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Le cri de désespoir des directrices d’établissements de la petite enfance : Un appel urgent à l’action

Carole Chrisment est directrice des crèches Baby Prince et Le P’tit Poucet et présidente du collectif des crèches associatives du Grand Est. Comme de nombreux acteurs de la petite enfance, elle a lu avec attention le livre-enquête de Victor Castanet, Les Ogres, et a souhaité prendre la parole pour exprimer la détresse des directrices de crèches pressurisées par la Psu.


Le livre « Les ogres » de M. Castanet offre un aperçu saisissant des défis auxquels sont confrontées les structures d’accueil du jeune enfant. Dans le chapitre 42, l’auteur met en lumière la problématique de la PSU (Prestation de Service Unique) : dès 2003, les directeurs des Caisses d’Allocations Familiales (Caf) rapportaient déjà des dysfonctionnements significatifs. « Ça ne va pas du tout, on ne s’en sort pas, sur le terrain cela dysfonctionne », soulignent-ils, témoignant d’une réalité de plus en plus axée sur des considérations comptables, au détriment de la qualité de l’accueil des jeunes enfants.

Ce cri de désespoir émanant des directrices d’établissements de la petite enfance met en évidence les problématiques complexes auxquelles elles font face. La qualité de l’accueil, les ressources humaines insuffisantes, les normes de plus en plus complexes à appliquer, les statistiques sur tout et rien ainsi que les normes sur les bâtiments, entre autres, pèsent lourdement sur leur quotidien. Ces professionnelles dévouées se retrouvent confrontées à des défis croissants, où la gestion devient de plus en plus minutieuse des budgets pour garantir la survie financière de leur crèche laisse un goût amer : elles disposent de moins en moins de temps pour concevoir des programmes pédagogiques et faire leur véritable métier.

Pourtant, nos enfants sont la base de la société de demain. Le Prix Nobel de l’Économie, James Heckman, démontre qu’un euro investi dans la petite enfance permet d’économiser treize euros dans les dépenses liées aux déviances à l’adolescence. Il est donc crucial, voire vital, d’investir correctement dans ce secteur.

Actuellement, les crèches PSU sont financées selon une formule complexe reposant sur trois critères :
– Les heures facturées
– Les heures réelles
– Les dépenses totales de la crèche

Ces trois éléments constituent la base de la PSU, auxquels s’ajoutent sept bonus avec des tranches et des calculs différents, représentant au total 27 critères distincts. Et certains critères sont complétement indépendants de la crèche comme le potentiel financier par habitant ! Ainsi, le métier d’éducateur de jeunes enfants, qui consistait à accueillir les enfants et leurs parents, s’est progressivement transformé en une fonction de comptable rigoureuse des heures et des dépenses.

Prenons un exemple : si votre taux de facturation est de 107 % et votre tarif de 10,05 € par heure (représentant le maximum de la Prestation de Service), et qu’un parent vous demande d’accueillir son enfant cinq jours supplémentaires en décembre, vous vous retrouvez à passer de 10,05 € à 10,03 €. Bien que cela puisse sembler insignifiant, cette diminution de 0,02 € vous fait perdre la prestation de service maximale et peut par un effet de domino sur les bonus occasionner une perte de 10 000 €.
Ainsi, malgré le respect de votre mission de travailleur social d’accueillir les enfants, vous êtes pénalisé.
C’est le comble ! Et cela va à l’encontre même de la PSU.

Alors, ces trois critères sont-ils vraiment un gage de qualité d’accueil pour le jeune enfant ? Les heures réelles ou facturées garantissent-elles une relation apaisée avec les parents ? Les dépenses assurent-elles une qualité d’accueil ?
Je ne le pense pas.

La COG (Convention d’Objectif et de Gestion) n’a jamais investi autant d’argent dans la petite enfance, mais cet argent ne permet pas aux structures d’accueillir les enfants et les parents dans de bonnes conditions, car la formule de calcul de la PSU est trop complexe et déconnectée de la réalité des crèches, de la qualité d’accueil des jeunes enfants et de l’accompagnement des parents dans leur fonction parentale.
Les structures sont en déficit chronique depuis des années.

Il est urgent d’aider tous les modes de garde de la petite enfance en créant une formule de calcul alignée sur les enjeux actuels. Nous ne pouvons pas attendre la fin de la COG en 2027 pour réformer le financement de la petite enfance. Réinventons ensemble de nouvelles modalités de paiement pour les structures d’accueil.

Un appel à la ministre : Agissons ensemble pour la petite enfance

Face à cette réalité, il est impératif de repenser les politiques publiques en matière de petite enfance. Les directrices, en tant que piliers de ces établissements, méritent d’être entendues et soutenues dans leur mission essentielle. C’est pourquoi un appel urgent est lancé à la ministre de la Petite enfance : il est temps de prendre des mesures concrètes pour garantir la pérennité des structures d’accueil et améliorer la qualité des services offerts.

La voix des directrices doit s’élever au-delà des murs de leurs établissements pour susciter un véritable changement et éviter que le désespoir ne s’installe durablement dans le secteur. Un engagement collectif en faveur de la petite enfance est non seulement souhaitable, mais également indispensable pour garantir un avenir meilleur pour nos enfants et les professionnels qui s’occupent d’eux.

Conclusion : La petite enfance mérite mieux que l’indifférence.
 

Pour Sylviane Giampino, les normes et les contrôles ne régleront pas la qualité d’accueil des jeunes enfants.

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Carole Chrisment

PUBLIÉ LE 30 septembre 2024

MIS À JOUR LE 14 octobre 2024

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