Quelle place pour les parents dans les lieux d’accueil ?

Par Monique Busquet
Psychomotricienne, formatrice petite enfance
Accueillir de jeunes enfants, c’est aussi accueillir leurs parents et donc réfléchir à la place qui leur est faite. Les pratiques sont aujourd’hui très variables. Certaines crèches proposent aux parents de rester dans les espaces de vie des enfants aussi longtemps qu’ils en ont besoin. Dans d’autres lieux, l’accueil se fait uniquement sur le pas de la porte.

Les arguments qui freinent l’entrée des parents sont divers et nombreux et ce depuis la création des premières crèches : des questions d’hygiène, peur que cela dérange les autres enfants, peur que les enfants pleurent plus à la séparation, peur que les parents soient plus inquiets du fait des pleurs des autres enfants, manque de place, respect de la confidentialité des transmissions, manque de temps des parents, ou encore par respect de l’espace privé en accueil individuel.
Pourtant malgré ces freins, de nombreux professionnels ont fait depuis longtemps et font encore aujourd’hui le choix de permettre aux parents d’entrer. Ainsi ceux-ci peuvent y partager du temps avec leur enfant, durant les premiers jours comme tout au long des mois ou années d’accueil. Enfants, parents et professionnels en tirent de nombreux bénéfices.
L’enfant est d’autant plus rassuré dans le lieu d’accueil, qu’il y partage du temps avec ses parents. Bernard This parlait déjà dans les années 1990 de « mamaïser » l’espace de vie, c’est-à-dire le colorer, l’imprégner de la présence de son parent. Cette présence permet à l’enfant de se sentir en sécurité pour créer des liens de confiance avec les professionnels dans ce lieu. Les séparations en sont facilitées et l’absence souvent moins difficile à vivre pour l’enfant.
Le professionnel est également gagnant car il est souvent mieux compris et reconnu dans son travail. Il permet aux parents de voir son professionnalisme, la qualité de son attention aux enfants et de ses réponses apportées. En présence du parent, il continue son travail auprès des enfants, laissant voir ainsi les réalités et la complexité de son travail. Pour cela, il est vrai qu’un peu de temps peut lui être nécessaire pour dépasser sa timidité et ses peurs du regard et du jugement éventuel.
Le parent est plus en confiance. Il n’y a rien à cacher. Il peut ainsi mieux connaitre et se représenter la journée de son enfant. Il peut le regarder jouer, interagir, le découvrir autrement dans ce cadre et partager avec lui des temps de plaisir. Il voit également les pleurs, les sources de frustration, les attentes et partages, les interactions entre enfants parfois conflictuelles. Il peut ainsi mieux prendre en compte ce que son enfant vit à la crèche, les joies, les peines et les fatigues.
Les relations parents/professionnels en deviennent plus riches et fluides. Les échanges autour de l’enfant sont facilités s’appuyant sur ce que celui-ci fait et vit à la crèche, sur ce qui lui y est proposé et du pourquoi de ces modes de faire et pratiques des professionnels.
Cette ouverture aux parents nécessite bien entendu d’y réfléchir en équipe, d’en comprendre et revisiter les objectifs, de reconnaître la légitimité des freins, de travailler pour en diminuer les risques ou difficultés, d’en déterminer les moyens et les limites et faire en sorte que chacun, enfant et professionnel soit réellement respecté.
PUBLIÉ LE 29 février 2024
MIS À JOUR LE 12 juin 2024