A quand une formation aux Violences Educatives Ordinaires (VEO) pour les pros ?

Face aux violences éducatives ordinaires, les professionnels de la petite enfance sont en première ligne. En première ligne car ils sont souvent les premiers témoins de ces violences faites aux enfants accueillis, mais aussi car leur pratique n'est pas toujours exempte de VEO, même si le sujet reste aujourd'hui tabou. D'où une prise de position forte de Céline Quelen, Présidente de l'association Stop-VEO : chaque professionnel accompagnant au quotidien des enfants devrait suivre une formation. Explications.
Près de trois ans après le vote de la loi du 10 juillet 2019 interdisant les violences éducatives ordinaires, force est de constater que la situation n'a que très peu, trop peu évolué France. En atteste, s'il ne faut reprendre qu'une source parmi tant d'autres, le baromètre des VEO publié mi-octobre par la Fondation de l'enfance. Son chiffre le plus éloquent : sur les 1 314 parents interrogés, 79 % ont confié avoir eu recours à au moins une violence dite « éducative » la semaine précédant l’enquête. C'est dire si le chemin à parcourir est encore très long.

VEO : après l'espoir, la déception
Et pourtant, le combat été plutôt bien engagé. « La loi de 2019, puis l'inscription des VEO dans la politique des 1000 premiers jours a marqué une vraie prise de position du gouvernement de l'époque pour cette cause, » rappelle Céline Quelen, présidente de l'association Stop-VEO, avant de constater, que l'émulation est retombée comme un soufflet. « Reçus au ministère de la Santé, nous avions réclamé, une campagne de sensibilisation d'envergure qui durerait plusieurs années, le déploiement d'un vrai soutien à la parentalité et aux parents, une formation aux VEO dès la formation intiale des professionnels de la petite enfance, et l'intégration des VEO dans une réflexion interministérielle, mais il n'en a rien été », continue-t-elle en rappelant que les violences éducatives ordinaires sont partout : dans le sport, la culture, mais aussi sur les lieux d'accueil de la petite enfance.

Des professionnels parfois vecteurs de VEO
Face à cet état des lieux en demi-teinte, les professionnels de la petite enfance ont un rôle essentiel à jouer : celui de la prévention. Une prévention des violences éducatives ordinaires à l'égard des parents d'abord, et évidemment. « Les professionnels sont en première ligne face aux VEO. En reconnaissant ces violences, mais aussi en adoptant une posture exemplaire, ils peuvent être prescripteurs de bonnes pratiques pour les parents, » continue Celine Quelen. Mais une prévention tout aussi essentielle quand il s'agit de leurs propres pratiques. En effet, même si le sujet est encore très (trop) tabou dans le secteur, il faut aujourd'hui l'aborder : les professionnels peuvent eux aussi être le vecteur des violences éducatives ordinaires, que cela soit envers leurs propres enfants ou envers les enfants accueillis. Le hic : les pros ne s'en rendent pas toujours compte et quand c'est le cas, peuvent se sentir bien isolés dans leur gestion de la situation, comme l'étaye la présidente de Stop-VEO. «  Le problème avec les violences éducatives ordinaires, c'est que même les professionnels en contact avec les enfants ne le cernent pas toujours bien. Il y a souvent un amalgame entre les douces violences, les violences institutionnelles, les VEO et parfois même la maltraitance, » explique-t-elle.

Et de veiller à déculpabiliser les professionnels concernés : « aujourd'hui, la pratique d'accueil, qu'elle soit en crèche ou chez l'assistante maternelle, ne peut pas être décorrelée de notre propre éducation et du contexte social actuel. Or, les VEO sont parfois tellement ancrées en nous, qu'il est difficile d'accompagner les enfants avec bienveillance et bientraitance. Quelle que soit notre formation, il faut toujours 'faire le ménage' dans ce qu'on a vécu avant de s'occuper d'enfants, » rappelle Celine Quelen.

Une formation actuelle aux VEO trop disparate
Dans cette double approche de connaissance des VEO et de soi, une formation spécifique peut être utile, voire nécessaire. Elle est d'ailleurs, dans certains cas, obligatoire. Ainsi, la loi du 10 juillet 2019 dans son alinéa 2, précise que les assistantes maternelles doivent être formées aux gestes de secourisme et à la prévention des violences éducatives ordinaires. Reste à savoir quand et comment. Pour Celine Quelen, l'idéal serait évidemment que cette sensibilisation se fasse dès les 120h de formation initiale des professionnels de l'accueil individuel, mais aussi des personnels de l'accueil collectif. Le hic : « la formation initiale relève de la compétence du Conseil départemental et l'intégration des VEO dans ce cadre est souvent laissée à la discretion des organismes départementaux. Cela donne lieu à de grandes disparités selon les territoires », souligne-t-elle. En d'autres mots : peut beaucoup mieux faire.

Vers une nouvelle offre de formation aux VEO
En attendant que la question de la formation intiale évolue, Stop-VEO a déployé, en 2022, une formation continue sur les violences éducatives ordinaires à destination de tous les professionnels en contact avec des enfants (de l'accueil, mais aussi dans le secteur de la solidarité par exemple). Au programme de cette offre de 7 h :
  • un apport théorique pour clarifier la notion de VEO, acquérir les connaissances de base sur la loi française, mais aussi sur les droits de l'enfant à l'échelle internationale,
  • un focus sur les conséquences des VEO notamment à la lumière des neurosciences affectives et sociales,
  • un pan plus pratique pour aiguiller les professionnels afin qu'ils sachent intervenir auprès des enfants et des adultes et les orienter...
Mais ce n'est pas tout, l'objectif de la formation est aussi de revenir sur ses propres ressentis afin de trouver une résonance, en chacun, des VEO. Un début de démarche introspective pour aider les pros à mieux se comprendre dans ce contexte de violences ordinaires.
Une autre offre de formation, plus courte celle-ci, est aussi disponible. Au-delà de son apport théorique (1h), cet atelier tire sa force d'une vraie démarche ludique à base de jeux de rôles, de quiz , etc. L'objectif de l'association : le proposer aux professionnels, mais engager aussi les structures à les proposer aux parents.

Et en attendant la formation, que faire ?
L'offre de formation, de Stop-VEO notamment, en est aujourd'hui à ses prémisses. Preuve en est, l'association commence seulement à intégrer son offre dans les catalogues de formation, et peine encore parfois à répondre à la demande, notamment des assistantes maternelles qui verraient bien une formation VEO chez Iperia. Autant dire que les pros devront encore un peu patienter avant de pouvoir en bénéficier. Reste qu'en attendant, il est essentiel, selon Céline Quelen, de rester vigilant. Et à la spécialiste des violences éducatives ordinaire de livrer quelques recommandations, sans jugement, aux personnels de l'accueil collectif et individuel, à savoir :
  • Ne pas rester seul.e face aux VEO : « Si des violences de cet ordre ont été identifiées chez les parents ou d'autres professionnels, il faut déjà faire un constat positif : les reconnaître, c'est un pas vers la mise en place de solutions », rappelle-t-elle en soulignant qu'à ce stade, il est important de se mettre en relation avec des associations dédiées comme Stop-Veo pour pouvoir bénéficier d'un soutien.
  • Ne pas culpabiliser : dans la même lignée, prendre conscience que sa propre pratique est problématique est une réelle avancée. « Comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche dans sa manière d'accueillir les enfants mène souvent les professionnels à s'en vouloir. Il faut comprendre que malheureusement, ces violences arrivent, tant elles imprègnent encore notre société. Or cette prise de conscience est justement la première clé vers une évolution positive pour les enfants, » continue-t-elle en précisant que là encore, s'approcher des spécialistes des VEO est une première étape importante pour entamer un travail sur soi qui n'est pas toujours évident.
  • Avoir une démarche préventive sur les lieux d'accueil : « L'arrêté du 31 août 2021 créant un référentiel nationale relatif aux exigences applicables aux EAJE en matière locaux, d'aménagement et d'affichage oblige les structures d'accueil à mettre à disposition du public une information sur les VEO », rappelle Céline Quelen. Organiser des ateliers d'échanges libres avec les parents sur ces questions, imprimer et donner accès à chacun aux outils disponibles gratuitement sur le site de Stop-Veo sont autant de petites pas qui a termes favoriseront de nouvelles grandes avancées en matière de VEO. A chacun donc d'agir à son échelle.
Article rédigé par : V.D
Publié le 24 novembre 2022
Mis à jour le 21 novembre 2023

2 commentaires sur cet article

En 2004, Catherine Dumonteil Kremer créait la Journée de la Non Violence éducative, qui s’est d’abord appelée Journée contre la fessée. Le loi contre les violences éducatives est passée en 2019 mais la JNVE est toujours d’actualité, en effet, son objectif depuis sa création est la recherche de solutions alternatives à la violence éducative ordinaire lors d’événements gratuits que vous pouvez trouver partout en France
SOS parentalité 0 974 763 963 SOS parentalité Appel confidentiel, gratuit et non surtaxé Du lundi au samedi, 8h-12h et 14h-17h Les mercredis et vendredis, 20h-22h Ce dispositif est destiné aux parents résidant dans toute la France