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Table ronde 2. Crèches associatives : pourquoi se sentent-elles menacées ? Comment les sécuriser et les pérenniser ?

En 2023, 26% des crèches PSU en France sont des crèches associatives. Et elles offrent près de 100 000 places d’accueil aux enfants. Pourtant, elles se portent de plus en plus mal. Petites ou grandes, toutes les associations gestionnaires se plaignent aujourd’hui  de leur précarité financière. Comment sortir de l’impasse à moins de trois mois du coup d’envoi du SPPE ?

Echange avec sept invités : Philippe Dupuy, directeur général de l’ACEPP, Muriel Gasco, présidente d’Accent petite Enfance, Céline Legrain, directrice déléguée de Crescendo-du groupe SOS et co-présidente de la FNAPPE, Céline Marc, directrice du département enfance, jeunesse et parentalité de la Cnaf, Vincent Mermet, directeur général Espace19, co-président de la FNAPPE, Jérôme Perrin, directeur du développement et de la qualité de l’ADMR et Steven Vasselin, élu petite enfance de Lyon. 


Depuis plusieurs années, les acteurs du secteur associatif de la petite enfance alertent : le modèle économique des crèches associatives n’est plus viable, comme en attestent les fermetures successives de structures. Vincent Mermet, directeur général Espace19, coprésident de la FNAPPE, a ouvert le bal de cette table ronde sur l’avenir des crèches associatives et détaille ses inquiétudes. Il évoque une triple menace qui pèse sur le secteur associatif : la fermeture des associations, les barrières multiples à la création qui freinent les nouveaux projets. En troisième point, il a partagé un constat que feront également les autres participants. « Les structures associatives pour survivre perdent ce qui fait l’ADN du fait associatif, explique-t-il. Progressivement, elles n’ont plus dans leur conseil d’administration et dans leur direction, les compétences de vision et d’engagement qui légitiment leur utilité dans le paysage de la petite enfance. » 

Des difficultés structurelles 

En effet, les crèches associatives sont des structures petite enfance gérées et administrées par une association. Elles se distinguent par leur gestion à but non lucratif, leur implication parentale et leur mission sociale forte. Elles sont présentes dans des zones à faible couverture et notamment en milieu rural et urbain sensible. Le bureau et le conseil d’administration sont composés de bénévoles. Mais ces derniers se font de plus en plus rares. « Il est difficile de trouver des bénévoles qui s’investissent sur le long terme, des personnes qui sont en capacité de prendre des risques et de s’investir dans un projet », regrette Jérôme Perrin, directeur du développement et de la qualité de l’ADMR.

Les obligations réglementaires surchargent les bénévoles dans un environnement de pénurie de professionnels. Et certains gestionnaires associatifs à la tête de toutes petites structures manquent d’expertise et ont besoin d’accompagnement. « Les acteurs du secteur rencontrent de telles difficultés structurelles que les compétences pour survivre sont largement priorisées au détriment du projet », résume Jérôme Perrin. Une perte de sens que Muriel Gasco, présidente d’Accent petite Enfance, attribue aussi à la mise en place de la PSU dans sa dernière composante : « Une tarification a fait beaucoup de tort à nos organisations et à la qualité du travail, car à vouloir tout rationaliser, on y perd un peu son âme.»

Les crèches associatives davantage financées par la Cnaf

S’il est difficile de chiffrer précisément la dégradation économique des associations, les causes sont elles bien identifiées. Mais rappelons d’abord le mode de financement de ces structures. Elles bénéficient généralement de trois types de financements : celui de la Caisse d’Allocations Familiales, les subventions des collectivités locales et le financement par les familles. « La CAF aujourd’hui en moyenne donne 54% du coût de financement d’une place en crèche pour une crèche associative », précise Céline Marc, directrice du département enfance, jeunesse et parentalité de la Cnaf. La participation familiale s’élève à 18% et le reste, soit 28%, est financé par une collectivité territoriale, le tiers financeur. Elle souligne que « la branche famille soutient davantage les crèches associatives, non pas en raison de leur forme juridique, mais parce qu’elles portent souvent un projet social qui leur permet de bénéficier de plus de subventions ». La directrice du département enfance, jeunesse et parentalité de la Cnaf évoque notamment des « bonus territoire et mixité plus élevés que chez les autres acteurs. »

Cependant, à la CAF les mécanismes d’attribution sont très codifiés. Parfois, « ces financements s’imbriquent, mais ce n’est pas toujours le cas et il arrive qu’on soit renvoyé d’un financeur à l’autre sans possibilité d’avoir une négociation collective qui nous permettrait d’avoir un budget de financement commun », regrette Céline Legrain, directrice déléguée de Crescendo, membre de la Fehap. À cela s’ajoute la PSU, un financement imprévisible ne permettant pas de sécuriser le fonctionnement de l’association. Par ailleurs, de nombreuses structures du secteur associatif ne bénéficient pas du bonus attractivité à l’image de l’ADMR (association d’aide a domicile en milieu rural) qui gère environ 130 crèches en milieu rural dont 90 micro-crèches. La problématique du financement contraint certaines associations à s’orienter vers un mode Paje, mais cela représente un coût supplémentaire pour les familles. Et cette troisième voie est contraire à l’essence même des crèches associatives. 

La question du tiers financeur

On en revient à ce sujet du tiers financeur qui fait toute la différence. Les collectivités ne peuvent et ne veulent pas toujours investir à hauteur de 28% comme précisé ci-dessus. Elles ont des financements en régression ou qui n’augmentent pas pour suivre le cours de l’inflation. Ces derniers sont soumis à des négociations annuelles en fonction des priorités des villes. « Il y a sur certains territoires aucune participation aux associations de la part des communes ou du département », alerte Muriel Gasco. La volatilité et les disparités de financements publics selon les territoires créent de l’insécurité pour les associations.

Par ailleurs, les relations peuvent être tendues avec ce tiers financeur, « surtout quand les problèmes économiques deviennent prégnants », comme l’explique Philippe Dupuy, directeur général de l’ACEPP. « Même si nous sommes favorables au SPPE, il y a une part d’inquiétude, est-ce que les communes vont nous laisser une place ? Sommes-nous considérés comme un prestataire ou bien un contributeur qui participe à la réflexion, à la manière de faire sur notre territoire. Nous souhaitons garder la maîtrise des décisions. » Philippe Dupuy regrette que les communes ne soient pas formées au système de subvention et pensent que la DSP est plus sécurisée. « Il faut qu’on ait des interlocuteurs qui connaissent ce mode de financement, insiste-t-il. Et qu’on puisse leur rappeler que quand on subventionne une association elle est libre de gérer la manière dont on lui octroie le financement, il n’y a pas de contrepartie. On organise la précarité du monde associatif lorsqu’on donne une subvention à l’équilibre ».

L’exemple édifiant de Lyon

Lyon fait figure d’excellent élève avec un tissu associatif fort composé en grande partie de petites associations, gérées pour la majorité par les parents, et d’acteurs plus puissants comme la Mutualité française ou la Croix rouge. À Lyon, pas de DSP, priorité au secteur associatif qui représente l’essentiel des nouveaux berceaux créés depuis les dix dernières années. Sur le modèle du guichet unique, les places associatives et municipales sont distribuées en commission. « Nous avons à cœur de promouvoir le tissu associatif et de discuter avec les parents, mais sans délaisser le municipal, explique Steven Vasselin, élu petite enfance de Lyon. À partir de ce constat, on s’assure qu’il n’y ait pas un décalage entre la qualité de l’accueil, les conditions salariales, dans les deux typologies de structure (municipale et associative), avec cette idée de toujours niveler par le haut.» L’élu petite enfance assure chaque année augmenter les subventions données aux associations.

Néanmoins il reconnaît que dans un contexte de pénurie, les bénévoles des crèches les plus petites se retrouvent parfois à gérer des situations de crise pour lesquelles ils ne sont pas armés. « Les parents ne sont pas des professionnels de la finance et de la gestion d’un établissement. Nous les accompagnons notamment avec l’Accep.» Les subventions sont votées annuellement à Lyon en fonction du budget de fonctionnement de la ville qui est établi chaque année.  De fait, « il serait difficile de graver dans le marbre quelque chose sur une plus longue durée », précise l’élu. En revanche, tous les partenariats avec les associations sont établis sur une durée minimale de trois avec une tacite reconduction à l’issue. Pour Steven Vasselin, le nœud du problème, c’est la DSP et la PSU.  

Comment sécuriser les crèches associatives ? Les pistes envisagées
 

  • Travailler la sécurisation des financements

La Cnaf oeuvre pour sécuriser et rendre dynamique le cofinancement avec les communes, précise Céline Marc. Désormais, les Caf donnent directement les subventions aux associations sans passer par les collectivités. « Nous souhaitons aller beaucoup plus loin sur cette part forfaitaire qui permet de développer des projets pédagogiques ou de territoire spécifique », ajoute Céline Marc. Aujourd’hui pour chaque structure, une convention d’objectif et de financement vérifie qu’il y a un tiers financeur. On s’assure au moment de cette convention que le tiers financeur est bien présent et à un niveau qui permette à la structure de vivre. » La directrice du département enfance, jeunesse et parentalité de la Cnaf précise que la branche famille, grâce à la COG, donne une visibilité aux gestionnaires sur au moins 5 ans, afin de leur permettre de pérenniser leurs actions. La Cnaf rappelle la mise en place du bonus attractivité. « Une des motivations principales de ce bonus attractivité était de soutenir les crèches associatives notamment avec la convention collective ALISFA.» 

  • Un bonus ruralité

C’est la proposition de Jérôme Perrin, directeur du développement et de la qualité de l’ADMR afin de « venir en en support du financeur tiers ». Le réseau AMDR a annoncé avoir rencontré l’association des maires ruraux de France pour travailler sur ce projet.  

  • Un socle minimum de financement

Muriel Gasco préconise la mise en place d’un socle minimum d’aide à l’investissement et au fonctionnement sur l’ensemble du territoire, obligatoire pour toutes les communes car les disparités sont flagrantes. Deux autres pistes sont évoquées par la présidente d’Accent Petite Enfance. « Si  la Cnaf est vraiment très active au niveau national, nous souhaitons qu’il y ait un relai des objectifs et des visées au niveau des Caf. On observe des disparités entre les départements.» En dernière piste, elle insiste sur la nécessité pour les associations de rejoindre un réseau pour être accompagnées sur la structuration, le chiffrage et la mise en œuvre des textes réglementaires.

  • Réforme du système IDA

Les Caf ont mis en place la démarche IDA (informer/détecter/accompagner) afin de prévenir et surmonter les difficultés (de gestion, de trésorerie) rencontrées par les gestionnaires d’Eaje. Céline Legrain plaide pour une réforme de ce système à court terme. « Nous avons constaté récemment qu’un certain nombre de gestionnaires associatifs n’y avaient pas droit car ils ne rentraient pas dans les critères, souligne-t-elle. La structure doit connaître des difficultés économiques depuis plus de trois ans et des difficultés de taux d’activité. Or ce n’est pas forcément ce à quoi sont confrontées les associations. Certaines sont déficitaires depuis moins longtemps mais fortement déficitaires, et elles parviennent à bien gérer leur taux d’occupation. Elles sont confrontées à un déficit plus structurel que conjoncturel.»

À plus long terme, la Fehap préconise un système similaire à ce qui se pratique dans le médico-social, un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) avec pour objectif d’arriver à une négociation tripartite entre les Caf, les collectivités, et les associations. Un point de vigilance important : la question de la trésorerie. Céline Legrain souhaite que les collectivités puissent s’engager sur les mêmes durées que la COG et milite pour des financements Caf versés à des échéances plus régulières. Elle recommande enfin de remonter les salaires du secteur associatif à hauteur du salaire des collectivités et de mettre en place un observatoire pour suivre plus particulièrement le secteur associatif. 
 

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Candice Satara

PUBLIÉ LE 01 octobre 2024

MIS À JOUR LE 03 octobre 2024

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