et Cyrille Godfroy, co secrétaire général du SNPPE.


Mission Igas sur les micro-crèches : pour plus de transparence sur leur financement

William Martinet, député LFI-Nupés des Yvelines, a ouvert le bal de cette 3e table ronde. Selon lui, cette mission, « c’est un début parce qu’il y a un sujet sur les micro-crèches, et en particulier sur ces micro-crèches Paje ». « Il y a la théorie, a-t-il continué, c’est-à-dire des structures de petite taille, de proximité, qui permettent de meilleures conditions de travail, un meilleur accueil des enfants (…), il y a aussi la pratique et la réalité du terrain (…) : l’écrasante majorité des micro-crèches sont gérées par des acteurs privés lucratifs. Le développement des micro-crèches, c’est 10 dernières années, ça été le cheval de Troie à travers lequel le secteur de la petite enfance a été massivement marchandisé (…). On ne peut pas discuter des micro-crèches sans discuter derrière de qui sont les gestionnaires et pourquoi ils se sont engouffrés sur cet outil de micro-crèche. » Bref, le député LFI-Nupes des Yvelines est plus que favorable à cette mission car il faut « investiguer pour savoir où va l’argent public », mais il souhaite aussi une commission d’enquête parlementaire sur les crèches privées (NB : la demande de création de cette commission a été déposée le 24 avril dernier et renouvelée début septembre).

Une mission également bien accueillie à l’ADMR qui gère surtout des micro-crèches associatives dont plus de la moitié sont en Psu. Un modèle qui a leur préférence. « On attend beaucoup de la mission de l’Igas pour éventuellement aller vers un modèle unique et plus accessible pour toutes les familles », a ainsi souligné Sarah Ferrandi, responsable Enfance et parentalité de l’ADMR. 

Du côté de la FFEC, Elsa Hervy a assuré que tous les adhérents participeront à cette mission. Sur les deux types de financement (Psu ou Paje) dont peuvent bénéficier les micro-crèches, elle a précisé : « Un fonctionnement Psu en l’état de la Psu telle qu’elle est conçue ça nécessite d’aller chercher un tiers réservataire, c’est-à-dire une mairie (…) ou un employeur. Il y a des endroits où les mairies ne veulent pas s’engager, ne peuvent plus s’engager, il y a des endroits où les parents n’ont pas des employeurs qui sont engagés pour leur réserver des places. Le modèle Psu ne fonctionne que si vous avez 70% de vos places réservées. Il y a des endroits où la micro-crèche Paje n’est que la solution et c’est souvent l’implantation qui détermine ce modèle-là. »

Tout comme à l’ADMR, à l’Acepp, le modèle Psu est le plus usité puisque seul 1/3 des micro-crèches sont en Paje. « On s’est bagarré pour inventer la Psu, un système pour arrêter de taper dans le porte-monnaie des familles pour financer un mode d’accueil. Quand on a vu la Paje arriver dans la petite enfance, on s’est dit qu’on avait reperdu. On ne peut pas être d’accord sur le fond avec le système Paje en tant qu’Acepp », a affirmé Philippe Dupuy, son directeur général. Toutefois, si ce type de micro-crèche existe à l’Acepp, c’est la plupart du temps pour des raisons politiques, de stratégie. Concrètement, afin d’éviter que le secteur marchand ne s’installe, l’Acepp fait le choix du mode de financement Paje pour le contrer. 

Au REMi, qui regroupe 280 adhérents, un peu moins de 600 micro-crèches, la donne est différente puisqu’il n’y a que des micro-crèches Paje. « On a accueilli la mission avec intérêt, a indiqué Géraldine Guillot, la trésorière. On est complètement partant pour être sollicités. On attend de voir la suite ».

Sans surprise, le SNPPE s’est dit pour sa part ravi que l’Igas ait été missionné sur le financement des micro-crèches. Cyrille Godfroy, cofondateur du syndicat, a par ailleurs tenu à revenir sur l’enquête de la DGCCRF sur les prix et les contrats des micro-crèches menée en 2021 et rendue publique en août 2022. « On se rend compte qu’au niveau des aspects contractuels entre les entreprises et les parents, on a eu dans ce panel d’illustrations qui a été fait par la DGCCRF, des choses qui sont allées bien trop loin », a-t-il expliqué. 

Le coût d’une place en micro-crèche Paje pour les familles et l’éventuelle réforme du CMG structure 

Concernant le coût pour les familles d’une place d’accueil dans une micro-crèche Paje, Elsa Hervy a défendu : « Si on prend une famille qui a deux SMIC, dans une micro-crèche Psu, la dépense publique sera de 1600 euros par mois, dans une micro-crèche Paje, la dépense publique est de 800 euros par mois et c’est quasi les mêmes obligations. Si à la fin ça coûte plus cher aux familles, c’est parce que l’Etat y verse deux fois moins aussi. Il faut bien qu’il y ait quelqu’un qui finance. » Puis, elle a partagé la vision de la FFEC quant à la future réforme (si réforme il y a) : « Nous ce que l’on porte, c’est une réforme plus juste pour la qualité et plus juste pour les familles. (…) Notre réforme idéale : les 10 euros indexés sur l’indice et l’aide aux parents indexée sur l’indice du coût réel de la place des crèches et si un employeur accepte de réserver des places de crèches pour ses salariés et qu’un salarié choisit une micro-crèche Paje, qu’on ait le droit de donner à cette famille-là un avantage tarifaire qui fasse qu’elle paie le même prix à la fin du mois que ce qu’elle aurait payé pour une micro-crèche Psu. On espère que la mission Igas va faire enfin la transparence sur le modèle et qu’elle va enfin poser les vraies bonnes solutions. » 

Rejoignant la FFEC, sur le fait que l’accueil de qualité nécessite de l’argent public, William Martinet a toutefois souligné : « Oui il faut de l’argent public, mais à qui on le donne est déterminant pour savoir s’il va bien au service des professionnels et des enfants. Et à mon avis aujourd’hui ce n’est pas systématique. » Et a donné pour exemple « les entreprises privées de crèches s’appuyant sur la réservation des berceaux par les entreprises bénéficiant du crédit d’impôt famille qui sont à des niveaux de prix très élevés et utilisent beaucoup d’argent public. Un modèle où l’argent public n’est pas bien utilisé », selon lui. 

Le REMi de son côté estime nécessaire une réforme du CMG structure et en donne les raisons. « 60% de nos adhérents n’ont aucun berceau d’entreprise et 20% ont un seul berceau d’entreprise. Ce sont quasiment uniquement les familles qui viennent nous payer chaque mois. On serait donc favorables à ce que le reste à charge des familles soit moindre que ce qu’il n’est aujourd’hui », a soutenu Géraldine Guillot.

Au SNPPE, comme à l’ADMR, le modèle unique de la Psu est plébiscité. « Quand on crée une micro-crèche en milieu rural, l’idée c’est de redynamiser un village (…) Si on crée une micro-crèche en Paje, malheureusement souvent ce n’est pas une solution accessible pour une grande partie des familles, c’est contre-productif », a partagé Sarah Ferrandi. Et a poursuivi : « Même si on gère des micro-crèches en Paje, on serait pour un modèle unique de la Psu, peut-être un peu revu car le modèle est compliqué. Pour nous, ce double modèle ne répond pas vraiment aux besoins des familles sur les territoires. » 

Une réglementation dérogatoire qui n’irait pas dans le sens de la qualité

Les micro-crèches bénéficient d’une réglementation plus souple par rapport à la qualification des professionnels de la petite enfance qu’elles emploient (elles peuvent fonctionner qu’avec des CAP AEPE) et au nombre d’adultes présents à l’ouverture le matin et à la fermeture le soir de la structure (un pro jusqu’à 3 enfants). Sur ce dernier point, la première ministre Elisabeth Borne a annoncé qu’il devrait y avoir 2 adultes dès le premier enfant accueilli mais n’a pas précisé à partir de quand cela deviendrait obligatoire pour les micro-crèches. « Des annonces reçues favorablement au syndicat parce que c’est quand même incompréhensible que suivant le type de structure où on se trouve, il y ait un besoin d’encadrement qui soit différent alors qu’on a accueille le même public », a développé Cyrille Godfroy. L’ADMR pour sa part affiche clairement sa volonté d’avoir une réglementation commune à tous les EAJE. « Cela nous permettrait d’avoir quelque chose d’opposable, d’obligatoire pour tout le monde et donc finançable par défaut », a motivé Sarah Ferrandi. Et William Martinet de rebondir : « le sujet est toujours le même : dans quel cas nous sommes dans la souplesse, dans quel cas nous sommes dans de la dérégulation. Concernant les micro-crèches, réforme après réforme, on a basculé dans la dérégulation avec des normes qui deviennent moins-disantes. La réponse à ça ne peut pas être simplement au niveau de la micro-crèche (…), ça veut dire que le sujet doit être pris dans l’ensemble, c’est la question des normes en termes d’encadrement et de niveau de diplôme principalement dans l’ensemble du secteur. » S’il a bien noté l’engagement d’Aurore Bergé quant au 1 adulte pour 5, il s’est toutefois dit inquiet sur le « dès que possible » car « les moyens n’ont pas l’air de suivre. » Au REMi, Géraldine Guillot a indiqué que sur le fond, ils sont tout à fait d’accord avec le 2 adultes dès le 1er enfant accueilli promis par Elisabeth Borne car « c’est plus de qualité, plus de sécurité », d’ailleurs plus d’1/3 des micro-crèches du REMi fonctionnent déjà comme ça. Elle a toutefois reconnu que la mise en place de cette mesure sera « un coût financier supplémentaire » et qu’il faudra peut-être revoir l’amplitude horaire de certaines structures pour être dans les clous. 

Taux d’encadrement : micro-crèches versus Mam

Pour Philippe Dupuy, « comment on va pouvoir expliquer qu’avec deux enfants, il faille deux professionnels et que dans une Mam, même collectif d’enfants, on n’ait pas du tout les mêmes types d’exigences ? J’espère que dans le rapport Igas on pourra aborder cette question-là. Actuellement, si les élus vont vers les micro-crèches Paje, c’est parce que cela ne leur coûte rien. Et si après, on commence à leur mettre des contraintes supplémentaires, ils vont aller vers les Mam. C’est déjà le cas, on le constate tous sur le terrain. Même chose du côté des professionnels qui préfèrent créer une Mam plutôt qu’une micro-crèche. » Sarah Ferrandi de l’ADMR est pour sa part complètement en phase avec les dires du directeur général de l’Acepp. « On voit s’opposer sur les territoires ruraux les Mam avec les micro-crèches alors que cela devrait être complémentaire », a-t-elle fait remarquer. Et, quant à Elsa Hervy, la différence de traitement entre Mam et micro-crèche, la « laisse perplexe » notamment « en termes de sécurité avec ces taux d’encadrement différenciés puisque les assistantes maternelles peuvent être seules avec 4 enfants parfois même 6 si elles ont eu une dérogation de la Pmi. » 

Consensus sur la nécessité d’augmenter le niveau de qualification des pros

La déléguée générale de la FFEC a poursuivi sur la question des qualifications. « Le débat sur l’augmentation des qualifications est extrêmement gênant, a-t-elle affirmé, car il envoie un drôle de message à 60% des professionnelles de crèche qui ont des CAP petite enfance et à qui on dirait qu’elles ne sont pas assez bien car leur formation n’est pas assez bien et il envoie le même drôle de message aux centaines de milliers d’assistantes maternelles qui ont des formations qui sont encore inférieures au CAP petite enfance. Vouloir tous augmenter la qualification, le professionnalisme, faire de la formation continue, se réinventer, et pousser les équipes à s’améliorer oui. Vouloir mettre par principe une barrière et en fait empêcher ce qu’est aujourd’hui la petite enfance pour une part importante de professionnelles, accueil individuel ou accueil collectif, un métier de la 2e partie de la vie (…), non (…). Je pense que l’on peut faire progresser tout le monde. »
Pour William Martinet : « la bataille pour augmenter le niveau de qualification des professionnels dans le secteur est fondamentale ; il ne faut pas l’abandonner. Si on veut que le secteur soit valorisé et reconnu (…) Il faut former plus et mieux les professionnels. » Quant à Cyrille Godfroy, à propos de la qualification des professionnels de la petite enfance, il a fait remarquer : « Tout gestionnaire peut faire mieux. Le code de la santé publique ce n’est pas le Saint-Graal à atteindre, c’est le minimum à assurer. ». Enfin, Philippe Dypuy estime qu’il faut un EJE par micro-crèche. A bon entendeur…

Avenir des micro-crèches : le mode dérogatoire sur la sellette ?

Avant de clôturer la table ronde et répondre à l’ultime question : « Que faut-il changer dans le modèle des micro-crèches ? », le sociologue Pierre Moisset a rappelé les enseignements de l’étude Label Vie sur la qualité de vie au travail dans l’accueil collectif concernant les micro-crèches. Pour faire court, les professionnels de ces petites structures ont mentionné un « niveau moyen de bien-être supérieur » à ceux de tous les autres établissements. Y participant notamment : une meilleure qualité des locaux et une cohésion d’équipe plus importante. Toutefois, si les professionnels de micro-crèches avaient le sentiment de « faire un meilleur suivi individuel des enfants », « l’animation du collectif d’enfants était perçue comme étant moins bonne en micro-crèche (…) » du fait de « la distance de la direction qui est une direction flottante sur plusieurs établissements », a précisé le sociologue.

Alors qu’est-ce qu’il faut changer ? Pour Cyrille Godfroy : il convient d’« arrêter le mode dérogatoire ». Géraldine Guillot du REMi a confié pour sa part : « pour l’avenir, on souhaiterait pouvoir toujours s’améliorer en termes de qualité d’accueil mais cela a un prix. On se battra pour que le CMG soit revalorisé pour les familles avec un reste à charge moindre, qu’on puisse déplafonner les 10 euros de l’heure et pourquoi pas un abattement de la taxe sur les salaires que l’on paie chaque année. On aurait un abattement comme le milieu associatif, cela permettrait de revaloriser plus rapidement nos professionnels. (…) » Quant à Philippe Dupuy, il propose purement et « simplement de supprimer la Paje et réfléchir au seuil de 12. » En accord avec le directeur de l’Acepp et le cofondateur du SNPPE, Sarah Ferrandi a affirmé : « Ce n’est pas la micro-crèche en soi qui est problématique (…), c’est plus la différence de réglementation, de mode financement. Finalement, une micro-crèche sous le même régime que les autres EAJE, avec le même financement et un peu plus de soutien pour les petites communes. » Enfin, selon Elsa Hervy, « l’avenir des micro-crèches est entre les mains d’une mission Igas. J’espère qu’elle va pouvoir montrer la vérité de la micro-crèche aujourd’hui et permettre de trouver les leviers pour arriver à un système plus juste pour les familles sans dégrader la qualité de l’accueil, en permettant au contraire de l’augmenter. Et aussi plus juste pour les professionnels. (…) » Et William Martinet de conclure : il faut « d’abord, conserver la proximité, la taille humaine. Et ensuite dans ce qu’il faut changer : un financement qui soit transparent pour savoir où va l’argent public, un financement suffisant pour que le reste à charge des parents soit raisonnable, un financement qui permette surtout de valoriser les professionnels. Et bien sûr, il faut démarchandiser ! ».

Ecouter le podcast de la table ronde Quel avenir pour les micro-crèches ?

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Caroline Feufeu

PUBLIÉ LE 22 septembre 2023

MIS À JOUR LE 25 septembre 2023

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