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L’AMF appelle l’Etat à financer le SPPE à la hauteur de son coût réel
Quelques jours après la réunion de son groupe de travail petite enfance, l’AMF tenait le 30 janvier une conférence de presse. Loin de vouloir faire un bilan prématuré de la mise en œuvre du SPPE, Clotilde Robin et Daniel Cornalba, co-présidents du groupe de travail ont appelé l’Etat à tenir ses engagements et à rassurer les élus, notamment sur la question de la compensation financière.

On sentait poindre la déception et l’impatience dans les mots de Clotilde Robin, ce 30 janvier, lors de la conférence de presse de l’AMF : « Nous avions demandé à ce que le SPPE, qu’on a appelé de nos vœux, qu’on a porté, soit mis en place avec méthode. Une méthode qui soit travaillée pour qu’au moment de la mise en place les territoires soient prêts, en adéquation avec les échéances électorales. Le fait est que les décrets d’application ne sont toujours pas sortis ! ». Près d’un mois après l’entrée en vigueur du SPPE et des nouvelles obligations des communes devenues autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, l’AMF déplore que certains décrets d’application ne soient toujours pas publiés, « fragilisant la mise en œuvre efficace et adaptée de ce SPPE »

Une compensation financière qui inquiète les maires
Clotilde Robin et Daniel Cornalba ont souhaité se faire l’écho des inquiétudes des maires notamment sur la question des compensations financières, pour exercer leurs nouvelles compétences dans les meilleures conditions possibles. Si dans le PLF encore en discussion, 86 millions d’euros sont annoncés pour le financement du SPPE, l’enveloppe prévue « ne couvrirait que 50 à 80 % du coût prévu pour les communes », regrette Daniel Cornalba, alors que le Bureau avait exigé que cette compensation financière soit intégrale et couvre l’ensemble des dépenses générées par ces nouvelles missions.
L’AMF déplore qu’aucune compensation ne soit prévue pour les communes de moins de 3500 habitants et les EPCI, qui pourraient être amenés à exercer l’ensemble des compétences, en cas de transfert. Les critères de répartition de la compensation financière, actuellement envisagés, à savoir le potentiel financier et le nombre de naissances, sont imparfaits et insuffisants et doivent être redéfinis en concertation avec les maires de France. « Si on se contente du nombre de naissances, on risque de passer à côté des réalités et diversités de situations qui ne seraient pas prises en compte… », insiste Daniel Cornalba.
Enfin, l’AMF rappelle que 10% des communes de plus de 10 000 habitants n’ont pas encore de Relais Petite Enfance. Avec le SPPE, elles se voient dans l’obligation d’en créer un, sans même connaitre les modalités de l’accompagnement financier auquel elles auront droit. RPE auxquels ont été confiées de nouvelles missions qui entraineront de fait un surcoût de fonctionnement (à savoir la compétence 4 relative à la qualité de l’accueil et la compétence 2 relative à l’information et l’accompagnement de l’ensemble des familles d’enfants de moins de 3 ans et des futurs parents), précise le communiqué de presse de l’AMF.
« Nous ne devons pas être seuls à informer les maires »
Deuxième enjeu de la mise en place du SPPE, l’information des maires. Le bureau de l’AMF a souhaité rappeler qu’il y avait encore beaucoup à faire pour informer les élus de leurs nouvelles responsabilités. Et si l’ex-ministre Agnès Canayer s’était engagée à faire son tour de France « SPPE Tour » pour faire connaitre le SPPE, cette promesse restera lettre morte puisque « nous n’avons plus de ministre spécifiquement dédié à cette fonction ». L’AMF attend un engagement fort du gouvernement dans cette action. « Évidemment nous prendrons notre part, a assuré Daniel Cornalba. Mais nous ne devons pas être les seuls à le faire ! »
Urgence sur la pénurie de professionnels
C’était un des prérequis de l’AMF à la mise en place du SPPE. Les élus alertent plus que jamais sur la pénurie de professionnels, le besoin urgent de plus de 10 000 professionnels formés dans les crèches et la nécessité d’anticiper le départ à la retraite de plus de la moitié des assistants maternels au cours des prochaines années. Dans son communiqué, l’AMF estime que l’objectif annoncé de 200 000 places en crèches créées d’ici 2030 est désormais illusoire. Les maires attendent des solutions urgentes pour résorber la pénurie sans faire de compromis sur les exigences de qualification des professionnels. Et espèrent que les travaux du Comité de filière aboutiront rapidement à « des solutions opérationnelles concrètes ».
L’AMF reste favorable au projet de décret « micro crèches »
Interrogés sur le projet brûlant de décret sur les micro-crèches et la pression faite ces dernières semaines par les fédérations du secteur privé lucratif sur les élus municipaux, il semble que le sujet ait été largement évoqué lors du groupe de travail petite enfance du 28 janvier, et n’ait pas fait l’unanimité. « Un grand nombre de maires ont pu recevoir des courriers. Nous n’ignorons pas ce sujet, a affirmé Daniel Cornalba, cherchant le consensus. Chaque municipalité a sa propre sensibilité, l’AMF reste attachée à la diversité des modes d’accueil qui nous réunit tous et à la qualité de l’accueil ». Pour Clotilde Robin, les maires « tiennent bon face à cette demande d’exigence de qualité et sont bien plus préoccupés par la question évoquée des moyens financiers… » Et de rappeler que l’AMF avait émis un avis favorable au projet de décret sur les micro-crèches, tout en demandant « qu’une attention particulière soit apportée aux micro-crèches publiques, gérées par les communes ou intercommunalités, sous le régime de la Psu, pour que l’application des nouvelles règles n’aboutisse pas à des destructions de places », a-t-elle précisé.
Un courrier accueilli avec réserve
Le courrier de Catherine Vautrin adressé le 29 janvier aux associations d’élus a lui, suscité un enthousiasme mesuré des représentants de l’AMF, qui n’ont d’ailleurs pas souhaité prendre une position affirmée sans consultation préalable du bureau. Une main tendue qui arriverait un peu tard ? Daniel Cornalba a cependant salué la démarche, « ce courrier, c’est un pont pour un dialogue et depuis longtemps nous demandons que les maires puissent être à la table des discussions. Tout ce qui va dans ce sens est bon à prendre », a-t-il reconnu, regrettant que les maires soient trop souvent laissés pour compte. « La loi a été adoptée il y a un an et certains décrets ne sont toujours pas sortis. Quand on veut bien faire les choses collectivement en intégrant les maires, nous envoyer certains décrets 48h avant le passage en Comité national d’évaluation des normes, je trouve cela assez baroque ! (…) Sur le territoire, c’est nous les maires qui sommes directement interpellés y compris parfois pour des textes dont nous ne sommes pas les auteurs. Il faut donc qu’on travaille collectivement », a-t-il conclu.
Laurence Yème
PUBLIÉ LE 31 janvier 2025