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Guide d’inspection-contrôle des modes d’accueil : priorité à la qualité
Le guide d’inspection et de contrôle des modes d’accueil du jeune enfant en cours de relecture finale, a été présenté le 15 juillet au comité de filière petite enfance. Axé sur la qualité d’accueil, il devrait être opérationnel pour la rentrée de septembre. Mais les professionnels et gestionnaires regrettent de ne pas pouvoir le lire, en amont. Une petite polémique qui concerne plus la forme et la méthode que le fond. On fait le point avec Nicole Bohic, Inspectrice générale des affaires sociales en charge de le préparer.
Pour rappel, ce guide d’inspection et de contrôle découle de la lettre de mission à l’Igas signée d’Aurore Bergé sur les référentiels nationaux, concernant les pratiques professionnelles et l’organisation des EAJE. Outre ce guide de contrôle et le référentiel national de la qualité d’accueil tout récemment publié, il s’agit du référentiel connaissances et compétences en cours d’élaboration et du guide d’évaluation destiné lui aux gestionnaires et directeurs d’EAJE.
Un guide à destination des PMI axé sur la qualité d’accueil
Le guide contrôle rappelle Nicole Bohic est « un guide réalisé par les autorités pour les autorités ». En l’occurrence, les autorités de contrôle, dont au premier chef le Département puisque depuis la loi de décembre 2023 et son article 18 , le président du Conseil départemental tient un rôle clef dans les contrôles des EAJE et des assistantes maternelles. Épaulé bien sûr par ses services de PMI. Une réponse claire aux membres du comité de filière qui auraient souhaité être consultés, concertés et procéder à d’ultimes lectures et relectures. Ceux-là ont tout faux. Un guide d’inspection et de contrôle se construit avec les autorités de contrôle de l’État, des départements et des services déconcentrés de l’État. Mais étaient aussi conviés aux groupes de travail, le SNMPMI, l’ANDASS et les écoles formant inspecteurs et contrôleurs.
Plus de trente départements et une dizaine de services déconcentrés de l’État ont participé à la création de ce guide. Aujourd’hui, le document – environ 35 pages hors annexes – est en ultime relecture. À destination des PMI, il devrait être opérationnel dès le mois de septembre et donner un cadre national au contrôle des EAJE et des assistantes maternelles, puisqu’il concerne autant l’accueil individuel que collectif. Et, selon les termes de Nicole Bohic, il propose « de renverser les anciennes habitudes de contrôle en privilégiant de nouvelles pratiques permettant réellement de sentir et ressentir la qualité d’accueil proposée ». Elle explique : « Jusqu’à présent, en effet, les contrôles, c’était : lu, vu, entendu. On commençait par l’étude des documents et on terminait par une visite pour voir comment vivait la structure. Désormais, ce sera : vu, entendu, lu. Vu, cela signifie s’immerger dans le lieu d’accueil à hauteur d’enfant pour comprendre et ressentir comment se vit et s’organise l’accueil. Bref, l’idée étant de partir du vécu, de la réalité du terrain pour mieux appréhender la qualité et l’ambiance de l’accueil. » Et tout cela devant être observé au regard non seulement des textes réglementaires, mais au regard de la charte nationale d’accueil du jeune enfant et du référentiel national sur la qualité d’accueil qui constituent une sorte de boussole de la qualité.
Tout le guide, en conformité avec la loi Plein Emploi et notamment son article 18, est axé autour de la qualité d’accueil et de la coordination entre les différents « contrôleurs ». D’où cette méthode immersive privilégiée qui correspond à la nouvelle philosophie de ces contrôles- inspections (voir encadré).
Des contrôles inopinés de préférence, mais des procédures précises et respectueuses
Il est donc conseillé de privilégier les contrôles inopinés, l’idée étant d’éviter que tout risque ou dysfonctionnement éventuel soit masqué en cas de visite annoncée. On a vu des cas où des équipements étaient enlevés (ex : bacs sensoriels, etc.) ou encore où des pros d’autres structures venaient en renfort pour masquer un taux d’encadrement insuffisant, etc. Mais, rappelle Nicole Bohic, « des contrôles inopinés ne sont pas là pour piéger une assistante maternelle ou une crèche… ils sont prévus pour appréhender la réalité du terrain et du quotidien. » Ils sont donc très utiles puisque les inspections-contrôles sont tout de même prévus pour « analyser les risques » et « soutenir l’accueil ».
En fait, le guide fait référence au plan de contrôle départemental prévu par la loi. Dans ce cas, ce sont des contrôles programmés, mais ces contrôles programmés peuvent se faire de façon inopinée. Et puis il y a les contrôles non programmés qui, eux, se font quand il y a eu un évènement déclenchant spécifique (accident, plainte, déclaration, etc.). Nicole Bohic qui a mené un certain nombre de contrôles dans sa carrière et qui enseigne dans les écoles de formation des contrôleurs et inspecteurs, insiste : « le temps du contrôle est un temps bien précis et spécifique qui implique des devoirs de part et d’autre. On analyse, on questionne pour aboutir à un diagnostic. Nous avons le devoir de ne pas mélanger les différentes approches (accompagnement et l’évaluation sont autre chose) et d’être très explicites. » Et c’est seulement après le rapport d’inspection, après la lettre d’intention où les contrôleurs présentent les décisions envisagées, que ce soit de simples recommandations ou des injonctions, après le temps du contradictoire où la personne ou structure contrôlée peut donner ses points de vue, augments et réponses, qu’une lettre de décision lui sera envoyée. Si cela fait référence à un texte réglementaire non respecté, ce sera une injonction ; sinon, cela pourra donner lieu à de simples recommandations pratiques.
« Puis viendra le temps du suivi post inspection. Il s’agira de vérifier si les points réglementaires non respectés le sont, mais, à ce moment aussi, d’être dans l’accompagnement pour la mise en œuvre des recommandations allant dans le sens de plus de qualité. », conclut Nicole Bohic.
Publié ou pas ? Opposable ou pas ? Des questions à arbitrer
Les acteurs du terrain sont frustrés de n’avoir eu qu’un sommaire et qu’une présentation Power Point du guide, certes commentée par Nicole Bohic, mais pas assez détaillée selon eux. Ce qui peut se comprendre : « quand on est contrôlé, on aimerait savoir sur quelles bases et selon quelle méthode », regrettent-ils, unanimement. Pierre Suessser du SNMPMI, abonde dans ce sens. « A partir du moment où il y a un guide national de contrôle, il est bon que les contrôlés en aient connaissance ».
On sait aussi que nombre de gestionnaires avaient l’espoir que ce guide national puisse édicter des règles claires et objectives et permettre une harmonisation des contrôles entre les différents départements et services de PMI. Or, deux questions essentielles sont encore en suspens, car non arbitrées. Ce guide sera-t-il mis en ligne et accessible ? Pas sûr, des guides IGAS de ce type concernant le médico-social avaient été publiés puis dépubliés. Deuxième point : ce guide sera-t-il opposable. A priori non. Et, dès lors, l’une des craintes émises lors du comité de filière est que tous ces contrôles, aboutissent à des appréciations très subjectives et que chaque département et PMI fasse de ce guide une interprétation différente…
Nicole Bohic rassure : « peu de risques puisqu’il y a de nombreuses références à des textes réglementaires opposables. » Pour Pierre Suesser, « si ce guide n’est pas opposable, cela signifie qu’il constitue une base de travail. Et, je pense, ajoute-t-il, que cet outil seul peut permettre d’harmoniser des pratiques sans que cela se transforme en une uniformisation des pratiques. ».
Mais il ajoute : « pour moi ce qui permettra vraiment l’harmonisation des pratiques des PMI ce seront les échanges qui pourront avoir lieu dans le cadre du CANA-PMI (comité national des actions de PMI), qui devait être relancé suite aux Assises de la Pédiatrie et qui semble aujourd’hui au point mort. »
Les grands axes des inspections-contrôles
– Recentrer l’inspection-contrôle sur la qualité de l’accueil
– Distinguer clairement contrôle, accompagnement et évaluation
– Privilégier les inspections inopinées
– Adopter une posture professionnelle adaptée
– Fonder les constats sur des preuves croisées
– Développer une analyse de risque documentée et systémique
– Renforcer la coordination entre autorités de contrôle
– Respecter la procédure contradictoire
– Proposer des mesures proportionnées
-Prévoir un suivi post-contrôle
Catherine Lelièvre
PUBLIÉ LE 18 juillet 2025